TEXTES, INTERVIEW DE VALERE SOME : les confidences de Valère Somé
Cette interview a été publiée par le journal burkinabè le Quotidien le vendredi 6 juillet 2012 sous le titre : Valère Somé : « Le Lion n’est pas un leader politique qu’on doit suivre ». Nous avons changé le titre de l’article parce qu’il ne reflète en rien le contenu de cet article. Il a probablement été choisi pour alimenter une polémique, un jeu dans lequel nous ne voudrions pas tomber. Ce qui est important, c’est que Valère Somé se livre effectivement ici sans détour à d’importantes confidences, d’autres dirons révélations. Cette interview est d’importance, Valère Somé étant un des leaders de la révolution.
Il donne aussi sa vision du combat politique aujourd’hui, union contre la dynastie, union contre Blaise Compaoré et son frère François.
La rédaction de thomassankara.net.
Socio-anthropologue, l’homme est plutôt réputé pour être un politologue tellement a influencé la vie politique nationale. En effet, Valère Dieudonné Somé a été un des théoriciens de la Révolution démocratique et populaire (RDP) enclenchée à partir du 4 août 1983. Sous la Révolution qui porta le capitaine Thomas Sankara à la présidence du Faso, Valère Somé fut ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, de septembre 1986 à septembre 1987. Après les événements tragiques du 15 octobre 1987, avec notamment l’assassinat de son grand ami Thomas Sankara, il fut arrêté et torturé. Même après sa libération, Valère Somé qui ne se sentait toujours pas en sécurité, alla rester en exil, de 1988 à 1994, dans un premier temps au Congo Brazzaville, puis en France.
Après avoir participé activement à l’animation de la scène politique nationale durant tout ce temps, Valère (ainsi qu’on le nomme communément) s’est finalement retranché, préférant se mettre hors des partis politiques, ce depuis 2002, pour mener désormais un combat solitaire. Quelles sont les raisons de ce retrait ? Valère aurait-il encore des projets pour son pays ? Telles sont, entre autres, les préoccupations qui nous poussé à aller à la rencontre de l’homme. L’interview que nous vous proposons a eu lieu le vendredi 29 juin à son bureau à l’institut des sciences des sociétés (INSS).
Elle est très longue et il nous serait difficile de pouvoir la publier en une seule édition. C’est pourquoi nous vous proposons dans le numéro qui suit, la première partie. La suite interviendra certainement dès la prochaine parution. Quelle est regard Valère porte-t-il sur l’actualité politique nationale ? Valère dont on dit avoir le verbe rebelle, n’a rien perdu de cette réputation. Toujours est-il que, dans ses déclarations, Valère ne va pas du dos de la cuillère pour sortir des invectives aux acteurs de la scène politiques burkinabè d’aujourd’hui, toutes tendances confondues.
Le Quotidien : On ne vous voit plus sur la scène politique et on entend très peu parler de vous ces temps-ci. Que devenez-vous donc ?
Valère Somé : En effet, depuis pratiquement 2002, je me suis retiré des activités dans le cadre d’un parti politique. Ceci ne veut pas dire que j’ai tourné le dos à la politique. La politique se fait aussi ailleurs. La politique ne se résume pas dans le cadre des partis politiques. Comme je me sens incapable de m’épanouir dans le cadre de la lutte des partis politiques, j’ai préféré choisir le domaine où je peux m’épanouir librement et clairement. Quand des questions nationales m’interpellent, je m’exprime, je donne mon point de vue, quand j’estime que c’est nécessaire. Ainsi je continue de m’exprimer. Je donne des interviews à des radios, à des chaînes de télévisions, à des journaux.
En dehors de cela, quelles sont les activités que vous menez quotidiennement ?
Quotidiennement, je suis un chercheur, socio- anthropologue à l’Institut- des sciences des sociétés (INSS). J’ai un champ de réflexion, de thèmes de recherches, je m’y investis. En plus, lorsqu’on m’interpelle pour donner des conférences sur des thèmes divers, je le fais. J’anime des cercles de formation politique de jeunes qui viennent me solliciter mon concourt. Ces cercles sont au nombre de trois au moins et les dimanches, une fois par mois, selon le calendrier des jeunes, je m’occupe de leur formation. Je me dis que c’est un devoir pour moi d’instruire les jeunes sur des expériences politiques qu’ils n’ont pas vécues. Il faut assurer la relève. Et je me dis que si parmi 100 jeunes, il y en a un seul que j’arrive à influencer par mes idées, j’aurai donc fait œuvre utile. Voilà à peu près comment je m’occupe. En lisant, en écrivant… Les écrits ne sont pas encore publiés, mais j’espère que le moment viendra où je pourrai les publier. Bref ! C’est pour dire que je ne dors pas.
Et sur quel écrit êtes-vous présentement ?
L’écrit sur lequel je travaille, est surtout d’ordre anthropologique. Sinon, les écrits politiques sont terminés depuis longtemps et n’attendent que des éditeurs. Mais, j’ai déjà donné un avant-goût de l’écrit sur lequel je suis présentement et qui a été publié dans « Sciences et techniques » qui est une revue de l’INSS-CNRST. Le titre était « De la tribu à l’Etat. Introduction à une Anthropogenèse des sociétés précoloniales du Burkina Faso ». Sinon, j’ai un roman qui est achevé et qui n’est pas encore publié, mais qui est prêt à entrer sous presse. Il porte sur mon séjour en prison, à la gendarmerie, les tortures que j’y ai subies. Bientôt, je le mettrai à la disposition du public. Au-delà des faits réels que je traite dans ce roman la réalité des choses, j’y mets une dose de fiction, pour ne pas identifier les acteurs, puisqu’ils sont encore vivants.
Connaissant votre franc parler et le ton du discours, cela paraît quand même contre-nature que vous fassiez de la fiction pour votre prochain livre…
Effectivement, ce n’est pas ma nature. Mais, si je sortais le livre en citant nommément les tortionnaires, ce serait comme si je les jetais à la vindicte populaire. Donc, je suis obligé de chercher parfois des synonymes, d’enrober un peu. Mais, c’est la réalité. La fiction, qui est un genre littéraire, ne veut pas dire forcément qu’on dit des choses qui ne sont pas vraies. C’est juste pour faire élever le message au-delà des. Ce ne serait pas bon aujourd’hui de présenter certaines personnes comme des tortionnaires. Aujourd’hui, à l’ère de la démocratie, personne n’aimerait qu’on lui colle ce passé. Et comme je ne suis pas vindicatif, j’essaierai de noyer le poisson dans l’eau.
Tantôt présenté comme étant l’homme qu’il faut absolument écarter sous la IVe République, on vous retrouve quand même à l’INSS aujourd’hui. Comment donc votre réintégration professionnelle s’est faite ?
Je ne savais pas qu’il fallait m’écarter définitivement, même si effectivement dans les faits je le vis tous les jours effectivement. De toutes les façons, vous connaissez la caricature de la démocratie qui est en cours actuellement. L’appareil d’Etat est politisé. Quand vous ne faites pas allégeance, jamais vous ne serez nommé en Conseil des ministres, jamais on ne va vous confier des directions techniques et autres. Si c’est de ce point de vue qu’on m’écarte, donc ils passeront toute leur vie à m’écarter parce que je ne leur ferai jamais allégeance. Je suis ce que je suis, je crois ce que je fais. Sois on me prend tel que je suis, soit on me laisse. Et comme aujourd’hui, pour être quelqu’un dans ce pays-là, il faut faire allégeance, montrer patte blanche, il faut être du CDP (ndlr, Congrès pour la démocratie et le progrès, parti au pouvoir), ou être l’homme de Blaise (ndlr, Blaise Compaoré, président du Faso), ou bien être de la FEDAP/BC (ndlr, Fédération associative pour le développement et la paix avec Blaise Compaoré), de ce côté-là, ils ne m’auront pas et je ne me plains pas.
On dirait que vous êtes plutôt bien casé, pour quelqu’un qui est contre le régime…
Qu’on chasse donc tous les enseignants de l’université et ne maintenir que les gens du CDP ! C’est la fonction publique. Ma fonction actuelle, ce n’est pas un truc (ndlr, sic) gouvernemental ni du CDP. Je suis dans la recherche pour faire de la recherche et j’y suis entré avec un titre universitaire, le doctorat. Je suis aujourd’hui chargé de recherche. Ce n’est pas une nomination gouvernementale. Je suis passé au CAMES (ndlr, Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur), j’ai valorisé mes connaissances et c’est le CAMES qui m’a élevé au rang de chargé de recherche. Cela n’a rien à voir avec la politique. Au contraire, si on m’empêche d’être à l’INSS, là on me fait une injustice administrative, une injustice politique. En ce moment, je prends la rue. Même si je suis seul à marcher avec ma pancarte, je vais marcher pour réclamer mes droits. Je suis là en tant que fonctionnaire, j’ai le droit de travailler, non !? Vous pensez que parce que je suis là, c’est une sinécure ? Au contraire, je suis content d’être là parce que cela me sécurise. Je fais tranquillement ma recherche, je n’ai pas affaire au public, je n’ai pas à faire le lèche-botte vis-à-vis du ministre ou je ne sais quoi. Je fais mon travail, un point, deux traits. Je suis indépendant et c’est pour cela que j’aime le boulot que je fais actuellement. Cela me donne toute ma liberté d’agir et de penser.
C’est cela l’avantage que j’ai ici. Si ce n’est ici, c’est que c’est à l’université. Il n’y a pas de diplôme pour entrer à l’université ni à l’INSS. C’est au Burkina Faso, s’ils ne veulent pas de moi, je traverse la frontière, je valorise mes connaissances ailleurs. Je vais au Niger, je vais au Mali. Je suis docteur, ce n’est pas Blaise Compaoré qui m’a donné le doctorat. Ce n’est pas un doctorat honoris causa. C’est un doctorat académique, universitaire que je peux valoriser dans n’importe quel pays de la sous-région. Et si je suis rentré dans mon pays, c’est parce que je ne veux pas travailler en France. Si maintenant je ne peux plus vivre ici, si ici on ne veut plus de moi, je ne vais pas mourir de faim, je vais vendre mes connaissances ailleurs. Mais j’y suis et j’y reste.
Vous continuez à flageller le président Compaoré dans vos déclarations tandis que certaines langues prétendent qu’après la mort de votre grand ami Thomas Sankara, vous avez signé un pacte avec lui. Quelles ont été les conditions de votre retour de l’exil ? Quelles garanties Blaise Compaoré vous a-t-il données ? Sinon, quelles relations entretenez-vous avec le président du Faso ?
Vous vous jetez directement dans l’eau. D’abord, pourquoi suis-je allé en exil ? Ainsi, vous pensez que je devais vivre éternellement dehors ! Vous ne savez pas que les conditions d’exilé sont pires que lorsque j’étais en prison. Etre exilé, pour un homme qui aime son pays, c’est la plus grande des punitions. Toutes les nuits, tu pries que les conditions se réalisent pour que tu puisses rentrer. Arrivé à un certain moment où le régime se passait pour un régime démocratique, j’ai été à maintes fois approché. Blaise Compaoré, lui-même, a envoyé des gens pour venir me proposer de rentrer. Mais, il ne suffit pas de rentrer, j’ai refusé parce que je n’étais pas sûr des conditions de sécurité. Et c’est à ce moment que, dans le cadre de ma thèse, j’ai pris un billet d’avion pour aller au Ghana. Puisque ma thèse porte sur l’anthropologique économique des Dagaras du Burkina Faso et du Ghana et à défaut de me rendre au Burkina Faso, j’ai décidé de descendre au Ghana pour faire l’enquête de terrain. Et comme je ne vivais pas un exil doré en France, je me suis débrouillé et j’ai pris un billet charter. Je suis descendu au Mali et là-bas, j’ai demandé à mes camarades de Ouagadougou si nuitamment ils pouvaient venir me prendre et me faire traverser le pays et me déposer à la frontière du Ghana, à Hamélé. Deux semaines d’attente, et personne n’est venue.
C’est ainsi qu’un opposant malien, d’entre mes amis, Me Mountaga Tall, président de la CNID (ndlr, Congrès national d’initiative démocratique) m’a invité à manger et lors de notre entretien, s’est investi à me convaincre qu’il était temps de rentrer dans mon pays. Alors, comme je refusais toujours, il m’a demandé l’autorisation de rentrer au Burkina pour négocier ma rentrée, en me disant que tant mieux si cette tentative marchait et que dans le cas contraire, je pouvais continuer ma traversée clandestine vers le Ghana. Il estimait que si lui n’a pas été président du Mali, c’est simplement parce qu’au moment où Moussa Traoré avait été mis en mal, on l’a exfiltré du Mali, c’est cela qui lui a couté le pouvoir, et que désormais, même si le Mali brûlait, il n’allait plus quitter le pays. Selon lui, si je continuais d’être en exil, la jeune génération qui monte aurait vite fait de m’oublier. Et il pensait qu’avec le vent de la démocratie qui soufflait, la crainte pour ma vie n’était plus une crainte sérieuse. Et pendant que nous discutions, un de ses lieutenants, Me Diabaté, le célèbre avocat qui a défendu le dossier Ibrahim Coulibaly (IB), le mercenaire ivoirien, est arrivé et l’a aidé à me convaincre. Dès le lendemain, Mountaga Tall a pris son avion. Arrivé au Burkina, il s’est fait introduire par Roch Marc Christian Kaboré chez Blaise. Et Blaise lui a dit qu’il y a bien longtemps qu’il a demandé à ce que je rentre.
Alors, s’il pouvait se porter garant, il n’avait qu’à m’amener. Après, à bord de sa Mercedes, lui, sa femme, moi et un de ses amis qui s’est fait chauffeur, nous sommes rentrés au Burkina. A notre arrivée, nous avons logé à l’hôtel Indépendance (ndlr, actuel Azalaï hôtel). Comme vous aimez les anecdotes, je vais vous raconter quelle a été ma peur durant mon séjour à l’hôtel. Mountaga Tall a pris une chambre pour lui et sa femme et pour moi, une chambre en face. Mais, je ne pouvais pas dormir du tout et finalement, je suis entré dans leur chambre, refusant de dormir tout seul dans une chambre où on allait venir « me faire » et personne n’allait être au courant. Pendant que lui et sa femme étaient couchés, moi, j’ai dû dormir sur une chaise. Et c’est ainsi que Roch Marc Christian Kaboré et Salif Diallo sont venus me voir à l’hôtel et nous avons échangé. Dans nos échanges, je leurs ai affirmé que nous étions arrivés au Burkina Faso, à un point où on ne pouvait plus faire un pas en avant dans le sens d’un progrès économique et social. Le pays était bloqué : plus un pas en avant sans réconciliation nationale. C’était le premier contact avec Roch et Salif au bord de la piscine de l’hôtel Indépendance.
Mais, je me rappelle que Roch et Salif ont tout fait pour me convaincre que j’étais coupé des réalités, du fait de ma situation d’exilé, et qu’il y avait longtemps que le pays s’était réconcilié. Et à 20h, Roch est venu nous chercher, Mountaga Tall et moi, à l’hôtel Indépendance, pour aller voir Blaise. Pendant que nous étions assis, Blaise est arrivé et nous nous sommes embrassés. Ce que vous avez oublié, c’est que Blaise et moi avons été des amis, non ! Nous avons fait nos 400 coups ensemble, nous avons géré le pouvoir ensemble. Et ce soir-là, Blaise m’a taquiné en me disant : « Alors, Valère, je constate que tu as pris du poids ! ». Alors, j’ai aussi plaisanté en répondant que ce n’était pas seulement du poids que j’ai pris, mais que j’avais aussi grandi. C’était pour le devancer, parce que comme vous le savez, on m’appelait « le petit » et Blaise est connu pour aimer faire les jeux de mots pour taquiner les gens. Donc, nous nous sommes assis et avons causé de tout et de rien, de sa médiation qui avait cour au Togo… Mountaga Tall a été ahuri de constater qu’apparemment il n’y avait rien de grave entre Blaise et moi et que nous étions des vieux amis qui s’étaient retrouvés. A la fin, Blaise m’a proposé de prendre la température du pays, parce que je venais d’arriver et il a dit à Roch de mettre une voiture et un chauffeur à ma disposition. Et le lendemain je suis allé dans mon village et à mon retour, j’au pu avoir un tête-à-tête avec Blaise. J’étais sur le point de repartir en France.
Comment s’est faite cette deuxième rencontre ? Est-ce lui qui est venu vous voir ?
Il m’a fait appeler, je suis allé chez lui, à sa résidence d’alors, derrière l’Assemblée Nationale. Une fois à deux, j’ai dit à Blaise que j’estimais que ce pays était bloqué et qu’il ne pouvait plus faire un pas en avant sans la réconciliation. Alors, je lui ai proposé de prendre l’initiative pendant qu’il était temps, parce qu’il n’était soumis à aucune pression, d’engager un processus de réconciliation nationale. En faisant un discours à la Nation et où il allait demander pardon au peuple, au nom de tous les régimes et leurs présidents qui l’ont précédé, selon le principe de la continuité de l’Etat. Il devait demander aux Burkinabè de se réconcilier avec eux-mêmes, il devait décréter une journée de réconciliation nationale, demander à toutes les communautés religieuses de faire des prières. Je lui ai dit que Thomas Sankara a été élevé par ses soins, au rang de héros national. Et que je trouvais que la tombe qui lui a été réservé à Dagnöen n’est pas la digne d’un héros. J’ai suggéré à Blaise Compaoré d’ériger un monument particulier au héros national qu’est Thomas Sankara. Sous la Révolution comme sous le Front populaire, il y a eu des exécutions, des gens ont été enterrés en cachette.
Qu’on fasse les recherches, pour trouver les corps de ces victimes pour les rendre à leurs familles auxquelles on les moyens nécessaires pour faire leurs funérailles. Qu’on érige un monument des martyrs en l’honneur de toutes ces victimes des régimes d’exception. J’ai proposé que l’on débaptise la Place de la Révolution pour la rebaptiser « Place de la concorde », comme en France, ou « Place de la réconciliation nationale », etc. C’étaient mes conditions pour ma rentrée au pays et une éventuelle collaboration avec Blaise Compaoré. Il s’est retourné, m’a regardé, et sans aucune hésitation, m’a dit : « D’accord, vas prendre ta famille et viens nous allons faire ce que tu préconise ». Où est donc le pacte, médisants que vous êtes ! Alors, je suis allé prendre ma famille, et je suis rentré. Mon retour a été pris en charge par l’Etat burkinabè. Roch qui était l’intermédiaire, en tant que ministre d’Etat, m’a envoyé de l’argent pour que je puisse m’acquitter des frais occasionnés par mon retour. Et quand je suis rentré, je n’ai jamais occulté ce fait. Et les camarades de mon parti ont été les premiers à être informé de ce fait.
Les méchantes langues disent qu’on m’a donné beaucoup d’argent ! J’ai eu l’occasion de répondre à cette calomnie mensongère lors de mon passage à Impact TV. C’est tout juste mon transport pour le retour qui a été pris en charge. Quand je suis rentré, Blaise m’a reçu, il a choisi Simon Compaoré et Salif Diallo avec lesquels je devais travailler pour mettre en marche ce processus la réconciliation nationale. Nous avons eu deux séances de travail à la Caisse générale de péréquation dont Simon Compaoré était le directeur général à l’époque. C’est cet accord entre Blaise et moi qui a motivé ma rentrée et c’est cela que vous appelez « pacte », comme s’il s’agissait d’un pacte occulte, satanique ou malhonnête. C’est un pacte clair et net. Pendant que nous étions en train de travailler pour mettre le dossier en marche, une circonstance s’est produite. L’auto dissolution de la CNPP- PSD (ndlr, Convention….) du radical Pierre Tapsoba dans l’ODP/MT (ndlr, Organisation démocratique populaire- Mouvement du travail), par l’entremise de Marc Yao et Yé Bognessan. Ce qui a donné naissance au CDP.
Désormais, avec ce méga parti, Blaise s’est cru pouvoir se passer de la réconciliation nationale telle que je l’avais préconisée Et lui et ses acolytes m’ont tourné le dos. Plus de contact. Terminé ! Ils m’ont trahi. Ils ont dénoncé notre accord. Je me trouvai ainsi piégé. C’est à partir de là que je tournais en rond comme un lion en cage. J’ai eu des déboires et à l’époque on a dit que je m’adonnais à l’alcool et bien d’autres choses malveillantes à mon sujet. A cela aussi, j’ai eu à répondre sur Canal 3 en disant qu’il y a des gens qui boivent une bière et qui ne supportent pas, et je suis de ceux-là, tandis qu’il y a des gens qui boivent des tonneaux de whisky et qui s’ils baillent sur toi… Bref ! Mais au moins, dans cette négociation pour rentrer, j’ai pu obtenir ma réintégration, ma réhabilitation. Moi et certains camarades, Fidèle Toé notamment, avons pu être, dans cette opération, réhabilités, grade pour grade, et j’ai demandé à être affecté ici à l’INSS pour faire la recherche. Voilà donc les acquis de cette négociation. Puis, ils m’ont oublié pendant un moment. Et patatras ! On commet l’erreur, on assassine Norbert Zongo. Le pays est en effervescence. On n’a jamais vu une crise aussi profonde, qui a secoué le pays. Les voilà qui sortent, mon projet du tiroir et on le remet au collège des sages. Ce n’est pas mon seul dossier qu’on a remis au collège des sages. Il y a le projet de Frédéric Guirma (ndlr, candidat à la présidentielle de 1998) consigné dans un document intitulé « Pour une régénération nationale dans la réconciliation ». Document infecte et abjecte s’il en fut et qui a inspiré les Sages du Collège dans la partie la plus faible de leur Rapport.
Donc, le collège des sages était divisé entre les démocrates qui ont partagé mon projet et les réactionnaires qui ont adhérés aux idées de Frédéric Guirma. D’ailleurs lorsque le rapport a été publié, je l’ai apprécié positivement, tout en dénonçant également les aspects négatifs portant la marque de Frédéric Guirma. Et comble de l’ironie, lors de la tenue de leur Journée de réconciliation nationale, je n’ai même pas été invité. J’ai suivi les cérémonies, assis chez moi devant la télé. Voilà la trahison de Blaise Compaoré, voilà la trahison de son équipe vis-à-vis de moi. Mon retour de mon exil s’est fait de façon transparente. Quand je l’affirme, on a vite fait de crier à la vantardise. Mais observant le silence, on m’accuse d’avoir fait un pacte obscur, un pacte sordide ! Je le dis aujourd’hui, haut et fort. Je n’ai pas à observer une fausse modestie. Mais c’est la simple et pure vérité. Si l’on pense que c’est faux, que quelqu’un ose me contredire. Voilà pour ce qui est de votre pacte diabolique !
Est-ce que depuis tout ce temps vous avez encore rencontré le président Blaise Compaoré ? Quelles sont vos rapports aujourd’hui ?
Avant 2002, au moment de la crise consécutive à l’assassinat de Norbert Zongo, il a demandé à me voir et nous nous sommes vus. Et comme je suis toujours direct, je lui ai dit ce que je pensais de la crise. Je lui ai dit de recevoir le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques, pour une discussion, afin de trouver une sortie à la crise. C’était d’ailleurs devant témoins. Depuis cette rencontre où j’ai profité lui dire un certain nombre de vérités, je ne l’ai plus revu jusqu’à nos jours. Cela n’empêche pas les médisants de raconter à qui veut les écouter, que chaque matin Valère prend le café avec Blaise. Cela est propre à une catégorie de Burkinabè qui ne vit que du colportage et de la calomnie. C’est des êtres misérables, pour qui je n’éprouve que du mépris. Ce qu’ils ne voient pas, c’est ce qu’ils disent. Ils fantasment, ils s’asseyent devant leurs bouteilles de bière et quand une idée traverse leur esprit, ils se laissent aller à des élucubrations. Je me rappelle aussi que j’ai reçu le coup de fil de Blaise, quand j’ai échoué aux élections législatives de 2002. Il m’a appelé rien que pour se moquer de moi. Mais chaque fois qu’il m’a été donné de le, c’est toujours comme si on s’était quitté seulement hier. Vous savez, Blaise est un acteur de cinéma. C’est un homme qui sait être charmant et qui sait vous mettre à l’aise. En tout cas, chaque fois que j’ai eu l’occasion de le rencontrer, je n’ai jamais vu d’animosité dans ses propos ni dans son comportement. Au contraire, je vois mon ami d’avant le 15 octobre 1987.
Et à tous les coups, vous vous faites avoir…
Non, pas à tous les coups. Il m’a eu un coup. Mais à part cela, dans quel autre coup m’a-t-il eu encore ?
N’est-ce pas que vous avez dit qu’il sait être sympathique, chaque fois que vous vous voyez ?
Moi, je n’ai pas d’ennemi. Même si je rencontre celui qui cherche à me tuer, s’il me tend la main, je lui tends aussi la main. S’il me sourit, je lui souris. Ce n’est pas seulement avec Blaise Compaoré. Contrairement à ce qu’on pense, s’il y a une chose que je n’ai pas fait d’effort pour acquérir, c’est la haine. Je ne sais pas haïr, je ne sais pas garder rancune. Mais attention ! Tu piétines mon pied, tu as la réplique qu’il faut. Mais, une fois que je finis de répliquer, je m’en vais avec le cœur léger et l’âme tranquille. Donc je n’ai pas de problème avec quelqu’un, encore moins avec Blaise avec qui j’ai partagé quand même une tranche très importante de ma vie. Pourquoi voulez-vous donc que j’ai de l’animosité ? S’il me laisse en paix, je le laisse en paix. Notez que je n’ai jamais été le premier à agresser quiconque. J’ai toujours aimé être en position de la légitime défense. Comme le dit le comédien Camerounais Jean Miché Kankan, « tu m’attaques, je t’attaque ». Je ne suis pas Jésus qui tend l’autre joue quand on me gifle. Tu me gifles sur une joue, moi, je claque tes deux joues.
Dans votre livre, « Thomas Sankara, l’espoir assassiné », vous semblez occulter les conditions vie de votre exil brazzavillois. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Mon livre « Thomas Sankara, l’espoir assassiné », a été une réplique à une œuvre commandité par les dirigeants du Front populaire. Il faudrait tenir compte du contexte. Quand je suis allé au Congo, durant mon exil, je n’avais aucune intention d’écrire. Sennen Andriamirado, le journaliste malgache de Jeune Afrique, est venu me voir à Brazzaville. Et je lui ai donné les manuscrits que j’avais. C’est ce qui lui a permis d’aller écrire « Il s’appelait Sankara ». Je me suis dit à l’époque qu’à défaut d’écrire moi-même, si Sennen le faisait, il rendait service à notre cause. Et voilà que je tombe sur livre du mercenaire Ludo Martens, « Sankara, Compaoré et la révolution burkinabè » commandité les hommes de Blaise Compaoré (ndlr, Ludo Martens, homme politique communiste, belge et historien). Dans ce livre, Arsène Bognessan Yé, et autre Kader Cissé, serviteurs du régime, se sont adonnés à défigurer les faits à leur convenance. On aurait pu simplement intituler ce livre «Valère et la révolution burkinabè».
Lorsque j’ai fini de lire le livre, mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai pris la plume et à main levée, j’ai répondu. Donc celui qui sait faire une analyse critique, en lisant le livre de Ludo Martens et le mien, il saura que je n’ai fait que répliquer. Je ne peux pas être encore vivant et voir comment on travestit l’histoire et me taire. Si je me taisais, ce serait de la lâcheté. Je n’ai pas écrit mon livre pour montrer comment je vivais dans mon exil. Quand j’ai fini d’écrire le livre, la deuxième partie qui porte sur les tortures que nous avons subies était également prête, je voulais la publier, mais entre-temps, mon ami et camarade Guillaume Séssouma venait de mourir dans les geôles du Conseil de l’entente. Moi qui voulais témoigner de mes tortures physiques, mon camarade lui a été torturé et en est mort. Alors, mon témoignage devient superfétatoire. Moi, j’ai été torturé, lui a perdu sa vie. C’est pourquoi ce livre n’a pas été publié. Sinon, il est là sous ma main. D’ailleurs, c’est déjà dans les mains des amis en Europe et si jamais on pense qu’on va me tuer pour ne pas qu’il soit publié, c’est déjà trop tard. Il sera publié à titre posthume. Quant au troisième tome, je l’écrirai alors pour parler de mes conditions d’exil.
Chaque chose en son temps. Maintenant, si vous voulez savoir comment je vivais au Congo, à mon arrivée, j’ai été accueilli par le président Denis Sassou Nguesso qui m’a hébergé, qui a mis une villa et des subsides à ma disposition. J’étais là et je donnais quelques cours à l’université en tant que vacataire. Et je suis allé au Ghana chercher Fidèle Toé. Nous vivions ensemble avec ce que l’Etat congolais mettait à ma disposition. Mais, c’est moi qui ai demandé au président Sassou Nguesso de me permettre d’aller en France, pour sortir de cette vie monotone, et pouvoir faire ma thèse de doctorat et en même temps mener mes activités politiques. Il nous délivré des passeports congolais, à moi et ma à famille. Mais en France, j’ai vécu à la sueur de mon front, j’enseignais comme maître auxiliaire à 600 km de chez moi. J’étais tout le temps sur l’a route pour aller enseigner. Je quittais à 5h du matin et rentrais à 20h.
Même étant en exil, vous étiez politiquement actif. Comment donc faisiez-vous, sans moyens suffisants, tel que vous semblez le dire, pour activer votre réseau ?
Nous en tout cas, avec le peu de moyens, nous arrivons toujours à nous faire entendre. On bricolait. Par exemple, du Congo, j’ai publié Le Manifeste sankariste qui a été clandestinement diffusé au pays. En France, j’animais mon parti, le PDS. Tous les 15 octobre, nous cotisions pour louer des salles, dans le but de commémorer cette date. Voilà comment, nous bricolions. Car, même si je dis que je travaillais, c’était une année sur deux. Je travaillais pendant une année et pendant une année, j’étais au chômage. Heureusement que dans le système français, lorsque tu arrives à travailler pendant une année, tu as quand même droit à une indemnité de chômage qui te permet tout de même de vivre. Avec cela, je pouvais tenir. Voilà comment nous nous débrouillons, sans aide. Mais ensuite, est arrivée la période des Conférences Nationales en Afrique. Et nous les exilés qui avions une certaine renommé, nous nous sommes retrouvés dans un café, le professeur Joseph Ki-Zerbo, le colonel Antoine Dakouré et moi. C’est nous qui impulsions de l’extérieur le mouvement qui était favorable à la conférence nationale. Nous cotisions encore, avec les militants qui étaient là, pour louer des salles pour nos conférences où nous invitions aussi des journalistes. Si j’avais des soutiens à l’époque, nous n’en serions pas là où nous en sommes aujourd’hui.
Durant votre exil, quels ont été vos rapports avec Boukary Kaboré dit «Le lion» qui est quand même une des grandes figures de l’ère révolutionnaire et de la classe politique burkinabè d’aujourd’hui ? Il semblerait que vous ayez eu des querelles de leadership avec lui pour diriger le mouvement sankariste à l’extérieur.
Effectivement, ce genre de propos m’est revenu. Il semblerait que Le Lion tient ce genre de discours, comme quoi, entre lui et moi, il y a eu un problème de leadership pour diriger la résistance. Je tiens à dire que c’est faux. Je tiens à dire à l’intention du Lion que je n’ai jamais été celui qui attaque le premier, mais lorsqu’on m’attaque, on me trouve. Que Le Lion sache que la cassette que j’ai enregistrée à Accra lors d’une réunion avec tous les Burkinabè qui résidaient là-bas, réunion au cours de laquelle il a été confondu, n’a pas été effacée et je l’ai soigneusement conservée. On oublie qu’il y a des témoins qui sont encore vivants, dont Fidèle Toé et le soldat Réné Yoda. Et s’il continue dans sa mégalomanie, je serai contraint de tout dévoiler et de diffuser la cassette. En ce moment, il ne restera plus qu’il retourne dans sa tanière en lion édenté, sans griffe, à la crinière avachie et jaunie. Chaque fois que les gens ont faim, ils vocifèrent contre Blaise, afin que celui-ci leur tendent des subsides. C’est dans ce jeu, pour satisfaire leurs intérêts égoïstes, qu’ils trompent et abusent du bon peuple. L’escroquerie, a assez duré ! Aimant la posture de la légitime défense, qu’il ose seulement réagir publiquement et non comme il le fait dans mon dos. Et on saura qui est qui, qui a fait quoi et pourquoi.
L’escroquerie, ça suffit… !
J’ai dit que je m’arrêtais là. S’il veut, qu’il avance et j’avancerai. C’est pour dire que Le lion prend ses folies pour de la réalité. Et de toute façon, c’est parce que les gens ne savent pas analyser. Ce n’est pas un type (ndlr, sic) à qui l’on doit accorder sa confiance. Ce n’est pas un leader politique qu’on doit suivre. Je m’arrête là, pour le moment espérant un jour pouvoir étayer tout ce que j’avance ici.
Si vous parlez de folie…
J’ai dit que je m’arrêtais là !
Mais aujourd’hui, quels rapports entretenez-vous avec la classe politique burkinabè ?
Je l’ai fréquentée, j’ai vu et j’ai tiré des leçons. La politique telle qu’ils le font, moi, je ne peux pas le faire. Je n’ai pas pu faire la mutation. Je ne suis pas un politicien, je déteste d’ailleurs ce mot. Je suis et je demeure un militant. Aujourd’hui, faire la politique, c’est ruser, c’est calculer selon son intérêt égoïste, c’est tromper son camarade, c’est bêler avec les agneaux, pour aller ensuite composer avec les loups. Cette politique-là, je ne peux pas la faire. C’est pourquoi je me suis retiré. Quand les enjeux seront plus nobles, peut-être que je m’y engagerai de nouveau.
Voulez-vous dire que vous n’aimez toujours pas faire de compromis ?
Il faut faire la différence entre compromis et compromission. Mais, j’ai de bons rapports individuels, avec bon nombre de leader politique de l’opposition. Il y a des gens avec qui je ne suis pas d’accord, mais je ne les considère pas comme des ennemis. Chacun doit savoir évoluer dans le domaine qui est le sien. Il y en qui excellent à faire de la politique politicienne, il y en a qui sont des agitateurs, il y en a qui sont des propagandistes et il y en a qui sont des théoriciens. Ce n’est pas donné à tout le monde d’être comme Lénine, agitateur, propagandiste-théoricien. Ce sont les génies, les grands hommes, les grands leaders qui savent faire cela. Comme je suis d’avance perdant dans l’arène politique, ne sachant pas faire de la politique politicienne, alors je m’adonne à ce que je sais faire le mieux : me consacrer à la formation des qui ont recours à moi.
N’est-ce pas un aveu d’impuissance ou tout simplement de la démission de votre part ?
J’ai été plusieurs fois interpellé par des jeunes sur cette question. Mais j’ai toujours répondu que ce genre de politique tel que pratiqué désormais au Burkina, il faut avoir de l’argent. Votre démocratie et une démocratie des puissances d’argent. Ce n’est pas une démocratie d’idées, ce n’est pas une démocratie d’excellence ni de mérite. C’est de la médiocratie. Le tyran est en haut, les tyranneaux en bas et ça continue avec les larbins. Si c’est cela, j’en suis un incapable. Et je serai incapable encore pour de longues années. Lorsque des jeunes viennent me voir pour que je les aide à comprendre la politique au sens vrai du terme, je me mets à leur disposition. Sinon, il faut avoir de l’argent. Est-ce que je peux animer un parti avec mon salaire ? Et quels sont ceux qui ont de l’argent ? Comme on le dit, il n’y a pas d’argent propre. Ou il faut être financé par l’impérialisme et lorsque tu es président tu deviens le valet de l’impérialisme. Ou bien je me fais prendre en main par les magnats de la place et je serai à leur solde.
Pour faire une simple campagne, il faut de l’argent. Ce n’est pas la vérité que les gens sont prêts à entendre aujourd’hui, ce sont les espèces sonnantes et trébuchantes. Tous ces députés qui nous représentent, en quoi ils ont de la valeur intrinsèque ? Non seulement ils sont cooptés par la volonté du président, le président choit ses candidats, au CDP, ces candidats et les élire députés et ils viennent approuver à l’Assemblée nationale ce que le président veut. Dans cette histoire-là, où ai-je ma place ? Si c’est cela l’incapacité, je l’assume. Sincèrement, je suis incapable dans cette faune d’hyènes et de loups. Je n’en ai pas les armes.
Pas non plus les arguments ?
J’ai assez écrit. Mon dernier article politique qui a été publié dans L’Observateur paalga (ndlr, n° 6503 du vendredi 21 au dimanche 23 octobre 2005, pp. 8-10) et intitulé « Le droit a été dit et bien dit ! » porte justement sur cela. J’ai invité la classe politique a boycotté l’élection présidentielle. J’ai dit à tous les candidats à cette élection qu’ils partaient juste pour faire valoir Blaise Compaoré. J’ai dit que le premier des tocards allait s’en tirer avec au maximum 6% et que Blaise Compaoré passerait avec un score qui se situera entre 70% et 94 % au premier tour. Les choses se sont passées ainsi. J’ai dit qu’en participant à cette élection, l’opposition se refusait toute initiative de lutte. Cela s’est vérifié et quand ils ont voulu faire un meeting pour exiger le départ de Blaise Compaoré, ils n’ont même pas réuni 100 personnes. Donc, ils n’ont plus l’initiative de la lutte. Parce qu’ils ont participé à l’élection présidentielle, ils ont valorisé les différentes révisions constitutionnelles.
Que peuvent-ils faire aujourd’hui ? Ils se sont discrédités aux yeux du peuple. En plus, ils n’ont même plus de terrain de bataille. C’est ce que j’ai écrit et ce n’est même pas encore fini. Mon silence s’explique donc par le fait qu’il n’y a rien de nouveau sous le ciel burkinabè. Je me suis déjà prononcé sur la révision constitutionnelle. La seule chose sur laquelle je ne me suis pas encore prononcé c’est peut-être le régime dynastique que l’on tente d’instaurer au Burkina Faso. Ceci dit, que ce soit théoriquement, en 2002 quand j’étais président de la CDS (ndlr, Convention pour la démocratie sociale), j’ai publié les 14 thèses de la CDS, mon programme politique. Ensuite, après avoir communiqué le document à toutes les formations politiques dont le CDP, j’ai dans L’Observateur paalga invité toute la classe politique, y compris Laurent Bado, à un débat politique.
J’ai demandé à tous les partis une confrontation de nos idées, pour que le peuple ait de la lumière. Silence ! Même Laurent Bado a gardé le silence. On peut prendre connaissance de ces 14 thèses en allant sur mon Blog (ndlr, valere-some.net). J’attends que quelqu’un me démontre que ces thèses ne sont pas valables. Depuis 2005 jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas un élément nouveau qui mérite que j’intervienne dans le débat.
Et quels rapports avez-vous avec les politiques se réclamant de l’idéal sankariste ?
Mais, j’étais dans un parti sankariste et je me suis retiré. J’ai dit que je n’étais plus sankariste, pour me démarquer de ces sankaristes du temps de paix. Au moment où il fallait être sankariste et mourir, où étaient-ils tous ces leaders politiques qui s’autoproclament sankaristes ? Tapis dans l’ombre, untel faisait ses affaires, ses choux gras. Et depuis qu’a eu la Baule, ils pullulent comme champignon après pluie, pour se proclamer sankaristes. Ces sankaristes faciles-là n’ont qu’à garder leur sankarisme. J’ai dit dans la presse que je n’étais pas un sankariste. Pas que je renonce aux idéaux que j’ai défendu avec le président Sankara sous la révolution. Si je devais créer un parti politique aujourd’hui pour me revendiquer de l’idéal de révolution d’août, je chercherais un autre nom. Je dirais par exemple, « parti thomiste ». Parce qu’il y en a qui croient que s’appeler Sankara çà suffit pour se déclarer révolutionnaire. Ce n’est pas Sankara qui a fait la révolution, c’est la révolution qui a fait Sankara. Je le répète donc, je reste attaché aux idéaux de la révolution que nous avons partagés, Sankara, moi et bien d’autres camarades.
Vous vous targuez de l’idéal révolutionnaire alors qu’on reproche à vous autres civils révolutionnaires d’avoir été ceux qui étaient contre la révolution. Est-ce vrai ?
Et c’est là que je déplore le niveau de vous autres journalistes. On ne peut pas faire du journalisme encore moins de la politique si on ne connaît pas l’histoire de son pays. J’ai entièrement publié le n°8 du Prolétaire sur mon blog. Un numéro qui est sorti au mois de mai 1987, donc 5 mois avant l’assassinat de Thomas Sankara. Là-dedans je fais le point, de façon prémonitoire, sur comment l’opportunisme ambiant était en train d’étouffer la révolution, comment l’opportunisme était en train d’attaquer la révolution de l’intérieur, j’ai dit que si on ne barrait pas la route à l’opportunisme, l’opportunisme tuerait la révolution. Comment après avoir publié ce numéro, on me dit que c’est nous qui avons tué la révolution ! J’ai démontré que nous marchions tout droit à la Restauration, ce qu’on a appelé « La Rectification », et les acteurs ont été identifiés.
Allez le lire d’abord, avant de venir dire que nous les civils avons tué la révolution. Autant il y avait des restaurateurs, des thermidoriens, pour parler le langage de la révolution française, les petits bourgeois infiltrés en notre sein, en tête Blaise Compaoré, qui voulaient arrêter la révolution, autant il y avait des gens, des civils, et des militaires, pro- sankaristes. Autant il y avait les Etienne Traoré qui ont œuvré avec Blaise Compaoré pour restaurer, autant les Valère Somé étaient avec Sankara. Comment pouvez-vous me mettre dans un magma collectif !
Dans votre livre « Thomas Sankara, l’espoir assassiné », on a l’impression que seul Valère a raison. Ne pensez-vous pas qu’il aurait fallu relativiser un peu les choses ?
C’est Valère qui parle. Valère dit sa vérité. Pourquoi vais-je dire la vérité de quelqu’un d’autre dans mon livre ? Je dis ma vérité et ma vérité, je la pense vraie. Et dans l’introduction de mon livre, j’ai prévenu que tout ce que j’ai écrit dans ce livre, je l’ai dis de bonne foi. Même s’il y a des choses qui sont fausses, c’est qu’au moment même où je l’écris, je crois que c’est cela la vérité. C’est ce que je crois être vrai. Et s’il m’est démontré que je me suis trompé, je ferai mon mea culpa publiquement. Et quand je suis rentré, j’ai commencé à mettre cette déclaration en application. J’ai écrit quelque chose sur Pierre Ouédraogo. Lorsqu’on m’a signalé que ce n’était pas vrai, je l’ai signalé noir sur blanc. Dans ma polémique avec Basile Guissou, j’ai profité faire mon mea culpa vis-à-vis de Pierre Ouédraogo. Lorsque j’écris que la balle assassine a été tirée par Hyacinthe Kafando, cela aussi je l’ai corrigé, à l’occasion d’une émission à Canal 3, et je me suis excusé.
Donc, si vous avez lu mon livre, vous n’avez rien compris. Le livre montre quelles ont été les faiblesses de la révolution. Je dis que l’aigle peut descendre au niveau de la poule, mais la poule ne peut jamais s’élever à la hauteur de l’aigle. L’aigle Sankara peut descendre bas, picorer dans la cour, mais il y a des gallinacés qui ne pourront jamais voler et se confondre à l’aigle. L’action de Sankara n’est pas exempte ni d’erreur ni de faute, ni de mea culpa. Je suis le premier à le dire. Et je dis aussi que même si dans l’analyse, le contenu du DOP (ndlr, Discours d’orientation politique) est vrai, il y a lieu, compte tenu de l’évolution de la situation, de rectifier certaines déclarations qui y figurent. Ce que j’ai dit dans mon livre, c’est ma vérité. Un homme doit avoir une conviction, je ne suis pas un équilibriste.
On ne relativise pas pour relativiser et d’ailleurs, le relativisme ce n’est pas la vérité. Je n’écris pas pour plaire aux gens, je suis un homme engagé. Je m’engage jusqu’au fond de mes idées et je meurs pour mes idées, parce que je pense que c’est la vérité. Le livre est sorti depuis bientôt vingt ans maintenant. S’il y a quelqu’un qui estime qu’un passage est faux, il n’a qu’à prendre sa plume pour rétablir la vérité. Tout n’a pas été encore dit sur la révolution. Si demain, il y a des gens qui disent des contrevérités, je me ferai le devoir de réagir. Comme je l’ai dit ailleurs, je ne suis pas tenu de dire tout ce que je pense, mais on ne me fera pas dire ce que je ne pense pas.
Vous reprochez à feu Sannen Andriamirado, le journaliste malgache de Jeune Afrique, de se tromper dans son récit sur certains détails concernant Thomas Sankara. Qu’en est-il au juste ? Ni même votre ancien compagnon de lutte, Basile Guissou, n’a été aménagé à travers vos écrits et vos déclarations. Quelles relations entretenez-vous finalement ?
Il ne faut pas mélanger les serviettes et les torchons. Laissons Basile de côté. Parlant de Sennen, je ne me souviens pas lui avoir reproché de biaiser la vérité. Seulement, j’ai montré ma divergence avec Sennen lorsque celui-ci dit que Sankara est irremplaçable et qu’il laisse des orphelins. J’ai estimé que c’était trop osé et c’est seulement sur cette partie que j’ai amicalement critiqué mon ami Sennen. Et même ce que je dis aujourd’hui, si Sennen était encore là, avec le recul, j’allais lui demander des excuses en reconnaissant que Sankara a en effet laissé des orphelins. Mais dans ma fièvre de ma passion de l’époque, j’ai trouvé que cela était inconcevable.
Parlons donc de Basile Guissou…
Je ne parle pas de Basile Guissou, j’en ai déjà parlé. Basile a écrit son livre et dans ma réponse, j’ai dit que c’était la première fois de ma vie où j’ai passé trois nuits blanches à me demander s’il fallait répondre ou pas. Je suis un joueur d’échec et un joueur d’échec ne sait pas hésiter. Mais c’est à mon corps défendant que j’ai été obligé de prendre ma plume. Et comme je sais que plus tard les langues vont se délier et à ce moment on me reprocherait de n’avoi