Pour la relance de l’Unité de la Gauche
Certains parmi ceux qui haïssent Idrissa Seck devraient voir en lui leur mauvaise conscience. Toujours au service de sa famille politique, se servant des autres familles pour mieux diviser et divertir le peuple, pour mieux consolider et perpétuer le règne de sa famille politique. Toujours conseillant les uns et travaillant aux retrouvailles de la famille libérale écartelée. La prison, la déchéance, les brimades, les susceptibilités, la disgrâce, …rien ne vient à bout de ce saumon libéral qui revient toujours dans les eaux douces de la famille libérale. Traître pour les autres familles politiques mais jamais traître à sa famille.
Confusion entre stratégie et tactique
Il n’y a rien de plus frustrant que de constater que l’histoire de notre famille politique, la Gauche, est une histoire de scissions, d’exclusion, de désunions. Les seules unités réalisées sont des unités au service des libéraux hier, des socialistes aujourd’hui. La Gauche, surtout depuis le « multipartisme intégral » des années 80, s’est empêtrée dans un soutien aux libéraux pour les porter et les consolider au pouvoir, puis aujourd’hui se fourvoie dans le soutien aux sociaux démocrates pour les faire revenir au pouvoir. Son slogan est : « Vous voulez prendre le pouvoir ? Venez on va vous y aider ». Ainsi Djibo et l’URD ont eu leur gauche, Niasse également, le PS l’a eu au pouvoir comme dans l’opposition. A qui le tour ? Macky ou Idy ? Faiseur de régime mais jamais régime soi-même, telle est la tragédie de la gauche sénégalaise
Le point culminant de cet échec est qu’aujourd’hui sous prétexte de lutter contre la dévolution monarchique et dynastique du pouvoir la gauche risque d’être écartelée entre Macky, le FSS (Tanor et le PS, Niasse et l’AFP) et peut être même Idy, etc.
Sans rejeter la nécessité d’un front démocratique et populaire le plus large possible pour stopper le délire d’hérédité autocratique du président actuel, faut-il oublier que toutes les différences que les uns et les autres trouveront du point de vue des formes de pouvoir entre les libéraux et les sociaux libéraux ne gommeront pas l’essentiel, c'est-à-dire le contenu semi colonial identique de leur pouvoir. L’ancien et l’actuel pouvoirs ont un seul et unique programme : appliquer les diktats libéraux du FMI et de la BM.
Ce qui était présenté comme une divergence tactique bénigne et passagère s’est révélée être une divergence stratégique. Soutenir pendant plus d’une décennie le PDS avant de le porter au pouvoir ne relevait pas de la tactique. Après une telle expérience, revenir soutenir ensuite les socialistes pendant une décennie (d’ici 2012) ne relèvera toujours pas de la tactique. Certains d’entre nous au soir de leur vie constateront que la plus grande partie de leur vie a été donnée aux libéraux et sociaux libéraux.
Il est vrai que la gauche sénégalaise a connu des périodes qui comparativement à celle maigre d’aujourd’hui peuvent être qualifiées de fastes ou de grasses. Il est vrai que les militants de la Gauche ont, par leurs luttes et leurs sacrifices, été à l’origine de toutes les conquêtes démocratiques et sociales dans ce pays. Malgré cette période, pour laquelle nous serions prêts à tout donner pour la revoir, le bilan de la gauche sénégalaise est celui d’un échec objectif dont les illustrations électorales sont d’avoir porté Wade au pouvoir en lieu et place d’un candidat de gauche, d’être arrivée cinquième aux dernières élections présidentielles de 2007, de disserter sur les formes (tel est meilleur que l’autre) des pouvoirs de Idy, Macky, Wade pour ceux d’entre nous qui se sont entichés des libéraux et de palabrer sur les formes (tel est pire que l’autre) des pouvoirs de Tanor et de Niasse pour ceux d’entre nous qui se sont amourachés des socialistes.
Sommes nous franchement impotents, incompétents et incapables au point de confondre tactique et stratégie, front démocratique tactique le plus large possible contre les atteintes liberticides du pouvoir et unité d’action stratégique pour unifier dans un seul parti national toutes les forces et éléments de Gauche du pays ?!
La gauche par abandon du domicile familial, par apatride politique
Le PAI préférait soutenir le PS plutôt que de se retrouver avec les organisations issues de son flanc. AJ préfère se faire harakiri au pouvoir. Le PIT et la LD reprennent pour les socialistes ce qu’ils ont expérimenté avec les libéraux en jurant qu’on ne les y reprendra plus jamais.
En effet les armées défaites sont à bonne école. Mais la question est de savoir de quelle école avons-nous assimilé les enseignements ? De l’école des ‘tactiques-stratégies’ qui font de la Gauche une force d’appoint au service des autres familles politiques comme centre de gravité ou de celle des ‘tactiques-stratégies’ centrées sur la construction de notre famille politique sans sectarisme vis à vis de nos devoirs démocratiques ? Etre à bonne école de l’échec du soutien des libéraux n’édifiera pas à la construction et à l’hégémonie de notre famille politique. A moins qu’elle permette de comprendre que l’hégémonie acceptée des libéraux par la Gauche nous a fragilisés, éparpillés, désunis. Et avec nous, le peuple s’est retrouvé sans défense.
Méditer individuellement, mais surtout collectivement, la débâcle-faillite de notre famille politique depuis cinquante ans (âge du Manifeste du PAI) afin de frayer la voie à la construction d’une force hégémonique de gauche nous semble fondamental et prioritaire. Quelque soient les calculs qui sont à la base de la grande erreur de la majorité de la gauche sénégalaise à la fin du 20e siècle, les libéraux socialistes ne sont pas dupes, calculent et manœuvrent aussi comme l’ont fait hier les libéraux. De plus les socialistes aussi ont été à la bonne école de la perte du pouvoir.
Pour savoir laquelle parmi leurs différentes fractions dirigera, les classes possédantes et les partis qui expriment leurs intérêts ont, malgré leurs querelles intestines et violentes (Wade, Idy, Macky…) et leurs rivalités (Tanor, Niasse…), une stratégie unifiée contre les masses ouvrières, paysannes et populaires et contre les partis qui expriment les intérêts de ces dernières : le bipolarisme politique.
C’est pourquoi le choc des ambitions personnelle et/ou sectaire est un non-débat dans la gauche. Pourquoi les libéraux seraient plus intelligents que nous ? Il n’est pas interdit à un homme de gauche d’avoir des ambitions. Mais quand celle-ci doit être l’autel sur lequel valeurs et unité de la gauche sont sacrifiées, elle devient malsaine. Qui peut le plus, peut en principe le moins. Qui peut accepter d’être ministre, PCA … avec Wade comme président pouvait accepter la même chose quand AJ était électoralement la plus forte hier ou avec la LD aujourd’hui. Surtout si le moins se conjugue avec unité de la gauche au service des populations et préservation de l’indépendance stratégique de la Gauche.
Quelle est la stratégie unifiée de la gauche contre les impérialistes et les classes et partis qui expriment leurs intérêts ? Serait-ce la CA 2000, le FAL, la CAP 21, le Front Siggil Sénégal, Bennoo, la stratégie unifiée de la gauche sénégalaise au service du peuple ? Pour ne citer que les dernières mésalliances de la gauche.
Il nous souvient, sur la base de nos 15 ans de militantisme dans notre courant anti impérialiste, après une tradition de boycott en 83 et en 88, d’avoir soutenu en 1993, lors des présidentielles, le candidat AJ sans illusion; en 1998, lors des législatives, d’avoir cherché sans succès une alliance avec l’UDF; en 2000, lors des présidentielles, d’avoir soutenu la candidature de Mademba Sock à l’époque dirigeant syndical combatif contre la privatisation de la Senelec; en 2007, lors des présidentielles, d’avoir Bathily comme candidat; la même année, lors des législatives, d’avoir raté une alliance avec le RTA-S ; en 2008 d’avoir assisté, avec un grand regret, à un report, à l’occasion des municipales, de l’opportunité de marquer électoralement par une alliance (UDF, YAW, MPC, Ferñent) la nième volonté, que nous espérons la bonne, de l’unité de la gauche. C’est dire donc que notre courant politique, qui a déclaré fondamentalement à sa naissance vouloir participer à frayer la voie à l’Alternative Populaire indépendante des libéraux et des sociaux démocrates, est stratégiquement ancré dans l’objectif de l’édification de l’unité de la gauche.
Nos implications dans le combat électoral est aussi au service de notre cause de tous les jours : l’unification de notre famille politique. Quelques soient les difficultés nous tiendrons bon. Les tentatives de discrédit et les moqueries (parti cabine téléphonique, marches et sit-in squelettiques, candidature de Sock en 2000), les faibles scores électoraux (dernier en 2000, en 2002 et en 2007) que nous obtenons seuls quand notre famille de Gauche est préoccupée ailleurs, nos solitudes imposées par nos frères et sœurs, les multiples échecs - chaque fois on se dit que c’est la bonne - des multiples initiatives dans ce sens, les comportements de nos sœurs et frères politiques qui frisent parfois la condescendance, préférant être aux petits soins avec les libéraux ou les sociaux démocrates plutôt qu’avec les membres de leur propre famille politique, etc. - attitudes venant de membres de notre famille - n’y feront rien.
Alors les libéraux et les sociaux démocrates peuvent continuer à ricaner. Leurs quolibets ne nous empêcheront pas de travailler à l’essentiel : les retrouvailles des membres de notre famille politique, la Gauche anti-impérialiste. Même si pour cela nous serons affublés de l’étiquette de Sisyphe de la gauche nous serons toujours à l’ouvrage. L’impossible unité de fait – pour le moment - de ceux qui se réclament de la gauche en une entité qui refuse la domination des autres familles politiques n’a jamais été pour nous un prétexte à se jeter dans les bras des autres. Et ne le sera jamais. Notre optimisme révolutionnaire nous dit qu’un jour, avec d’autres Sisyphe, nous réussirons à briser la malédiction.
Après la phase d’effondrement par émiettement, travaillons à la refondation de la Gauche par regroupement
Il nous faudra échanger sur les causes et leçons de l’effondrement par émiettement de la gauche sénégalaise. Il nous faudra apprécier l’impact des révisionnismes, réformismes locaux liés aux révisionnismes, aux réformismes internationaux, de l’affairisme, du carriérisme, de l’absence de formation, de la faiblesse idéologique, des infiltrations, de la subjectivité, des manipulations, des illusions, de la non prise en compte des rapports de force et de la répression sur notre famille politique : la Gauche révolutionnaire éparpillée issue du PAI.
En attendant ce travail nécessaire, la relance de l’unité de la gauche passe par la lutte contre deux extrêmes. Le premier est la « sectification » ou l’agoraphobie politique, séquelle que certains d’entre nous traînent depuis les périodes de clandestinité. En effet travaillons pour la mise sur pied d’un cadre ouvert, large, mais que la claustrophobie politique ne devienne pas également un prétexte à ranger l’étendard de la gauche sous le boisseau. Le deuxième est l’idée répandue notamment chez beaucoup de nos aînés politiques qu’ils n’ont pas le temps de reprendre quelque chose avec de petites organisations. Quand une initiative naît, tout le monde envoie des émissaires. Quand c’est « petit », on fait acte de présence, et on repart vite en courant en se disant qu’on n’a ni les forces ni le temps pour « ça ! ». La situation du pays est telle qu’aujourd’hui aucune initiative ne doit être sous-estimée. Et quand on voit le nombre de belles occasions que nous n’avons pas transformées nous risquons de finir comme le Héron de la fable. Puisse les masses ouvrières et populaires ne pas avoir à en payer le prix autrement plus cher que ce qu’elles ont déjà enduré !
C’est peut être l’une des raisons de l’attirance pour des cadres beaucoup plus grand comme le FSS. L’idée selon laquelle on y va même minoritaire pour défendre les valeurs de gauche avec le PS et l’AFP, comme on l’avait fait dans la CA 2OOO avec les libéraux, sans tenir compte du rapport des forces, relève de l’aventurisme. Le PAI en son temps avait soutenu le régime de Diouf, sans tenir compte du rapport des forces qu’il pouvait imposer au régime dans le gouvernement comme dans la rue, avec la promesse, faite par le PS, de respecter 12 points. La CA 2000 avait son programme. On sait ce que Diouf, le PS et Wade, le PDS en ont fait. Sommes-nous condamnés à expérimenter éternellement sans alternative ce que Niasse, Tanor, Macky ou Idy feront d’autres exigences puérilement posées par des partis de gauche comme base de leur mésalliance ?
C’est pourquoi, encore une fois, nous soutenons, de toutes nos forces, l’initiative pour la Relance de l’unité de la gauche comme axe stratégique fondamental.
Puissions-nous, nous jeunes générations de militants révolutionnaires, être témoins d’un sursaut d’orgueil et d’honneur de nos aînés, particulièrement de nos doyens qui ont été et sont toujours au PAI, à AJ, au PIT, à la LD, au RTA-S, à Yoonu Askan Wi, au MPC, à l’UDF, à l’ORDC, ainsi qu’à Ferñent, ou qui sont inorganisés et qui éprouvent toujours un pincement au cœur en voyant ce qu’il est advenu de la gauche et veulent toujours servir la cause de la Gauche ouvrière anti-impérialiste.
Puissions-nous, nous jeunes générations de militants révolutionnaires, trouver en nous-mêmes et en nos aînés la force de retourner vers le futur pour notre peuple, le Sénégal, l’Afrique et le monde. Puisse 2009 frayer la voie à une unité de la gauche révolutionnaire anti-impérialiste au service des masses ouvrières et populaires.
Fait le 31 janvier 2009
Par Guy Marius Sagna
A découvrir aussi
- Etat des lieux de la gauche sénégalaise
- L’enjeu du contexte mondial pour l’édification d’une force de gauche au Sénégal
- Une nouvelle démarche pour l’unification de la Gauche