Une nouvelle démarche pour l’unification de la Gauche
La Gauche sénégalaise connaît depuis plus de cinquante ans des difficultés à s’unir. Ceci malgré de multiples initiatives. La présente contribution vise à interroger l’histoire de ces dernières et à essayer d’en tirer les leçons aptes à nous éclairer dans la nouvelle dynamique dans laquelle nous nous sommes engagés avec le CNP/CNG.
Quelques expériences d’unification
Dans les années 50, l’existence de l’UDS et de la section de la SFIO, ensuite le PRA-Sénégal et le Parti Africain de l’Indépendance, le Bloc des Masses Sénégalaises, le Front National Sénégalais, le Parti Communiste Sénégalais puis l’existence de plusieurs groupes trotskystes : Ligue Communiste des Travailleurs, Organisation Socialiste des Travailleurs (issus du Groupe Ouvrier Révolutionnaire), des groupes maoïstes (membres du Mouvement des Jeunes Marxistes Léninistes) qui créeront respectivement AND JEF/Mouvement Révolutionnaire pour la Démocratie Nouvelle et UDP, en passant par les nationalistes et panafricanistes qui se retrouvèrent dans le MDP ou le RND, et. aujourd’hui la multitude d’organisations de gauche (dont PAI-Maj, PIT, LD/MPT) montrent, s’il en était besoin la division qui a caractérisé les forces de gauche durant 50 ans au moins..
Les raisons de ces situations sont liées à plusieurs facteurs :
- les divergences idéologiques, le mimétisme idéologique surtout chez les marxistes
- les problèmes crypto personnels
- les actions du pouvoir UPS/Ps ou PDS
Face à cette situation et devant l’interpellation des populations, plusieurs initiatives furent développées pour unifier les composantes de la gauche, du moins certaines.
Nous ne pourrons qu’en citer quelques unes qui nous semblent assez importantes
I / Le Rassemblement National Démocratique
Sous l’initiative de nationalistes, de panafricanistes (avec Cheikh Anta Diop comme leader), d’anciens membres du PAI (regroupé autour de Me Babacar Niang), l’initiative de l’unification de la Gauche fut prise. Le projet visait à mettre en place un large front d’organisations et de militants et militantes (nationalistes, panafricanistes, communistes et démocrates).
Le contexte de cette dynamique était caractérisée par :
- le PAI qui sortait difficilement de la répression des années 60,
- le développement des luttes du peuple, la crise économique en rapport les chocs pétroliers, la stratégie de développement économique du gouvernement et la sécheresse,
- les conséquences ou influences de la GRCP au sein des maoïstes,
- l’hégémonie de la CNTS sur le plan syndical et l’existence de syndicats autonomistes avec la création de l’UTLS avec comme acteur principal le PDS,
- la division du mouvement élève et étudiant entre les composantes de la Gauche,
- la crise du marxisme,
- le développement des MLN en Afrique,
- l’offensive soviétique, l’intervention de Cuba en Angola,
- l’offensive néo-libérale,
Toutes les organisations de gauche ont été contactées pour y prendre part.. And Jef/MRDN, déclina l’invitation. Mais sous l’influence du groupe dirigé par Mbaye Niang, l’idée de front fut abandonnée et il fut retenu de créer un Parti où l’adhésion serait individuelle. D’où le départ du PAI. Ce contexte et la démarche explique en partie la composition diversifiée du RND et l’échec du projet d’unification de la Gauche.
II / Le CIPU
Le Comité d’initiative pour l’unification de la Gauche fut mis en place entre AND JEF/MRDN, UDP (maoïstes), OST et Lecteurs de SUXUBA (trotskystes).
Le contexte de cette initiative était caractérisée par :
la crise du marxisme avec comme corollaires la tendance à l’atténuation ou résorption des divergences idéologiques entre organisations de gauche. Un débat idéologique sérieux ne s’étant jamais installé entre les différentes forces
l’approfondissement de la crise économique, la mise en œuvre des PAST et le développement des luttes des populations
la diminution de l’influence des forces de gauche sur le plan syndical, etc.
Cette dynamique se voulait être un processus qui irait en s’élargissant aux autres forces de gauche. Elle a pu se mettre en place grâce à la reprise des contacts, rompus à la fin des années 80, entre AND JËF et UDP en 1986 et le soutien de l’OST à la candidature aux élections présidentielles de Landing Savané en 1988. Aussi, les deux organisations maoïstes se rendirent compte, cela depuis la fin des années 70, qu’elles se posaient les mêmes questions et qu’elles avaient les mêmes problèmes. Mais la dynamique tourna court malgré la création de AND JËF/PADS, d’autant plus que la composante principale AND JËF/MRDN n’était intéressée qu’à phagocyter les autres. Alors que l’approche voulait, par des discussions sur les expériences, que des orientations soient définies. Les pratiques sectaires des camarades du MRDN feront échouer la dynamique.
III / Le Pôle de Gauche
Initiative de AND JEF/PADS, PIT ET LD/MPT fut beaucoup plus une alliance électorale qu’un e dynamique d’unification.
IV Le Mouvement des Assises de la Gauche
Initié par quelques camarades de la Diaspora, le MAG fut une dynamique où toutes les organisations de Gauche furent invitées. Il s’est déroulé dans un contexte caractérisé par les désillusions post alternance. La démarche fut d’engager un débat sur le bilan de la Gauche, et de définir une orientation ou du moins un programme ; base de l’unification. Mais l’électoralisme des uns, les divergences dans les alliances et les limites de la démarche ne permirent pas d’atteindre le résultat visé. Le projet était parasité depuis le début par la prise en charge des élections présidentielles de 2007.
Le CNP/CNG, une nouvelle démarche
Le contexte de cette nouvelle entreprise est marqué par :
- le recul des forces de gauche : échec dans la mobilisation des populations, échec des orientations, échec dans leur tentative d’être hégémoniques sur le plan syndical, recul théorique, émiettement
- la prise de conscience par des militants d’organisation de gauche de la nécessité d’une part de lutter autant dans leur parti respectif pour le triomphe des idées de gauche que d’autre part de faire la jonction avec d’autres militants non membres de leur parti pour essayer de partager leurs expériences et tenter de construire des alternatives au sein et en dehors du monitoring de leur organisation
- l’existence d’une « société civile « de plus en plus dynamique, partenaire des politiques des Institutions financières Internationales particulièrement
- l’approfondissement de la crise économique avec le pouvoir PDS
- l’échec de l’entrisme pour influer sur le cours des politiques étatiques, ce que les expériences de la LD/MPT et du PIT avaient permis de voir depuis leur entrée dans les gouvernements de Diouf
- la politique du pouvoir PDS visant à remettre en scelle le PS, comme l’UPS/Ps l’a fait pour le PDS à partir de 1974 dans le but d’orienter les populations en< lutte vers les forces de droite et liquider toute possibilité aux forces de gauche de construire avec les populations une alternative
Cette initiative, est ainsi partie de l’invitation par des militants du PIT de camarades maoïstes et d’anciens membres du PAI à l’occasion du 20è anniversaire du décès de Seydou Cissokho. L’idée de commémorer le cinquantenaire du Manifeste du PAI fut lancée. Commémoration dont les grands moments furent la cérémonie de commémoration de Septembre 2007 et le Colloque de novembre 2008.
Colloque durant lequel, des camarades ont émis la recommandation consistant à demander aux doyens du CNP 50naire de prendre une initiative en vue de l’unification des forces de gauche. Cette recommandation fut mise en œuvre et se traduisit par la convocation de la Conférence des organisations de gauche les 8 et 9 août 2009. Le résultat de cette conférence fut la mise en place d CNP/CNG, composé de 14 partis et de militants et militantes.
Démarche :
Tirant les leçons des différentes expériences d’unification au cours des cinquante dernières années, le CNP/CNG adopta une démarche privilégiant les discussions entre camardes en dehors du monitoring des partis. Le CNP/CNG pense que toutes les composantes : organisations et individus doivent participer au débat de bilan et à la définition des orientations. Le débat de bilan doit être serein et profond, donc non superficielle comme c’était le cas dans le cadre du MAG. Ce débat intègre les questions théoriques, idéologiques, programmatiques, etc. Ce travail doit se dérouler sous plusieurs formes (conférences, séminaires, etc.) et dans différents espaces (CNP/CNG, partis, média, etc.). Même les organisations de la société civile y sont invitées. L’idée étant d’organiser une Conférence nationale de la Gauche qui pourrait aboutir à une unification de cette dernière.
Cette démarche va mettre l’accent sur un partage très large d’expériences, comme le matérialisent d’une part YAW dans le cadre des forums et d’autre part le PIT en associant YAW, toutes deux en perspective de leur congrès respectif. Ce que le Collectif de gauche (YAW, UDF, MPC, FERNENT, RTAS, ORDC) tend à mettre en œuvre. Il s’y ajoute l’exigence d’unités d’actions dans les luttes autour des préoccupations du peuple sénégalais.
L’ouverture d’esprit des organisations et des militants et militantes et l’échec de l’électoralisme en font un moment est propice. Saisir cette opportunité c’est faire avancer les forces de gauche vers l’unification sur la base de la lutte pour la justice, la liberté, la démocratie et le socialisme.
Avril 2010
Par Ousseynou Ndiaye pour le SE-CNP/CNG