COMBATTES FEMINISTES INDEPENDANTISTES EN GUINEE : MBALIA CAMARA (1929 - 1955) HEROINE ET MARTYRE DE L'INDEPENDANCE DE LA GUINEE
M’Balia Camara naquit en 1929 en République de Guinée-Conakry d'une famille paysanne. Avec son époux Thierno Camara, un vétéran de la seconde guerre mondiale anti-fasciste, elle milite au sein du Parti Démocratique de Guinée (PDG), section territoriale du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui lutte contre la colonisation française. Les deux époux exercent alors des fonctions exécutives au sein de la sous-section du PDG-RDA dans la ville de Tondon. Thierno dirige la sous-section et M’Balia y est responsable du Comité des femmes.
En 1954, le PDG-RDA est battu au terme d’élections législatives manifestement truquées. Cette fraude s’inscrit dans une démarche cherchant à freiner l’ascension du mouvement anticolonialiste qui gagne de plus en plus de terrain dans toutes les couches de la population.
A Tondon, le chef de canton local collaborateur de l'administration coloniale, Almamy David Sylla, avait été l'organisateur de ce trucage des élections contre le PDG-RDA.
Pour protester contre cette fraude électorale, la section du PDG-RDA à Tondon avait décidé de ne pas payer les impôts per-capita directement au chef de leur canton, mais de le faire directement auprès du commandant de cercle.
Pour réprimer cet acte d'insubordination, l’administration coloniale fit arrêter Thierno Camara et huit autres militants du PDG-RDA en les accusant mensongèrement d’avoir «détourné les taxes». Le 8 février 1955, le chef de canton Sylla se rendit dans e village de Bembaya pour collecter les dites taxes, ce que les habitants rejettent en disant les avoir déjà envoyées au commandant de cercle. Le chef de canton Sylla les menace de sévices physiques si ces taxes ne sont pas immédiatement repayées. Les populations répliquèrent en lui retirant ses insignes du pouvoir colonial et le conduisirent devant la maison de Thierno Camara. Humilié, le chef de canton Sylla revint le lendemain à Tondon avec un important contingent armé de la police coloniale. Pour empêcher cette expédition punitive, les habitants du village de Bembaya lancèrent des pierres sur les militaires qui répliquèrent en lançant du gaz lacrymogène sur la foule. Le chef de canton Sylla tira quant à lui sur la foule. 37 villageois furent blessés. Le chef de canton Sylla se précipita dans la maison de Thierno Camara et se trouva face à M’Balia Camara, alors dans un état avancé de sa grossesse, et d’un coup de sabre volontaire ouvrit le ventre de la jeune femme enceinte. Hospitalisée à Conakry, Camara fit une fausse couche le 11 février et mourut le 18 février 1955, à l’âge de 26 ans.
Loin d’affaiblir l’ardeur des combattants pour la liberté des Guinéens et l'indépendance nationale, cette mort tragique allait servir de catalyseur à leur révolte, qui allait culminer dans le vote historique du 28 septembre 1958 par lequel le peuple de Guinée sous la houlette du PDG-RDA de Sékou Touré et Saïfoulaye Diallo devait obtenir l’indépendance du pays, la première d’Afrique de l’Ouest dite « francophone ».
Lors de l’enterrement de la martyre M’Balia, Sékou Touré demanda aux milliers de personnes qui accompagnaient la défunte à sa dernière demeure d’apporter chacune un caillou et de les déposer pour exprimer l'adhésion des masses à l'idéal de liberté portée par Mbalia Camara. Les premières pierres du mur de l'émancipation nationale guinéenne venaient d’être posées sur le ventre de l’héroïne nationale M’Balia Camara dont le sacrifice donna le coup d'envoi de la marche de la Guinée vers la souveraineté nationale.
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