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Marabouts et Politique au Sénégal, une étape sérieuse et grave vient d’être franchie!

L’information est sérieuse et grave: « le Khalife de Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie mouride, Serigne Saliou Mbacké, tête de liste du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) dans la Communauté rurale de Touba-Mosquée » (Sud Quotidien du 13/03/02). Puis le Khalife annonce son retrait en désignant son remplaçant sur la dite liste. L’effet est atteint, c’est à l’occasion des élections locales, municipales et rurales la nouvelle version du ndiguël.

 

Marabouts, colonialisme et lutte du peuple pour l’indépendance

 

L’histoire retient que l’implication directe ou indirecte des Marabouts dans les luttes politiques remonte à la période coloniale. Le point 3 du programme du RTA-S intitulé «caractéristiques de la société sénégalaise» explique: «La colonisation a engendré une bourgeoisie nationale marchande et usuraire intermédiaire entre les monopoles impérialistes et les paysans. Elle a donné naissance aussi à une couche d’intellectuels formés par l’école coloniale dont la vocation était d’être les commis subalternes de l’administration coloniale. De ces deux couches sociales sont issues les deux fractions actuelles de la bourgeoisie nationale: la bourgeoisie compradore d’Etat et la bourgeoisie compradore privée. Au contraire du mensonge de la « mission civilisatrice du colonialisme», les classes sociales oppressives pré-coloniales, les notabilités traditionnelles ont été soumises puis intégrées au système colonial par l’administration coloniale qui a su aménager aux confréries religieuses une place spirituelle et une fonction économique, dans le cadre de la propriété foncière coloniale, pour l’expansion des cultures de rentes (arachide)». C’est cela qui est à la base du long bail des élites bourgeoises et petites bourgeoises avec les guides religieux au Sénégal. Tous, Blaise Diagne, Galandou Diouf, Lamine Guèye, L. S. Senghor, A. Diouf et A. Wade, ont puisé dans ce vivier d’influence politique.

 

L’administration coloniale a eu historiquement d’abord une attitude de méfiance vis à vis des chefs religieux, tout particulièrement vis à vis de Serigne Touba. Mais elle a très vite perçu l’intérêt qu’il y avait à en faire un allié pour faire du Sénégal sa colonie de l’arachide en asservissant ainsi les paysans. La définition donnée par le programme du RTA-S du système colonial est : «1. L’annexion économique par la puissance colonisatrice s’est caractérisée dès le départ par la destruction de l’économie pré-coloniale d’autosubsistance et l’introduction de l’économie agricole de rente. L’économie coloniale de traite a détruit l’équilibre interne du territoire de chaque nationalité pour faire du bassin arachidier et de Dakar le centre économique de la colonie et le lien du pays avec le marché métropolitain. Cet héritage colonial est un des fondements oppressifs du régime semi-colonial. 2. L’économie monétaire de rente a été introduite sans transformation des instruments et modes de production pré-coloniaux. Les rapports coloniaux d’exploitation ont engendré la monétarisation des rapports sociaux sans changement fondamental des structures, des outils et des modes de travail dans nos pays. L’économie coloniale a été un façonnement de l’économie africaine en fonction des besoins en matières premières agricoles et minières de la métropole. La colonie est ainsi un appendice économique intégré à l’économie métropolitaine et à l’économie capitaliste mondiale pour leur fournir les matières premières indispensables. C’est aussi un marché pour les produits manufacturés de la métropole. L’impérialisme soumet l’économie coloniale à ses propres intérêts prédateurs. La métropole colonisatrice est par rapport à la colonie un parasite qui suce les richesses naturelles et surexploite la force  de travail des populations opprimées».

 

L’alliance politique entre les chefs religieux, l’élite politique et l’administration coloniale ou l’Etat semi-colonial a donc un fondement économique et social historique qui est à la base du fait que les Marabouts sont intervenus contre les partisans de l’indépendance dans la période 1945 et 1960 au profit de Senghor, lequel avait utilisé la formule incroyablement anti-nationale «d’indépendance immédiate mais pas immédiatement». Et une fois l’indépendance obtenue, la conjonction entre les intérêts de la couche maraboutique et la bourgeoisie compradore d’Etat et privée s’est poursuivie à travers les Ndiguëls. La rupture semble s’être opérée lors des élections de 1988. Le Ndiguël a butté sur la détermination du peuple, surtout dans les villes, à en finir avec le régime prédateur PS d’A. Diouf. Mais la trahison du parti libéral de A. Wade conduisit à la mise en place du « gouvernement de consensus national autour du président A. Diouf ». C’était un signe précurseur de la crise de régime qui va entraîner la chute électorale du PS et de A. Diouf en 2000. L’autre manifestation majeure de cette crise du régime Dioufiste sera le départ auparavant précipité des « vrais-faux repentis PS », Djibo Kâ (URD), puis Moustapha Niasse (AFP). A la base le pouvoir aux abois a été miné par les conséquences économiques, sociales et politiques des plans d’ajustement structurel successifs et de la dévaluation, plans ultra-libéraux que continuent d’appliquer les gouvernements libéraux de l’alternance affublés de la gauche historique petite bourgeoise.

 

Séparation de la religion et de l’Etat ou Etat théocratique confrérique?

 

«La candidature de seize personnalités (...) présentée par Serigne Saliou Mbacké (...) n’en obéit pas moins à une certaine orthodoxie mouride puisqu’une partie de l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba envers ses semblables est la défense de la paysannerie» (Moussa Paye dans Sud Quotidien du 13 mars 02). Drôle de «défense des paysans» qui consiste à être candidat sur la liste du parti dont le gouvernement a fait baisser les prix aux producteurs paysans conformément au diktat du FMI et de la Banque Mondiale. Moussa Paye qualifie même l’ingérence directe dans la vie politique des chefs religieux «d’aubaine du PDS qui abrite cette société civile inattendue». Plus grave, Il incite les chefs religieux «à l’émulation pour que les confréries religieuses participent à la gestion de la communauté selon les valeurs dominantes qu’elles véhiculent» (idem).

 

Selon ce thuriféraire de l’islamisme politique «nul danger ne peut en naître pour la cohésion du Sénégal». Pas si sûr de lui, il propose comme par «précaution» la mise en place «d’un conseil supérieur islamique» (idem). Sentant confusément le nœud de contradictions inextricables dans lequel il s’englue, Moussa Paye suggère que «la sauvegarde du pays tient aussi des relations paisibles que les confréries religieuses doivent entretenir non seulement entre elles mais aussi avec le pouvoir temporel. Cette incursion du religieux dans son domaine n’offense aucune autre confrérie».

 

Le fond de la pensée réactionnaire et dangereuse de ce partisan à peine déguisé de l’Etat théocratique confrérique est ainsi dévoilé: «l’évolution de nos sociétés est plus tributaire de l’Islam que des apports et contraintes extérieurs », car voyez-vous «  bien au contraire, une foi de construction nationale ne peut prospérer qu’avec les valeurs du terroir qui unissent Touba à tous les autres centres religieux » (idem).  Moussa Paye est en parfaite harmonie avec l’appréciation suivante d’Ibar der Thiam telle que résumée par Malick Rokhy Ba: «la singularité de l’Etat sénégalais réside tout simplement dans le fait d’avoir adopté le concept de laïcité sans l’évaluer par rapport à son histoire et à sa culture» (idem).

 

Objectivement, il y a au sein d’une partie de l’intelligentsia sénégalaise une dérive islamiste dangereuse qui conduit tout droit le pays vers un conflit ou une guerre civile religieuse confrérique. En effet, «l’émulation confrérique» sur le terrain politique dont il est question ne peut aboutir qu’à une terrible tragédie nationale. Déjà on peut observer que dans l’immigration sénégalaise en France, les «dahiras» mourides sont de plus en plus concurrencés par les «dahiras» tidjanes.

 

Wade a personnellement une très grave responsabilité dans cette dérive vers l’islamisme politique. A. Wade est une incarnation présidentielle de «Moor Ndaje» (celui qui se mêle de tout sans aucun égard pour l’avenir) de la chanson de notre «You national». En effet, que le Président de la République ait une religion et appartienne à une confrérie, c’est une affaire strictement personnelle et privée. Que ce dernier utilise l’Etat dans tous ses démembrements (Exécutif, Législatif, etc) et les médias d’Etat pour propager publiquement son penchant religieux et confrérique lui est strictement interdit. La constitution en fait foi. Agir autrement dans un pays où coexistent toutes les religions et de multiples confréries est irresponsable et relève d’une provocation que tous les patriotes religieux ou pas doivent condamner fermement.

 

Le délire de certains prétendus intellectuels sur une soi-disant «société Africaine inapte à la science sociale» reflète tout simplement la propagande historique du colonialisme, des esclavagistes et de leurs émules africains mentalement colonisés tendant à maintenir l’Afrique et ses peuples dans les «marécages de l’histoire» selon la formule du conseiller du département d’Etat américain Francis Fukuyama.

 

Il est théoriquement et pratiquement faux et dangereux de présenter l’ethnicisme ou l’islamisme comme le propre des sociétés africaines. L’Islam tout comme le christianisme ont été exportés en Afrique par le feu, le sang et la domination culturelle et religieuse. Cela n’est absolument pas à confondre avec l’imprescriptible droit à la croyance et au culte privé et personnel de chaque africain. L’interdiction constitutionnelle des partis religieux ou ethniques est un refus progressiste et légitime de l’islamisme et de l’ethnicisme politique. De même, le droit à la non croyance, à l’athéisme et au polythéisme doit être absolument respecté. Le Sénégal est composé de populations, de nationalités et d’individus qui ont le libre droit dans le respect de chacun à avoir une religion, une confrérie ou à ne pas en avoir du tout. Le critère d’appartenance au Sénégal ou à l’Afrique ne peut reposer sur le fait ethniciste ou religieux. Faire cela, c’est agir contre le Sénégal et les sénégalais, contre l’Afrique et les africains.

 

Remondialisation du capitalisme, Djihad, Ethnicisme ou Libération Nationale?

 

Le ciel ne cesse de s’assombrir sur le Sénégal et sur l’Afrique. Les catastrophes ne sont pas seulement la mortalité infantile, le sida, la pauvreté, la misère et la faim, etc. Tous ces fléaux découlent de l’asservissement impérialiste avec la complicité des gouvernements dictatoriaux civils ou militaires. Tous ces malheurs qui s’abattent sur le continent noir résultent de la recolonisation en cours à travers les plans d’ajustement structurel, le maintien de la zone coloniale cfa et la dévaluation du franc cfa, la privatisation-bradage des entreprises stratégiques et le système inique de la dette usurière. Tous ces maux sont aussi utilisés par l’impérialisme pour conduire les peuples et les pays africains à l’abattoir des guerres civiles religieuses ou ethnicistes. L’alternance a exprimé la volonté du peuple sénégalais d’en finir avec un régime PS repéré par tous comme responsable des souffrances colossales du peuple. Mais l’alternance a substitué au pouvoir de la social-démocratie un pouvoir libéral tout aussi incapable de s’attaquer à la racine du mal qui ronge le Sénégal et l’Afrique: la domination impérialiste. La social-démocratie hier et les libéraux aujourd’hui n’ont pas de solutions aux maux du peuple. Ils appliquent les mêmes recettes dictées par les bailleurs de fonds et qui conduisent aux résultats catastrophiques qui sévissent partout en Afrique. 

 

La défaite temporaire de l’URSS, du socialisme réel a été utilisé par l’impérialisme pour accréditer l’idée selon laquelle il n’y a pas et ne peut y avoir d’alternative au capitalisme et à l’oppression impérialiste des peuples. Pire, certains politiciens de la gauche historique se sont même mis à théoriser la terrible illusion du « développement dans la soumission à l’impérialisme devenu incontournable ». Et l’on a assisté à ce spectacle incroyable: ceux qui historiquement se sont réclamés de la gauche se sont mis à chercher l’inexistante « troisième voie » dans le cadre de la domination impérialiste. Leur recherche les a conduit d’abord à la remorque de la social-démocratie et des libéraux, puis dans les bureaux feutrés qui leur ont été offerts gracieusement en postes et portefeuilles gouvernementaux.

 

Pendant ce temps, profitant de la crise économique et sociale, les forces obscures pré-coloniales alliées au pouvoir semi-colonial et aux maîtres impérialistes « travaillent » la société dans le sens de la réaction pure et totale. La vague toujours plus amplifiée des compromissions et la capitulation de la gauche conduisent tout droit le pays vers un Rwanda, une Mauritanie de 89, une Côte d’Ivoire de «l’ivoirité» ou une Algérie menacée par l’islamisme politique. C’est cela les «marécages de l’histoire».

 

Il faut recommencer la lutte, il faut reprendre le flambeau pour stopper la re-mondialisation du capitalisme arrogant et criminel. 

Mars 2012

Le Comité Editorial

 



09/08/2017
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