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A SENEGAL : la gauche en miettes. De la responsabilté des militants et dirigeants. Solutions de gauche ou droitières. Par Alla Kane

Combien sont-ils ces hommes et ces femmes de chez-nous, non organisés, qui proclament ou affichent leur appartenance à la gauche ? Ils sont nombreux ; très nombreux.

 

Combien sont-ils les partis et organisations de masses qui se réclament de la gauche ? Ils sont nombreux; très nombreux.

 

Combien sont-ils les cadres et intellectuels de la diaspora sénégalaise qui manifestent leur appartenance à la gauche? Ils sont nombreux ; très nombreux.

 

Ce mot qu’est l’adjectif « nombreux » est l’expression concentrée de tous les maux dont souffre la gauche sénégalaise aujourd’hui. Il traduit parfaitement l’état de dispersion et d’émiettement de la gauche et explique son incapacité à accomplir sa mission historique qui est de prendre le pouvoir politique pour qu’enfin soient réellement réunies les conditions de l’avènement d’un Sénégal émergent, sous la conduite de son peuple enfin libre et maître de son destin.

 

Tant que demeurera cette situation déplorable, la gauche restera toujours sur le quai de la gare, à regarder le train de l’histoire continuer sa marche. La mission historique qui incombe aujourd’hui à tous ceux qui se réclament de cette gauche est justement de travailler sans relâche à la disparition totale de ce handicap qui n’a que trop duré.

 

A chaque fois que j’y réfléchis, je ne peux manquer de me souvenir des termes par lesquels Karl Marx dans la Section IV du Capital, spécialement consacrée à l’Agriculture, caractérisait la petite exploitation paysanne. Après une analyse fine d’une profondeur scientifique inégalable, il concluait en ces termes : « Les moyens de production sont éparpillés à l’infini, le producteur lui-même se trouve isolé. Le gaspillage de force humaine est immense. La détérioration progressive des conditions de production sont une loi inéluctable de la propriété parcellaire. Les bonnes années sont un malheur pour ce mode de production. »

 

Ainsi l’éparpillement des organisations de la gauche, leur intervention de manière isolée et parcellaire sur la scène politique, le gaspillage des énergies qu’elles déploient régulièrement avec générosité font que les résultats qu’elles enregistrent ne reflètent guère le poids réel qui est le leur.

Leur éclatante victoire du 19 mars 2000 a été un malheur pour elles à cause de leur dispersion qui a permis à leur adversaire de la retourner contre elles. En jouant sur leur désunion ce dernier a récupéré cette victoire et les a précipitées dans l’abîme. Elles ont manqué de résistance et de détermination dans l’unité. Cette victoire, elles l’ont perdue dès le 7 janvier 2001, jour de l’adoption de la nouvelle constitution taillée sur mesure qui est la mère de toutes les dérives que nous subissons aujourd’hui. Le programme de la CA 2000 a été ainsi foulé aux pieds et l’alternance elle-même vidée de tout son contenu.

 

La descente aux enfers a été illustrée par les résultats de la présidentielle du 25 février 2007. Ces résultats continuent de refléter l’état d’organisation en rangs dispersés de la gauche. Et tant qu’il ne sera pas mis fin à cette situation, l’histoire continuera de se répéter et la gauche continuera d’être réduite à sa plus simple expression.

 

Les résultats de l’élection présidentielle du 25 février 2007 ont suscité beaucoup de commentaires. Les uns faits sous l’angle partisan et les autres sous un angle neutre.

 

Parmi les premiers, deux ont particulièrement retenu notre attention. Ceux du Professeur Moustapha Kassé et de Mamadou Diop Decroix.

 

Dans un article intitulé «L’onction du peuple à Me Wade élu massivement au premier tour.» le Professeur Moustapha Kassé a eu à nous servir, entre autres, les opinions suivantes : «Parallèlement il (le peuple) a très sévèrement sanctionné la naïveté et la cécité politique d’une opposition amorphe, sans programme et sans idées, qui s’est accrochée, sur une longue période, à des scories. ». « Quant aux candidats de la gauche, ils sont complètement laminés et n’ont presque pas fait mieux que ceux de la société civile qui sont au banc d’essai.»

 

De la part d’un transhumant ces propos ne doivent guère surprendre. L’opposition en général et la gauche en particulier qui ont décidé de continuer leur chemin ne sont que des naïfs et sont atteints de cécité devant le programme et les résultats du septennat de Me Wade. Notre transhumant ne s’embarrasse guère d’objectivité dans l’analyse et de profondeur dans l’investigation parce qu’au départ de la course il ne s’était pas aligné et qu’il lui suffit de peu pour qu’il applaudisse des deux mains.

 

Comme me le faisait remarquer l’autre «le pique assiette qui s’attendait à recevoir de son hôte une pièce de 100 francs pour payer le Ndiaga Ndiaye de son retour et qui reçoit une enveloppe qu’il ouvre pour y trouver la somme de 100 000 de francs perd toutes ses facultés mentales et comme la cigale passera toute sa vie à chanter les louages de son hôte».

 

En vérité, l’histoire retiendra que c’est le rouleau compresseur de l’appareil d’Etat qui a remporté l’élection du 25 février contre le peuple sénégalais. L’Etat et tous ses démembrements ont été entièrement, et dans la durée, mis en branle pour obtenir les résultats du 25 février 2007.

 

L’opposition n’avait pas en face d’elle le PDS, et encore moins la Cap21, dans la compétition électorale. Le PDS, à lui seul, n’a jamais gagné des élections. Dans l’opposition, comme au pouvoir, il s’est toujours appuyé sur des coalitions.

 

Le chiffre de 30 milliards a été officiellement annoncé comme budget de la campagne électorale. Auquel il faut ajouter les moyens matériels et humains de l’appareil d’Etat.

 

Cet appareil a été transformé en un gigantesque appareil électoral pour la réélection, dès le premier tour, du président candidat.

 

Des hommes de paille ont été promus aux postes de responsabilités de l’appareil avec la mission d’œuvrer à la réélection du président.

 

Une armada constituée d’un gouvernement de plus de quarante ministres, d’un pool pléthorique de ministres conseillers, de dizaines de députés payés à ne rien faire, de directeurs généraux et de chefs de service de l’administration centrale, de directeurs généraux et présidents de conseil d’administration des sociétés nationales, des gouverneurs de région et préfets de département, des présidents de conseils régionaux et de communautés rurales, c’est cette armada qui s’est mise en branle et, tel un rouleau compresseur, a écrasé sur son passage tout ce qui s’opposait au président candidat.

 

L’illustration parfaite en a été la marche de soutien au président candidat à Saint-Louis organisée, financée et conduite par le ministre de l’intérieur maître d’œuvre de l’organisation des élections.

 

Cette donnée réelle que tous les observateurs de la scène politique peuvent valablement certifier n’a pourtant guère attiré l’attention de Monsieur le Professeur qui enfonce le clou en concluant sentencieusement : «Il serait ridicule de continuer à contester une élection qui est un modèle de transparence, de liberté et de bonne organisation».

 

Dans une longue contribution intitulée «L’aggiornamento politique au Sénégal», qui a fait l’objet d’une très large diffusion, Mamadou Diop Decroix, militant de gauche, de surcroît numéro deux de AJ/PADS, un parti de gauche, a analysé les résultats du scrutin du 25 février en y développant ce qu’il soutient être ses convictions personnelles. Après une impasse sur les responsabilités de la gauche il termine pourtant ses propos par cette interpellation: «Porter réellement les valeurs de gauche et son projet ne devrait-il pas signifier, au lendemain du 25 février 2007, une autre  façon de faire la politique, un autre rapport au politique» ?Ce qui se passe quotidiennement sous nos yeux, depuis cette sortie de Decroix, nous édifie très clairement sur la nature de la direction qu’il indiquait à la gauche pour «une autre façon de faire la politique, un autre rapport au politique».

 

Enfin parmi les analyses partisanes faites à propos de ce scrutin nous avons retenu celles livrées par le Secrétariat du P I T qui nous semblent être plus près de la vérité en raison de la valeur scientifique indéniable de l’argumentation et de la profondeur de la réflexion tel que le laisse apparaître le communiqué rendu public dans lequel on peut lire : «Si Abdoulaye Wade est si puissant aujourd’hui, ce n’est pas seulement parce qu’il exerce le pouvoir ou qu’il a une influence déterminante avec son système de corruption, mais c’est bien plutôt à cause de l’isolement des cadres  du Parti et des autres forces progressistes par rapport aux luttes populaires multiformes qui se développent sur toute l’étendue du territoire national».

 

«La victoire de Me Wade s’explique, entre autres, par la création d’«une nouvelle classe d’hommes d’affaires» c'est-à-dire plus clairement une «nouvelle bourgeoisie» qui a beaucoup contribué à la victoire du 25 février en mettant la main à la poche».

 

«La constitution à toute vitesse de grosses fortunes, à partir des ressources publiques, des marchés d’Etat, de l’Aide publique au développement, de racket sur les opérateurs nationaux et investisseurs étrangers, les surfacturations en tout genre, sont à cet égard, les leviers de l’accumulation primitive du Capital de cette nouvelle oligarchie auxquels il faut ajouter, une énorme circulation de l’argent sale et de la contrebande de la mafia internationale».

 

«Pour mesurer l’ampleur des ressources mobilisées par Abdoulaye Wade pour asseoir, coûte que coûte, son oligarchie, il faut prendre en compte aussi l’accaparement du domaine foncier et du patrimoine bâti de l’Etat qui ont fouetté la spéculation foncière et immobilière, particulièrement dans la région de Dakar et les zones balnéaires du pays».

 

«Ce projet d’édification d’une nouvelle caste concerne aussi le monde rural où des ressources importantes ont été injectées pour promouvoir des rentiers et des spéculateurs chargés de la mise en œuvre de la politique de liquidation de la petite et moyenne exploitation agricole familiale pour s’accaparer des terres paysannes à terme».

 

«C’est cette nouvelle classe, dotée d’énormes moyens matériels et financiers, notamment d’un important parc automobile, qui a été mise en branle pour exécuter le plan de hold up électoral préparé de main de maître avec une perfidie sans pareille. Jamais de mémoire de sénégalais on n’a assisté à pareil déluge d’argent dans le pays pour acheter les consciences».

 

«Cette politique de corruption de Abdoulaye Wade  n’a épargné aucune catégorie sociale. C’est à croire, au regard de cette massification de la corruption, que celle-ci a été démocratisée.»

 

A cette analyse de l’instance dirigeante du P I T on peut ajouter, pour compléter, les propos suivants tenus par son Secrétaire général, Amath Dansoko : «Si l’opposition a été battue c’est en grande partie, parce qu’elle a tourné le dos au mouvement populaire et a accepté de travailler selon l’agenda de Me Abdoulaye Wade qui a faussé le jeu démocratique».

 

Oui, l’heure est à la critique et à l’autocritique de tous les partis de gauche. Ils ne doivent s’en vouloir qu’à eux-mêmes. Leur pratique, des décennies durant, est l’unique cause de la débâcle qui leur est réservée à toutes les compétitions électorales. Et les dirigeants comme les militants sont tous responsables. Les dirigeants, par la politique de fuite en avant aux conséquences désastreuses, qu’ils ne cessent de poursuivre sans avoir de compte à rendre. Et les militants qui se contentent d’observer et de laisser faire leurs dirigeants qui les livrent pieds et poings liés à leur adversaire principal sous prétexte d’«alliance stratégique», de «dialogue politique», de «gouvernement d’union nationale» et autres trouvailles. Et quand le peuple, qui ne cesse de les observer, les sanctionne, quand l’occasion se présente, ils se mettent à ergoter et à bâtir des théories tendant toutes à culpabiliser le peuple. Ce dernier accorde plus d’attention aux faits et gestes des partis de gauche, dans les espaces de compétition que constituent les expériences de gouvernement où ces derniers sont présents à côté de représentants d’autres partis. Il fait preuve d’une vigilance pointue dans la surveillance des actes  qu’ils posent en se référant aux valeurs qu’ils prétendent incarner et aux discours qu’ils ont l’habitude de servir.

 

A l’heure des comptes ces partis ont à présenter et à défendre un double bilan. Un premier bilan portant sur les résultats d’ensemble de l’équipe gouvernementale et le second, qui est le leur, et qui traduit les efforts qu’ils ont consentis pour la satisfaction des intérêts des masses populaires.

 

Ce dont ne s’est guère soucié Mamadou Diop Decroix dans son analyse des résultats du scrutin du 25 février 2007. AJ est resté sept ans au gouvernement, tout le temps qu’a duré le septennat. Malgré le fait qu’à partir du 7 janvier 2001 –date de l’adoption de la Constitution de Abdoulaye Wade- le gouvernement en place n’appliquait plus le programme de la CA2000 programme pour lequel les partis de gauche s’étaient mobilisés et battus jusqu’à arracher la victoire du 19 Mars 2000.

 

A l’occasion de la campagne électorale le peuple attendait, de la part de AJ ; la présentation et la défense non seulement des résultats de l’activité d’ensemble du gouvernement de l’ «alternance» mais aussi et surtout la mise en exergue de la part du parti en tant que tel sur ces résultats.

 

Decroix a exercé pendant sept ans, d’abord les fonctions de ministre de la Culture et de la Communication, ensuite celle de ministre du Commerce. Landing, sur la même période, a assumé les fonctions de ministre chargé de l’Industrie et de l’Artisanat. Comment, en tant que parti de gauche, ont-ils géré et marqué ces différents départements ministériels ? Qu’est ce que le peuple a bien pu retenir de leur passage dans ces ministères ?

 

A la Culture et à la Communication, Decroix a-t-il fait avancer les dossiers qui y étaient en souffrance ? Quelles impressions a-t-il laissé aux professionnels de ces deux secteurs d’activité ?

 

Au ministère du Commerce, qu’a –t-il entrepris dans la lutte contre les spéculateurs et l’augmentation continue des prix des denrées de première nécessité, dans l’intérêt des consommateurs, donc du peuple ?

 

Quelle politique a t-il mis en œuvre dans la recherche de solutions nationales au problème de l’installation des chinois, en réponse aux nombreuses interpellations des opérateurs économiques nationaux ? Quelle impression a t-il laissé à ces derniers ? Quelle est leur part de responsabilité dans la crise des ICS ? Les 2.500 travailleurs des ICS ont-ils senti à leur côté la présence effective, permanente et concrète de leurs ministres –ministres de gauche- dans leur lutte pour la sauvegarde de leur outil de travail et de leurs emplois ?

 

Et les artisans dont les chiffres officiels indiquent qu’ils font 30% de la population active, occupent un secteur regroupant 120 corps de métiers, font travailler trois millions de personnes et assurent la formation de plus de 80% des jeunes. A la fin du septennat, ces artisans ont-ils comptabilisé de réels changements dans leurs conditions de travail, dans l’augmentation de leurs revenus ou dans la modernisation de leur secteur d’activité ? Autant de questions qui n’ont pas été posées et auxquelles donc il n’a pas été apporté de réponses concrètes lors de la campagne électorale. Et le peuple, lui, ne s’y est guère trompé, dans l’appréciation des résultats obtenus.

 

Il ne pouvait guère en être autrement, car AJ était au gouvernement non pas pour appliquer un programme qui était le sien mais celui de Abdoulaye Wade. Ce dernier l’a  d’ailleurs proclamé avec un cynisme sans pareil en rappelant que : «Certains ministres hommes se permettent de tenter des choses dans leurs secteurs respectifs de la République en oubliant que nous avons depuis longtemps tracé la voie à suivre. Le programme qui est appliqué est celui du Parti Démocratique sénégalais (PDS). Ceci est très important à noter… Nous avons réfléchi depuis longtemps au moment où nous étions encore dans l’opposition, sur le programme à appliquer. Et c’est celui-là qui est aujourd’hui mis en œuvre. Il s’agit donc de s’y conformer». En s’y conformant, pendant les 7 bonnes années qu’ils sont restés au pouvoir, les ministres AJ ne pouvaient pas présenter un bilan élogieux qui pourrait servir de rampe de lancement à leur candidat Pour conclure, il faut cesser de penser que le peuple peut être dupe au point de croire seulement sur parole et non sur des faits. Les professionnels de la Culture, de la Communication, du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat et leurs familles constituent bien un poids électoral non négligeable. Pourquoi n’ont-ils pas accordé leur suffrage au candidat de AJ le 25 février ? Le journaliste Soro Diop tente une explication en affirmant : «Dans leur participation à la gestion de l’alternance, les responsables de Aj dans le Gouvernement n’ont jamais su tracer leur territoire, marquer leur différence dans la gestion de leurs responsabilités et orienter leurs actions dans le sens de la défense des masses populaires. Tout juste, parfois de frêles esquifs de démarcations».

 

La même interpellation vaut pour Amath Dansokho comme maire de Kédougou. Dirigeant d’un Parti de gauche il y exerce un pouvoir local. Qu’en a-t-il fait durant son mandat ? Quels changements réels ses électeurs ont-ils ressenti dans leurs conditions de vie et d’existence ?  Ont-ils noté une différence qualitative entre sa gestion et celle de ses prédécesseurs ? Ont-ils été convaincus de la réalité de la transparence dans la gestion des affaires de leur Commune ? Quel impact réel l’exercice de son mandat a-t-il eu sur son parti et sur la gauche en général ? Pourquoi, pour marquer la différence, ne leur a-t-il pas remis l’exercice et le contrôle effectifs du pouvoir pour installer définitivement une commune de gauche ? Enfin les résultats obtenus sont-ils assez éloquents pour garantir sa réélection à coup sûr ? Si Amath ne se pose pas ces questions et n’y apporte pas de réponses, le peuple lui se les pose et à chaque fois que l’occasion lui en sera donnée, il appliquera la sanction qui sied.

 

Entre autres commentaires – également très nombreux- faits par des observateurs neutres  de la scène politique, ceux livrés par Yoro Dia ont aussi retenu notre attention. Il y interpelle fort justement la gauche en des termes qui recèlent  des vérités irréfutables et appellent des réponses qui ne peuvent plus attendre. Il a conclu son analyse pertinente par ces propos : «La gauche est quand même paradoxale. Elle a oublié la leçon de Lénine qui enseigne « l’analyse concrète d’une situation concrète». L’analyse concrète de la situation concrète démontre que la gauche ne parvient pas à dépasser les 5% depuis plus de 30 ans. Il y a 2 conclusions possibles : ou bien le discours de la gauche n’a pas d’emprise sur les masses ou il est mal dit. Dans les 2 cas on ne peut culpabiliser le peuple comme le fait Landing en disant qu’on a une société d’anti valeur ou l’argent est roi. D’où la conclusion facile que les 3 premièrs sont les plus riches. Rien n’est plus faux. Niasse, qui a 5%, est immensément riche.» «Les insurgés de Mai 68 avaient le sens de la formule. Ils écrivaient sur les murs de la Sorbonne : «cours camarade, le vieux monde est derrière toi.» Landing, Bathilly et les autres devraient s’en inspirer. Les idées  de gauche ont de l’avenir et donc leur place est dans un nouveau monde. Une alternance à la tête de ces partis est une nécessité historique.» «Où la gauche fait son aggiornamento ou bien elle va continuer à servir de marche pieds pour d’autres groupes politiques plus ambitieux. » « Alors qu’Idrissa Seck cherche à se libérer du père et Tanor à s’émanciper du maître, la gauche elle, se cherche encore des maîtres. C’est toute la différence. «Ceux qui sont grands le sont pour l’avoir voulu » disait Napoléon. La gauche n’a jamais vu  grand. Elle a toujours eu pour ambition d’accompagner ceux qui avaient de l’ambition, d’où sa posture nature de marche pieds vers le pouvoir.»

 

Oui, les idées de gauche ont bien de l’avenir. Oui, la gauche a pour elle l’avenir. Parce que l’avenir, c’est l’homme ; ce sont les hommes, les créateurs de richesses, les travailleurs manuels et intellectuels, les hommes, les femmes et les jeunes qui forment le peuple réel. L’avenir c’est le développement pour sortir notre peuple de la misère, de la faim, de la maladie et du chômage. Or ce magnifique projet ne peut être porté et réalisé concrètement que par la gauche avec ses valeurs d’abnégation, de don de soi, d’esprit de sacrifice et de partage, de respect religieux de l’intérêt général, de générosité et d’engagement profond pour la justice, l’égalité, le progrès et la démocratie.

 

Mais l’avenir se prépare aujourd’hui et dès maintenant. Face aux souffrances et aux misères qui sont le lot quotidien réservé à notre peuple la gauche n’a d’autre devoir que de prendre conscience de la responsabilité que lui assigne l’histoire et de l’urgence qu’il y a à résoudre les tâches d’organisation pour la réalisation de son unité, garante de la victoire du peuple sur ses oppresseurs, et leurs suppôts.

 

Le camarade Sadio Camara dans l’une de ses nombreuses et très fouillées contributions publiées dans la presse et axées sur les péripéties des luttes de la gauche et principalement du Parti Africain de l’Indépendance (PAI) a justifié les difficultés de la gauche en ces termes : «Pour dire vrai ; c’est bel et bien la répression féroce, multiforme et étendue dans l’espace et dans le temps, exercée contre et sur les leaders et militants des partis et organisations de masses de gauche qui a freiné et même fait reculer leur ascension et leur influence dans le peuple » On ne peut qu’être d’accord, avec lui, car il avance une vérité historique que les témoins de cette phase de notre histoire peuvent bien attester et que les archives nationales confirmer. Mais c’est là une vérité partielle ; une vérité qui en cache une autre parce qu’on ne voit apparaître nulle part la responsabilité qui incombe aux partis et organisations de masses eux-mêmes. Il y a lieu par conséquent d’interroger l’histoire pour l’éclatement de la vérité dans toutes ses dimensions qui pourra baliser le chemin à emprunter pour permettre à la gauche d’aller de succès en succès jusqu’à la victoire finale.

 

Le camarade Sadio en est d’ailleurs bien conscient car, plus loin, il interpelle le Mouvement pour les assises de la gauche en ces termes : «Si le MAG veut réussir la mission qu’il s’est assigné, unifier la gauche, il se doit de procéder à une critique courageuse de la vie politique du Sénégal de 1957 à nos jours, pour situer les responsabilités de chaque parti et de chaque leader et que chacun fasse son autocritique.»

 

Ainsi tous les hommes, partis et organisations de gauche sont-ils interpelés. La gauche doit impérativement changer dans son organisation, sa configuration, dans ses  méthodes d’action et d’intervention et dans ses orientations. Et tout cela exige une critique et une autocritique sincères et approfondies de toutes les batailles qu’elle a mené jusqu’ici pour préparer celles à venir devant l’amener à une prise du pouvoir effective pour la mise en œuvre concrète de son propre programme dans l’intérêt du peuple travailleur.

 

Je vais m’y essayer pour apporter ma modeste contribution  à cette œuvre de redressement salutaire qui est la voie obligée pour sortir la gauche du cul de sac dans lequel elle s’est aujourd’hui enlisée.

 

Ce faisant, mon objectif a un triple but : d’une part,  susciter un débat large et fécond devant aboutir à la construction d’un grand parti de gauche capable de mobiliser les masses populaires en vue d’un changement réel de leurs conditions de vie ; d’autre part, contribuer aux manifestations commémorant le cinquantième anniversaire de la publication du Manifeste du Parti Africain de l’Indépendance (PAI) à la date du 15 Septembre 1957, et enfin, relayer pour l’amplifier la question que le camarade Coumba Ndoffène Diouf professeur à la Faculté des  Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop a posé à tous les hommes de gauche de ce pays, préoccupé qu’il est par l’état de désunion et de dispersion qui caractérise leur camp. Avec une conviction d’un militant qui croit profondément aux valeurs de la gauche , il pose, à nous tous, la question suivante : «La gent de gauche issue pour l’essentiel de la petite bourgeoisie intellectuelle que nous constituons sera-t-elle « capable de se suicider comme classe pour renaître comme travailleurs révolutionnaires, entièrement identifiés aux aspirations les plus profondes du peuple auquel elle appartient » (Cabral) ou alors reproduire, en la crédibilisant, la bourgeoisie politico bureaucratique qui arrime l’Afrique dans une dépendance consciente  à l’occident qui la conduit irrémédiablement à l’insignifiance en tant que nation et à la misère en tant que peuple ?»

 

Le camarade Coumba Ndoffène Diouf est le président du comité provisoire de MAG Sénégal et le travail que nous avons abattu ensemble dans les rangs du MAG m’a permis de le connaître et d’apprécier le niveau de son engagement et la sincérité des actes qu’il pose pour la réunification de la gauche sénégalaise. C’est la raison pour laquelle j’apprécie hautement la valeur de sa question dont les réponses qu’elle peut susciter peuvent contribuer largement à la réalisation de l’objectif pour lequel il s’investit en permanence.

 

Ma contribution est une tentative de réponse à sa grande question. Elle se fonde sur mon expérience et ma pratique d’homme de gauche sur la scène politique de mon pays,  durant ces cinquante dernières années  dont les phases les plus exaltantes ont été les suivantes :

1957-1963 Dirigeant de la section P A I de la région de Diourbel comme 1er Secrétaire exécutif régional (1er SER)

1964-1966, responsable de la région du Cap Vert basé à Dakar, suite à la réorganisation de la direction du parti.

 

En effet, pour préparer le parti à faire face à la répression féroce qui allait s’abattre sur lui, en raison des informations livrées par Mapaté Sow, à l’ambassade du Sénégal à Bamako, une nouvelle direction fut mise sur pied. Le nouveau secrétariat exécutif politique (SEPO) était composé de : Majhmout Diop, Seydou Cissoko, Madické Wade, Babacar Sy et moi-même. Un responsable fut placé à la tête de chaque région : Sadio Camara pour le Sénégal oriental, Bara Goudiaby pour la Casamance, Seydou Cissoko pour les régions de Thiès, Diourbel et du Sine Saloum avec résidence à Thiès, Madické Wade pour la région du fleuve avec résidence à Saint Louis, moi-même pour la région du Cap Vert avec résidence à Dakar et Babacar Sy était chargé des liaisons. La planque de Dakar se situait au quartier Castors et nous y demeurions dans une totale clandestinité. Babacar Sy et moi y résidions. Seydou Cissoko nous y rejoignait quand il fallait préparer la sortie du journal MOMSAREV où une réponse par tract aux attaques de Senghor  contre le parti à travers ses déclarations radiodiffusées de l’époque. D’autres fois, Babacar et moi rendions visite à Seydou à Thiès pour échanger sur la situation. Et à chaque fois que je me remémore les conditions indicibles dans lesquelles nous trouvions le camarade Seydou,–surtout dans les périodes de très grande chaleur- je me rends compte de ce qui a bien pu miner sa santé pour l’arracher à notre affection si prématurément. Sa disparition fut une grande perte pour la gauche sénégalaise. Seydou est mort au champ d’honneur.

 

Les réunions du SEPO se tenaient à Saint Louis où le camarade Madické avait pu trouver un siège chez une camarade qu’il appelait affectueusement mère Moussoukoro. Il nous le rappelle dans son ouvrage par ces mots : «Les réunions du SEPO qui devaient se tenir à Saint Louis étaient correctement préparées, soit par Dieynaba soit par mère Moussoukoro, sans faille ni fuite. Aucun camarade n’était au courant, à fortiori la Sureté ou l’adversaire politique».

 

Seydou, Babacar et moi étions devenus des abonnés de la SNCS, et à chaque réunion du SEPO, nous nous rendions à Saint Louis, par l’autorail Dakar Saint Louis de 6H du matin, que nous prenions à la gare de Colobane avec des déguisements sous lesquels il était impossible à nos propres mamans de nous identifier.

 

En dehors de Seydou, Babacar et moi, notre planque de Dakar n’était connue que par le camarade Balla Ndiaye, à l’époque 1er SER de la région du Cap vert et sa discrète épouse chargée de l’intendance. Une épouse exceptionnelle, mais surtout une militante qui a été d’un apport inestimable pendant les heures les plus sombres de l’action clandestine du parti. Ce qui explique les nombreuses séances de tortures barbares auxquelles le camarade Balla Ndiaye 1er SER de Dakar a été soumis après son arrestation.

 

1967-1970. De nouveau 1er SER de la région de Diourbel

 

1970-1979. Premier responsable du PAI de la région de Kaolack

 

Les réflexions que je me permets de livrer à travers ces pages se fondent sur cette modeste expérience et n’ont d’autre but que de susciter un débat large, ouvert, profond et constructif pour un réel changement dans les rangs de la gauche pour le plus grand bonheur du peuple sénégalais.

 

Ma démarche n’a nullement pour intention de jeter l’anathème sur qui que ce soit, ni, encore moins, de fustiger des coupables. Ce serait faire preuve d’un subjectivisme facile. D’ailleurs, ce que j’ai personnellement vu, vécu, subi et enduré me l’interdit absolument. Car, il est absolument certain que tous ceux qui ont eu à diriger ou à militer dans le parti ont subi et enduré autant sinon beaucoup plus que moi. Je mesure à sa juste valeur le lourd tribut que tous ont payé pour la naissance de la nation sénégalaise et le progrès de notre peuple.

 

Au contraire, ma démarche tentera de revisiter le passé de la gauche en remontant le plus loin possible, depuis ses origines jusqu’à nos jours pour chercher à comprendre les causes profondes de la situation déplorable dans laquelle elle évolue aujourd’hui.

 

J’ai choisi la fin de la deuxième guerre mondiale comme point de départ de mes investigations, bien que déjà, dès la fin de la première (1914-1918) la gauche commençait à prendre racine avec la création de «La ligue de défense de la race nègre » dirigée par le sénégalais Lamine Senghor, le dahoméen Tovalou Quenum et le soudanais Tiémoko Garan Kouyaté. On rapporte même que Lamine Senghor, un sénégalais du Sine Saloum, membre du Parti communiste français, avait déjà dirigé depuis la France, la grève des cheminots Dakar- Saint Louis en 1922.

 

La deuxième guerre mondiale fut un grand tournant historique dont les conséquences devaient se traduire par une nouvelle configuration du monde. La période d’après guerre devait revêtir un contenu essentiellement démocratique et progressiste. L’ère de la libération des peuples de l’oppression et de la domination coloniales avait sonné. Seulement, cette libération n’allait pas leur être livrée sur un plateau d’argent. Les patriotes de ces peuples se sont organisés et ont engagé la lutte de libération sous toutes ses formes. Ils se sont aussi violemment heurté à la résistance des puissances coloniales qui voulaient maintenir intacts leurs empires coloniaux et poursuivre ainsi leur mainmise sur les richesses immenses des colonies.

 

La France, puissance coloniale, qui trônait sur un vaste empire, s’inscrivait dans la même ligne. Et très tôt, elle le fit savoir. Elle le proclama clairement à la conférence africaine française de Brazzaville tenue en Février 1944, vers la fin de la deuxième guerre mondiale en précisant dans la déclaration finale que : «les fins de l’œuvre de civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire, la constitution éventuelle, même historique, de self gouvernement dans les colonies est à écarter. » Il faut remonter à cette conception des rapports entre la France et ses colonies pour saisir tout le sens  et la portée de la Françafrique mise en place et pilotée depuis l’Elysée par Jacques Foccart pour tenir en laisse les présidents fantoches dont l’unique rôle est justement de maintenir leurs pays dans le «bloc français de l’empire».

 

La première preuve qu’elle donna de sa volonté de maintenir ses colonies sous sa coupe furent les massacres de Thiaroye en décembre 1944, neuf mois seulement après la conférence de Brazzaville. La version officielle donnée à leur justification était que les soldats réclamaient le paiement de leur pécule. Argumentation cousue de fil blanc car cette réaction brutale de l’Etat Major de l’Armée française n’était qu’un signal fort  destiné aux fils de cette partie de l’Afrique qui pourraient être tentés par une quelconque velléité d’indépendance pouvant remettre en cause les intérêts de la France.

 

Après les massacres, il y a bien eu des arrestations, des jugements et des condamnations. Le nombre 34 a été avancé pour les arrestations ; 34 condamnations à des peines de 1 à 10 ans de prison ferme et à des amendes de 10000 francs. Saura-t-on jamais qui étaient ces 34 condamnés ? Pourquoi ces 34, et pas les autres ? Quel était leur état d’esprit et quelle emprise avaient-ils sur le reste du contingent ? Quel danger réel pourraient-ils représenter pour la France dès leur retour dans leur pays respectif ? N’avait-on pas décelé chez eux l’étoffe de vrais leaders, capables une fois rentrés chez eux, de susciter, d’organiser et de diriger un mouvement de libération nationale ?

 

La vérité historique, c’est que la revendication du paiement de leur pécule n’était qu’un prétexte pour frapper fort dans le but de décourager ceux qui mûrissaient le projet d’engager la lutte de libération de leurs peuples dès leur retour chez eux.

 

Mais c’était sans compter avec la tendance historique générale très favorable aux idées de liberté, de progrès et d’égalité de tous les peuples de la planète.

 

Et cette partie de l’Afrique n’était pas en reste. Au Sénégal des forces s’organisaient et se préparaient à engager la lutte pour la libération nationale. Sur le plan social, on peut relever les mouvements suivants : le premier mouvement de grève important se produisit dès la fin de l’année 1945, surtout à Dakar avec la grève des enseignants du 1er au 7 Décembre 1945, et celle des ouvriers de l’industrie du 3 au 10 Décembre 1945. En janvier 1946 le mouvement s’étendit aux métallurgistes, aux employés de commerce et au personnel auxiliaire du gouvernement général.

 

Le tout fut couronné par une grève générale votée par 27 Syndicats à compter du 14 janvier 1946 pour ne prendre fin que le 24 pour les fonctionnaires, le 4 Février pour les employés de commerce et le 18 Février pour les métallurgistes.

 

La riposte victorieuse des travailleurs s’est poursuivie jusqu’à la grande grève des cheminots qui a duré 160 jours, allant du 11 Octobre 1947 au 19 Mars 1948. (19 Mars ???). On avance que près de 20.000 cheminots de toute l’Afrique occidentale française (AOF) y avaient participé. Leur victoire fut éclatante.

 

Au plan politique aussi les patriotes ne se sont guère laissés intimidés. Ils ont entrepris de mettre sur pied un vaste mouvement qui devait rassembler tous les peuples de cette partie de l’Afrique en vue d’engager la lutte pour leur émancipation et la prise en charge de leur destin. Ainsi fut publié en Septembre 1946 le Manifeste du Rassemblement démocratique africain (RDA) dans lequel on pouvait lire : «Mais, de toutes parts, un soulèvement spontané unissait, en un front commun, toutes les organisations ouvrières, tous les mouvements culturels et religieux de l’Afrique noire. » La volonté manifeste dont ils faisaient montre et l’engagement déterminé qui accompagnait leur démarche n’ont pas laissé indifférent le pouvoir colonial d’alors qui s’est vigoureusement déployé pour faire échouer leur projet. Le ministère de la France d’Outre Mer était chargé de la mise en œuvre de cette politique.

 

D’une part, l’administration coloniale devait user de tous les moyens pour empêcher la tenue de la rencontre projetée, et, d’autre part, le ministre des colonies devait inciter les élus socialistes à s’abstenir de participer à la rencontre.

 

Les élus socialistes Filidabo Cissoko et Léopold Sedar Senghor l’ont d’ailleurs, par la suite, bien reconnu, le premier rapportant à Houphouët Boigny que les élus socialistes avaient été contactés par les milieux coloniaux, le second, en confessant en janvier 1957 devant le congrès de la Convention africaine que : «La faute qu’ont commise les députés sénégalais d’alors en refusant d’aller au congrès de Bamako. J’étais d’avis d’y aller. Mon tord a été d’obéir aux ordres qui m’étaient imposés de l’extérieur.» Le député Lamine Gueye avait usé du subterfuge de l’allongement du trajet pour justifier son absence au congrès.

 

Il a aussi été fait usage de l’arme de la corruption pour faire échouer la tenue du Congrès convoqué à Bamako. Le Président Houphouet Boigny a raconté la visite nocturne que lui fit Raymond Barbé, le Président du groupe communiste de l’Assemblée de l’Union française, à trois jours de son départ pour Bamako, au cours de laquelle, ce dernier a eu à lui tenir ces propos : «Aujourd’hui, nous reconnaissons que vous êtes le seul nationaliste africain. Les autres, tous les autres, trahissent votre cause et trahissent leurs pays. Ils ont tous reçu de l’argent de Marius Moutet, ministre des colonies. De l’argent payé par chèque dont Moutet a évidemment les traces. Il leur a ordonné à tous de ne pas se rendre à Bamako. Et tous ont accepté.»

 

En dépit de toutes ces manœuvres d’intimidation, de menaces, d’injonctions et de corruption, le congrès se tint à Bamako du 19 au 21 Octobre 1946 avec la présence des délégués venant  du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Dahomey, de la Guinée, du Niger, du Sénégal, du Tchad et du Togo. Le congrès décida la création du Rassemblement démocratique africain (RDA) et mis en place un comité de coordination avec Houphouet Boigny comme président.

 

L’appareil de répression du pouvoir colonial fut aussitôt mis en branle. Le ministre des colonies conçut  et mis en œuvre une politique d’Etat qui ne devait reculer devant aucun moyen pour liquider toute velléité qui pourrait ébranler les bases de l’empire français.

 

La répression devrait être d’autant plus féroce que le RDA était apparenté au Parti communiste français. Cet apparentement était le résultat du long processus de murissement des conditions de création du RDA.

 

Doudou Gueye, un des fondateurs du RDA l’a rappelé dans un de ses  ouvrages où il dit : «Les groupes d’études communistes (GEC) étaient créés et animés par des intellectuels français communistes ou « communisants » au lendemain de la 2e guerre mondiale. Au sein des GEC étaient dispensés des cours simplifiés de marxisme à des intellectuels, des syndicalistes, des cadres africains. Il en existait à Dakar, à Conakry, à Bamako, à Abidjan. De nombreux militants politiques africains de l’après guerre se formaient dans ces cercles et ne furent pas les derniers à répondre à l’appel du Rassemblement à Bamako. A cause de cela on peut croire que le RDA avait entretenu des relations organisées et étroites, dès sa naissance, avec les GEC. Il n’était pas seulement exagéré, il était inexact de penser que les GEC  marquèrent profondément le RDA. Ce fut le RDA qui se servit de certains militants des GEC pour donner à ses cadres une éducation et une formation qui sembleraient répondre au départ à ses objectifs et à ses buts.»

 

Ces relations étroites entre le RDA et le PCF étaient la raison principale de la répression brutale et aveugle que le pouvoir colonial avait réservée aux dirigeants et militants du RDA. Cette répression s’abattît de manière lourde sur les sections les plus implantées dans les milieux populaires, surtout celles qui avaient réussi à pénétrer le milieu rural.

 

Une répression aveugle s’abattit sur la section de Côte d’Ivoire dont le niveau d’organisation et la profondeur de son implantation en milieu rural devenaient de plus en plus dangereux. Elle conduit à des arrestations massives de dirigeants du parti et aux graves évènements qui ont entrainé des morts comme ceux de Bouaflé (3 morts), Dimbokoro (13 morts), Séguela (3 morts) et des dizaines de blessés.

 

Cette répression de main de fer qui s’abattait sur toutes les sections du RDA en s’intensifiant a fini par donner des résultats dont le plus significatif fut le désapparentement. En effet dans un communiqué rendu public en Octobre 1950 le président du RDA informait l’opinion que : «Constatant que l’action de tous les élus des TOM sur la base d’un programme précis est la meilleure formule pour défendre efficacement les intérêts de l’Afrique, les parlementaires du RDA décident de se désapparenter des groupes métropolitains.» Ce fut la première concession faite par le RDA aux multiples pressions du pouvoir colonial.

 

Concession que voyait d’ailleurs venir Raymond Barbé, président du groupe communiste à l’Assemblée de l’Union française. Déjà, dans sa circulaire du 20 Juillet 1948, il prévenait le mouvement des dangers qui le guettaient en faisant observer que : « Il en résulte pour le mouvement national démocratique en Afrique noire le risque de dévier vers un nationalisme étroit, en même temps que de sacrifier  les intérêts des classes les plus pauvres et, par conséquent, les plus révolutionnaires, les plus décisives, pour l’avenir  du mouvement anti-impérialiste, aux intérêts des classes moins exploitées qui sont susceptibles de faire le compromis avec l’impérialisme et d’aiguiller ainsi le mouvement anti-colonialiste vers une voie de garage. » Il poursuit en ajoutant « Ainsi l’insuffisance criante, l’extrême timidité pour pousser en brousse parmi les paysans l’organisation du RDA, la non-constitution de sous sections dans les villages avec leur vie démocratique propre et l’incapacité qui en résulte d’entrainer les paysans dans les organismes de direction du RDA à tous les échelons. Ainsi la faiblesse générale de notre action revendicative en faveur des paysans  qui se traduit dans la vie des différentes sections territoriales du RDA et dans l’activité des élus du RDA, dans les diverses assemblées, etc… tandis que passent au premier plan les revendications de la petite et moyenne bourgeoisie commerçante et artisanale…Ainsi la déviation excessive vers les formes d’action électorale et parlementaire, une certaine tendance au crétinisme parlementaire, des illusions réformistes, etc, toutes manifestations qui ont leur origine dans le manque de confiance dans les masses, dans la peur du mouvement des masses bien caractéristique  des diverses couches de la bourgeoisie qui, par son essence même, n’est jamais révolutionnaire. »

 

20 Juillet 1948-20 juillet 2007, il y a 59 ans  que déjà Raymond Barbé tirait la sonnette d’alarme en attirant l’attention sur les déviations du mouvement de gauche et les principaux maux qui allaient gangrener son avenir. Le sacrifice des intérêts des classes les plus pauvres et les plus révolutionnaires aux intérêts des classes les moins exploitées et les plus disposées au compromis ; l’absence de l’organisation dans les campagnes ; la faiblesse de l’action revendicative ; le manque de confiance dans les masses ; la peur du mouvement des masses ; la déviation excessive vers les formes d’action électorale et parlementaire, ce sont là les mêmes déviations  qui continuent de poursuivre la gauche en s’aggravant et en se multipliant.

 

Le désapparentement du RDA d’avec le PCF constituait donc le premier recul du mouvem

 



16/08/2017
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