LES ASSISES NATIONALES DU SENEGAL DOIVENT PRODUIRE UN CONTRAT NATIONAL ET SOCIAL JETANT LES BASES D’UN ETAT DE DROIT !
A quoi peuvent et doivent servir les Assises Nationales du Sénégal (ANS)?
Cette question fait l’objet d’un débat au sein même des Assises. Doivent-elles produire un « programme de gouvernement » ou un « contrat social et national consensuel » ?
Ce débat provient de la diversité des composantes – politique, associative, syndicale, etc. –, variété qui fait justement la force potentielle des ANS. En effet si les partis politiques, notamment ceux du Front Siggil Sénégal peuvent être enclin à l’élaboration d’un « programme de gouvernement », si le pouvoir Wadiste peut être enclin à récupérer certains aspects du dit « programme de gouvernement », Ferñent/ Mouvement des Travailleurs Panafricains-Sénégal (Ferñent/ MTP-S) affirme que ce que peuvent chercher à atteindre les ANS, c’est définir, à partir du diagnostic de la situation catastrophique dans laquelle est de plus en plus plongée le Sénégal, d’abord un « contrat national » moralisant la vie publique, fixant des règles de vie démocratique, laïque et citoyenne d’un état de droit puis ensuite aider les mobilisations revendicatives populaires à atténuer la souffrance sociale que subit actuellement le peuple Sénégalais.
La moralisation, la laïcisation de la vie politique dans notre pays passe selon nous par la capacité des forces citoyennes et populaires à faire respecter les points suivants :
La laïcité, une nécessité républicaine et patriotique pour pacifier le Sénégal
Certes les « marabouts » ont toujours servi de « grands électeurs » dans les joutes politiciennes de « l’élite » politique au Sénégal depuis l’époque coloniale jusque de nos jours à l’époque néo-coloniale. Mais force est de constater que le règne de A. Wade a particulièrement aggravé la prégnance, la confusion, voire la fusion entre « pouvoir temporel » et « pouvoir spirituel ». Dans un pays comme le nôtre où coexistent plusieurs religions et plusieurs confréries de la même religion, il est irresponsable que le Chef de l’Etat, que les Ministres, les Députés ou autres responsables publics dans l’exercice de leur fonction publique affichent publiquement, voire ostensiblement par voie de la presse nationale d’Etat, leur appartenance à une religion, à une confrérie ou leur allégeance à un chef religieux.
Le besoin d’un « guide pour l’au-delà » relève de la liberté individuelle de conscience et se matérialise sous la République par le respect strict du droit personnel et individuel au culte privé.
Dans l’exercice d’une fonction élective ou d’état, il ne peut être admis d’amalgamer la croyance à laquelle on a droit sous la République en tant qu’individu, entre le droit individuel d’exercer sa foi, d’être un « talibé » et la responsabilité publique qui vous a été confiée par la volonté citoyenne du peuple ou la fonction que vous exercez au service de l’Etat.
On ne peut déroger au principe de fond énoncé ci-dessus au nom d’une soi disant « laïcité à la sénégalaise » qui serait un prétendu rejet « anti-colonial » de la « laïcité à la Française ». Cette pirouette cache mal le fait que la « laïcité à la Française » est historiquement un non modèle en raison du « concordat Alsacien et Lorrain », mais est de plus en plus remise en cause par le comportement anti-Républicain du jeune Président Français Sarkozy, lequel, tout comme A. Wade, affiche ouvertement « sa » religion catholique tout en stigmatisant hypocritement les immigré(e)s, notamment les Musulmans avec « son Ministère de l’identité nationale ». D’ailleurs il s’agit là d’un bien curieux « nationalisme » que de « sénégaliser la laïcité » tout en restant muet comme une carpe sur la soumission gouvernementale servile au diktat prédateur du FMI et de la Banque mondiale, sur la présence coloniale de l’armée française dans notre pays, etc. Si comme le proclame une partie de l’article premier de la Constitution « La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion », cette profession de foi doit être traduite et respectée dans les faits avant tout par les hommes et les femmes qui gouvernent et sont censés d’en être les garants.
Gouvernance et deniers publics : Mettre fin à l’impunité
« Quand j’étais jeune, sous Senghor, quand on parlait de détournement de deniers publics, c’était en millions, en dizaine de millions, sous A. Diouf, c’était en centaines de millions, mais maintenant on parle de dizaine de milliards, voire de centaines de milliards ». Voilà des propos devenus banals que même des enfants tiennent aujourd’hui. Des ministres ont été arrêtés sous le prétexte que « 45 milliards » auraient été dépensés pour « 10 km de route ». Le fils du Président aurait reçu « 300 milliards » pour « 12 km de route et ponts ». Les députés élus au suffrage universel au même titre que le président de la République votent un budget que les Ministères se permettent de « dépasser » allègrement. Tout ceci et bien d’autres faits graves posent la question de la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat et de l’impunité au Sénégal. Chaque visiteur du Président ressort avec un cachet sonnant et trébuchant en cfa. On en cache même plus que l’argent est distribué à gogo par le Président pointe de l’iceberg du pacco des deniers publics. Mais cet argent là n’est pas le salaire du bienfaiteur, mais l’argent du peuple qui trime pour survivre au quotidien tout en produisant les richesses nationales par son dur labeur.
L’impunité est un abus de pouvoir attentatoire à la séparation des pouvoirs qui frise le despotisme, quand on voit le Procureur de la République avouer publiquement qu’il ne peut convoquer un Ministre pour l’entendre sur ses inadmissibles menaces publiques contre la presse parce que n’ayant pas la permission par décret du Président. Il s’agit ici de liberté publique, d’exercice libre et indépendante de la justice. Il s’agit ici de moraliser la gouvernance par la punition des malversations des gouvernants premier pas vers l’éducation civique et populaire qui sauvera nos enfants de l’esprit délinquant qu’induit les pratiques malhonnêtes anti-patriotiques qui ont cours depuis les indépendances politiques des années 60.
L’argent de l’Etat, c’est l’argent du contribuable Sénégalais que les gouvernants du moment sont chargés de gérer. C’est fou d’entendre cette rumeur couramment répandue selon laquelle « il suffit d’aller voir le Président pour sortir de là avec des millions ». Les terribles illusions sur la « gouvernance technique » versus la « gouvernance politique » que nous avons pu lire ici et là viennent se fracasser sur la dure réalité d’un système semi-colonial de pillage qui fait de l’Etat « la mangeoire » pour une « accumulation primitive du capital » par la nouvelle bourgeoisie libérale apatride. Il s’agit ici par des mesures mettant fin à l’impunité dans la gestion des affaires de l’Etat de faire œuvre de salubrité morale pour la société et nos enfants.
Emigration et Diaspora : Citoyenneté totale
Les lettres des Présidents Evo Morales et Raphaël Corréa de Bolivie et d’Equateur aux Chefs d’états de l’Union Européenne (UE) pour protester contre la directive dite « retour » qui européanise le racisme d’état des Etats européens, voilà ce que nous attendons du Président du Sénégal et de ses compères de l’Union Africaine (UA). Non seulement les pirogues de la mort et de l’humiliation de l’Afrique illustrent l’incapacité de « l’élite » à développer nos économies soumises à la division inégale du monde en pays dominés et pays dominants, mais les derniers accords avec l’Espagne et la France transforment le Sénégal en « centre de rétention à ciel ouvert » pour déverser les expulsés d’Afrique noirs. Cette association de l’Etat du Sénégal à « l’externalisation » par l’UE des expulsions, qui est « monnayée » sans honte, signe, en plus de la faillite totale de la « gouvernance politique et technique », l’occupation militaire des eaux territoriales africaines dans le cadre de « frontex », cette barricade militarisée de l’Europe Forteresse.
La diaspora Sénégalaise est confrontée aussi à des accords bilatéraux signés qui font qu’en matière d’allocations familiales, de sécurité sociale, de retraite nos droits sont moins bien respectés que nos frères du Mali ou de la Mauritanie, lesquels consultent et associent leurs compatriotes émigrés avant de discuter avec les autorités françaises.
La première génération d’émigrés arrive progressivement à la retraite. Les associations villageoises qui ont construit les infrastructures – écoles, maternités, dispensaires, bureaux de poste, marchés, forages, etc. – se transforment en Associations dit de « développement » avec des jeunes plus instruits que les parents, mais se posent la question décisive de la seconde génération. Même si sociologiquement comme le démontre Abdelmalek Sayad « toute immigration à vocation au peuplement », les enfants d’émigrés sont à la fois citoyen Sénégalais et citoyen du pays d’accueil. Le pays des parents, l’Etat doit s’acquitter de ses obligations vis à vis cette fraction de la jeunesse résidant à l’étranger.
En moyenne 300 milliards de francs cfa par an sont envoyés par les émigrés au Sénégal, ce qui correspond à une moyenne de 40% du salaire d’un émigré. Ce chiffre est sous évalué parce qu’il ne prend pas en compte les envois « invisibles », c’est à dire de main à main, à chaque voyage et le système du fax. C’est dire que cette contribution indirecte au PIB de notre pays fait que l’émigration a toujours été perçue par les gouvernants comme une « vache à lait ». Il faut absolument que ce rapport utilitariste vénal de l’Etat à l’émigration soit remplacé par la construction d’un rapport citoyen permettant l’implication volontaire organisée à d’éventuels projets de développement national.
L'indépendance monétaire est une nécessité
Après une lecture rapide des documents sur l'économie, sur les relations internationales (extérieures) et sur le panafricanisme, il me semble qu'il n'y a rien sur la monnaie. Or la zone cfa, le franc cfa, l'UEMOA, la BCEAO, etc., comme le démontre Nicolas AGBOHOU dans son ouvrage "le franc cfa et l'Euro contre l'Afrique", est un "instrument de l’appauvrissement automatique de l'Afrique et de l'enrichissement automatique de la France'. En effet, les dirigeants africains ont abdiqué sur la souveraineté monétaire en confiant la gestion des réserves au Trésor Français et aujourd'hui à la Banque centrale européenne. Or sans souveraineté monétaire, il ne peut y avoir de politique économique indépendante et par conséquent de développement national.
1) Souveraineté monétaire du Sénégal et de l'Afrique
2) Création d'une monnaie africaine indépendante
3) Création d'une Banque centrale africaine indépendante dont les fonds seront constitués par le rapatriement des réserves des Etats Africains adhérents à la monnaie et à la Banque centrale.
Sénégal, Afrique : Sortir de la Mondialisation impérialiste
La mondialisation actuelle du capitalisme, qui succède aux phases de mondialisation qu’ont été la traite, l’esclavage des noirs suite au génocide des indiens, puis la colonisation, est caractérisée par la remise en cause du monde unipolaire libéral imposé par les USA après la défaite du système socialiste, de l’URSS et donc l’avènement progressif d’un monde multipolaire marqué par le capitalisme d’état de pays comme la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, qu’on appelle les BRIC.
La crise systémique générale du capitalisme mondiale a connu des phases : - 1973, la nationalisation par la création de l’OPEP de l’extraction du pétrole, 1978 nationalisation du raffinage du pétrole, 1980 crise de la dette du tiers monde, 1994 dévaluation du franc cfa et partant de toutes les autres monnaies africaines, 1998 crise Russe, 2001 crise des pays asiatiques, 2007/08 crise alimentaire, crise immobilière, crise financière, récession économique mondiale, etc. L’élite africaine s’est montré particulièrement incapable, incompétente car elle a pour l’essentiel répéter comme un perroquet les recettes libérales, les prétendues solutions individualistes pour sortir l’Afrique de la « marginalisation » vis à vis la « mondialisation ». Le peuple n’a t-il pas été submergé par la posture « scientifique, techniciste » d’une prétendue intelligentsia qui finalement sous couvert « de savoir » organisait des stratégies pour participer à la mangeoire pouvoiriste.
Mais ce monde capitaliste de moins en moins dominé par le libéralisme occidental prédateur et guerrier, ce monde capitaliste plus « équilibré » sur le plan des rapports de forces stratégiques et géopolitiques doit beaucoup aux résistances, luttes victorieuses et aux nationalisations qui ont donné naissance aux expériences bolivariennes marxistes, de gauche populaire en cours au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, au Nicaragua, qui s’inspirent de Cuba. Les succès de la « nouvelle politique économique » (NEP) de tous les pays qui contestent l’hégémonie libérale sans partage de l’impérialisme occidental (USA, UE) sont dus pour l’essentiel aux nationalisations des secteurs clefs des économies des pays concernés et donc l’utilisation du capitalisme d’état pour une stratégie de développement national et social. Le Sénégal, et l’Afrique dont les « élites » gouvernementales et « techniques » ont jusqu’ici abdiqué devant les diktats libéraux des Institutions Financières Internationales (IFI) sont maintenus dans le rôle et la place de « territoires pour les safaris des Firmes Transnationales (FTN) à la recherche des matières premières, de main d’œuvre corvéable et de débouchés pour le surplus de leurs marchandises ».
La crise financière, alimentaire, économique, bref la crise actuelle de surproduction du capitalisme mondial est certes grosse de dangers de guerres, de catastrophes sociales, mais elle doit être l’occasion d’une réflexion sur les enjeux pour l’Afrique, les Africains et le retour à des principes et orientations affirmés avec force par les premiers dirigeants indépendantistes révolutionnaires marxistes ou marxisants panafricanistes africains, souvent assassinés par le colonialisme ou le néo-colonialisme pour faire capoter toutes les expériences à étudier par la jeune génération de libération et de développement de l’Afrique.
Nous devons ainsi cultiver la mémoire des Ruben Um Nyobé, Osendé Afana, Roland Félix Moumié, Ouandié, Mondlane, Patrice Lumumba, Pierre Mulélé, Kwamé Nkrumah, Sékou Touré, Amilcar Cabral, Thomas Sankara, Lamine Arfan Senghor, Thiémokho Garang Kouyaté, Chris Hani, les militants du PAI parce que, eux, ont ouvert la voie du principe de compter avant tout sur ses propres forces, celles du peuple laborieux.
C’est cette voie qui a été abandonnée par « l’intelligentsia » africaine, « l’élite » africaine surtout à partir des années 80 renforcée dans les années 90 par la défaite du camp socialiste et la dictature de la pensée unique libérale qui est la source de la situation dramatique de l’Afrique. Nous devons et sommes condamnés à contester la mondialisation capitaliste de surcroît dans sa version libérale pour que l’Afrique prenne le chemin du progrès que l’on voit et constate en Asie et en Amérique Latine.
Avril 2010
Diagne Roland Fodé