LIVRE DE SADIO CAMARA : CHAPITRE VIII : LA LUTTE POUR L’INSTAURATION DES LIBERTES DEMOCRATIQUES ET LE RETOUR DU PARTI A LA VIE PUBLIQUE
Au début des années 70, la politique du pouvoir UPS-PS d’affirmation d’une minorité enrichie par des détournements, des pillages des deniers publics et la mise en faillite du secteur public corrélativement à l’appauvrissement du plus grand nombre, avait créé des conditions d’une défiance de vastes secteurs de la population à son égard.
La classe ouvrière, les enseignants, les étudiants et les élèves, et même la bourgeoisie nationale, engageaient, sous des modalités, parfois contradictoires, la lutte contre le système autoritaire de Senghor.
La dénonciation de cette politique du pouvoir UPS-PS a été faite par le parti à travers des déclarations de son Comité Central, puis, à partir de novembre 1974, dans les publications clandestines de MOMSAREV, appuyée par celles des organes des sections extérieures du PAI comme :
- BADOLO-Bi, organe de la section de France
- CI-KANAM, organe théorique et politique de la section de Belgique
Ce qui a beaucoup contribué accélérer le discrédit de la bourgeoisie bureaucratique et des couches parasitaires.
La publication et la diffusion clandestines de MOMSAREV à cette époque avaient pour maîtres d’œuvre les camarades suivants :
- pour la rédaction : Samba Diouldé THIAM et Sadio CAMARA
- pour la dactylographie : Babacar SY
- pour la correction des articles, la confection de la maquette de la couverture, la répartition et l’emballage : Sadio CAMARA
- pour le tirage Assane DIAO
Le placement des paquets était assuré principalement par Assane DIAO, Sadio CAMARA et Mady DANFAKHA. Tels étaient les camarades qui avaient assuré, avec courage, abnégation et dévouement, la confection et la diffusion de la presse clandestine du parti de 1974 à 1981.
La partie du travail la plus animée et agréable pour moi était le travail de rédaction réunissant le camarade Samba Diouldé THIAM et moi-même. En effet, le camarade Samba était plein d’expressions humoristiques qui me faisaient beaucoup rire. Par ricochet, je l’entraînais et nous riions ensemble aux éclats bien que nous nous trouvions dans une maison conspirée. Ainsi, nous observions de petits moments de détente naturelle et le temps passait aisément et, avec lui, la fatigue.
Je me rappelle encore quelques unes de ses expressions humoristiques ou succulentes que j’aimerais livrer au lecteur :
- «On ne peut s’asseoir sur deux chaises à la fois. Ceux qui ne croient pas, n’ont qu’à s’y essayer».
- «le PAI Rénovation béni de Senghor (PAI –Rbs)»
- «Les Purgatoires de l’année 1976 ?»
- Les «Deums» ouvriers deviennent actifs»
- «PS + Senghor = PS ; PS – Senghor = 0»
Pour cette expression algébrique, le camarade Samba Diouldé voulait montrer que le PS sans Senghor n’existait pas et ne saurait exister.
Ainsi, le PS s’identifiait à la personne de Senghor. Ceci était tellement vrai que lors des élections du temps de Senghor, il était courant de voir ses militants refuser la carte du PS pour exiger «celle » de Senghor.
Samba Diouldé THIAM : 12 Septembre 1991. Etudiant, il nous apportait dans notre cachette à la SICAP Liberté I, des quartiers de moutons à l'occasion des fêtes de Tabaski. Tout jeune marié, il a démissionné de sa profession de professeur pour se mettre entièrement au service du Parti et cela au moment le plus difficile de sa vie. D'une grande capacité d'écoute et d'observation, il est doublé d'un littérateur et d'un polémiste de talent. Samba Diouldé THIAM a joué un grand rôle dans l'animation de MOMSAREV clandestin et de ANDE SOPI dont il était à juste titre, Secrétaire de publication. Somme toute, Samba Diouldé THIAM est un homme de conviction, pondéré et judicieux.
L’intervention du parti par le biais de la presse pour dénoncer la politique senghorienne avait mis au premier plan de la scène politique la nécessité de restaurer les libertés démocratiques et la satisfaction des revendications pressantes des masses. Ce fut alors que Senghor mena une politique visant à neutraliser toute opposition sérieuse à sa politique de démission et de ruine nationale.
Par deux fois, en avril 1970 et 1973, le parti rejeta les offres de Senghor de lever l’interdiction qui le frappait. Ces offres intervenaient dans un contexte de violentes répressions anti-ouvrières (dissolution de l’UNTS en 1971) et anti-étudiantes, alors que les organisations démocratiques de masse et de larges secteurs patriotiques et démocratiques étaient interdites d’activité. Ces offres intervenaient aussi dans un contexte de violentes campagnes antisoviétiques et anti-communistes.
La déclaration du comité Central du 18 Avril 1974 salua la libération de Mamadou DIA et de ses compagnons, exigea l’amnistie politique générale et le rétablissement des libertés démocratiques, demanda le retour à la vie publique des partis et organisations démocratiques interdites.
Ce fut dans ce contexte que naquit en juillet 1974 le Parti Démocratique Sénégalais (P.D.S) en tant que «Parti de Contribution».
La IVe session plénière du Comité Central du 17 Novembre 1975 rendit publique une importante déclaration sur les problèmes de la démocratie au Sénégal. Pour la première fois le parti demandait à Senghor de prendre des mesures pratiques pour son retour à la vie publique.
La session salua la naissance du P.D.S «comme une première victoire du peuple malgré les réserves sur telles ou telles démarches et conception de ce parti.»
Le PAI se prononça à l’avance contre toute limitation formelle de la démocratie ou la fixation arbitraire du nombre des partis.
Sous la pression de l’opinion publique nationale et internationale, le gouvernement de Senghor prit en Avril 1976 une Loi d’amnistie politique générale. Il procéda en même temps à une révision constitutionnelle fixant arbitrairement le nombre des partis à trois courants de pensée : «Libéral», «socialiste», et «marxiste-léniniste ou communiste».
Le pouvoir prit prétexte de cette Loi pour refuser de reconnaître le Rassemblement National Démocratique (R.N.D) du Professeur Cheikh Anta DIOP qui avait déposé ses statuts avant la modification constitutionnelle. Le PAI, dans sa déclaration du 15 avril 1976 refusa catégoriquement de se faire reconnaître légalement dans ces conditions et de jouer ainsi le rôle d’objecteur de conscience politique.
C’est alors que Senghor mit à exécution l’opération préparée de longue date contre le parti. Le 14 Août 1976, fut reconnu un «Parti Africain de l'Indépendance» dirigé par Majmout DIOP, alors que ce dernier était en rupture de ban avec le parti depuis 1967, donc près de dix ans.
En effet, Majmout DIOP lui-même, dans une interview parue dans le journal «le Monde» en date du 18 février 1974 confirmait notre propos. Interrogé sur ses relations avec le PAI, il déclarait «Depuis 1968, je me consacre à la recherche scientifique et j’ai coupé, par la force des choses, toutes relations avec le parti que j’ai créé».
A la suite de cet aveu de Majmout DIOP, on est en droit de se demander pourquoi il a pu «bénéficier» de Senghor le décret de légalisation du PAI, ceci deux ans après sa déclaration ci-dessus rapportée, neuf ans après sa rupture avec le parti demeuré permanent dans la lutte contre le pouvoir de Senghor et du néocolonialisme français.
Le 14 août 1976, jour de reconnaissance du PAI – Rbs, le camarade Samba Diouldé THIAM et moi, revenions d’une mission du parti à Kaolack. C’était pour représenter la direction à un séminaire de formation politique et idéologique de la section PAI de cette ville, animé par un jeune camarade talentueux, ardent, Baba BA, professeur au lycée de cette ville.
Sur la route de retour sur Dakar, nous étions deux dans une voiture empruntée à un de ses amis, pilotée par lui-même.
Le poste radio de la voiture était branché sur «la voix de l’Amérique» lors de ses émissions de 17h 30 ou 18h. Alors que nous nous trouvions sur les collines de Diass, nous apprîmes la nouvelle. Elle sera confirmée au journal parlé de vingt heures de Radio Sénégal. Voilà qui montrait encore la nature néocoloniale du régime UPS-PS. Les nouvelles importantes du pays étaient connues d’abord des puissances étrangères ensuite du peuple sénégalais concerné au premier chef.
Dans un numéro spécial de MOMSAREV, le Comité Central du parti publia une déclaration en date du 21 août 1976 où était mise en lumière la nature anti-démocratique et anti P.A.I de l’opération Senghor–Majmout DIOP et décida provisoirement de mettre fin au processus de retour à la vie publique du PAI La vaste campagne d’information entreprise en direction de l’opinion nationale et internationale de même qu'en direction des partis communistes frères a permis de mettre en échec cette opération. Aucune structure de base ne rejoignit Majmout DIOP dont l’action fut par ailleurs réprouvée par les plus larges secteurs de l’opinion publique.
Le parti poursuivit sa politique ferme de défense des intérêts de la classe ouvrière et des masses laborieuses à travers sa presse, qui fut secondée dans cette tâche, à partir d’octobre 1976, par la parution de Daandoole Ndakaru, bulletin régional du Cap-Vert, ancienne appellation de Dakar regroupant les actuels Départements de Dakar, Pikine et Rufisque.
La parution d’un tel bulletin pour la région de Dakar s’expliquait par l’importance de la concentration de la classe ouvrière dans cette partie du pays.
«Daandoole Ndakaru» a connu un an de vie régulière : d’octobre 1976 à Septembre 1977. A mon humble avis, ce fut le journal du parti qui a eu le plus de succès au sein de la classe ouvrière, ceci parce qu’il reflétait réellement les préoccupations des travailleurs dans les entreprises et collait à leur niveau culturel et politique.
«Daandoole Ndakaaru» était animé par deux camarades talentueux, enthousiastes, mus par un grand amour pour la formation et l’éducation de la classe ouvrière. C’était les camarades :
- Makhtar MBAYE, instituteur à Grand-yoff qui avait démissionné de son travail professionnel pour se mettre entièrement au service du parti. Il était donc devenu un révolutionnaire professionnel.
- Mamadou DIOP, professeur de physique et chimie au lycée Kennedy à Dakar. Pour illustrer notre propos relatif au succès de «Daandoole Ndakaaru» dans la classe ouvrière, nous proposons au lecteur quelques une de ses rubriques :
- la rubrique «information» se faisait écho des conflits de travail dans les entreprises.
- la rubrique «la vie dans les entreprises» traitait les problèmes qui touchaient directement la vie quotidienne de l’ouvrier sénégalais.
Voilà quelques exemples :
- Les heures supplémentaires : qu’est –ce qu’une heure supplémentaire ?
Pourquoi le capitaliste utilise t-il abusivement le système des heures supplémentaires pour la classe ouvrière ? Les différentes sortes d’heures supplémentaires, méthodes de calcul d’heures supplémentaires avec les tableaux de facilitation pour les ouvriers. Ces tableaux de calcul se trouvaient souvent avec les délégués du personnel dans beaucoup d’entreprises et usines à travers le pays. Quels sont les avantages et les inconvénients des heures supplémentaires ?
- Le congé : Détermination de la durée du congé – période de jouissance du congé – Allocation de congé
- Le salaire : Qu’est ce que le salaire ? Bulletin de salaire ? Niveau du salaire ?
- Le délégué du personnel : Ses fonctions – ses qualités - conditions d’efficacité de son rôle.
- La rubrique «dictionnaire du Daan Doole» aidait les ouvriers à comprendre quelques unes des expressions utilisées par le bulletin «Daan Doole Ndakaru». Elle contribuait aussi à donner aux débutants les éléments indispensables à une étude sérieuse du marxisme –léninisme.
Voilà quelques exemples : classe sociale ; la bourgeoisie capitaliste étrangère ; la bourgeoisie nationale ; la petite bourgeoisie ; la classe ouvrière ; le lumpen – prolétariat ; l’aristocratie ouvrière ; la plus-value ; le temps de travail ; moyen de production ; forces productives ; objets de travail ; moyens de travail, etc.…
Ce vocabulaire, nouveau pour les ouvriers, les avait vivement intéressés. Ils lisaient avec sérieux et assimilaient correctement. Cela était sensible lors des rencontres et conversations avec les travailleurs et aussi et surtout à l’occasion des réunions syndicales dans les entreprises, à la Bourse du Travail. On entendait souvent revenir ces expressions tirées de «Daan doole Ndakaaru». Nous en étions fiers.
Il y avait aussi d’autres rubriques traitant d’autres thèmes politiques et sociaux comme entre autres exemples :
- Bouki diour Senghor
- Bouki chez les chèvres
- Lebon «Luppon»
C’était là des titres de jolis contes que Makhtar MBAYE imaginait ou tirait du patrimoine traditionnel pour tourner en dérision la politique anti nationale et anti sociale de Senghor, la filouterie du patronat capitaliste étranger.
Des groupes d’ouvriers s’étaient constitués pour apporter leurs contributions financières à la vie du journal.
C’était là l’expression éclatante du succès de «Daan Doolé Ndakaaru».
Maguette Thiam, homme modeste, discret, intelligent et efficace, il a su mener à la fois ses activités universitaires et celles du Parti en général et au sein de la direction clandestine. Co-fondateur du mensuel d'information et d'opinion "ANDE SOPI"
En 1977, de nouvelles initiatives unitaires furent prises en direction de l’opposition. En juin de la même année, elles aboutirent à la création de «ANDE SOPI» avec les socialistes autogestionnaires regroupés autour de l’ancien président du Conseil de Gouvernement, M. Mamadou DIA.
Ce mensuel d’information et d’opinion réussit rapidement à briser le contrôle de l’information par le pouvoir et joua un rôle de premier plan dans la lutte pour l’établissement des libertés démocratiques et la dénonciation de la politique malfaisante de Senghor. Il avait comme cofondateurs Mamadou DIA ci-dessus nommé et Maguette THIAM, enseignant à l’université, membre du Bureau Politique du P.A.I-Sénégal et comme Directeur de publication. Samba Diouldé THIAM, Professeur de lycées, membre du Bureau Politique du P.A.I-Sénégal
Le parti prit une part décisive dans l’édition et la diffusion du journal «ANDE SOPI» pour les raisons que voilà. Par rapport au groupe socialiste auto-gestionnaire, le parti avait plus d’expérience en matière de presse, «vingt ans».
En outre, il était seul à avoir des structures à l’échelle du pays.
A ces deux faits, s’ajoutaient la capacité de sacrifice inégalée et inégalable des militants, leur enthousiasme adent à la tâche : certains donnaient du carburant, d’autres se mettaient aux volants de leurs voitures pour acheminer le journal dans toutes les régions du pays.
Ainsi, moins de douze heures tout le pays en était couvert. Le plus souvent les camarades faisaient ce travail pendant la nuit pour être le lendemain matin, à huit heures, à leurs postes de travail. Cela étonnait merveilleusement plus d’un ami socialiste autogestionnaire.
Ils ne tarissaient pas d'éloges à l’endroit de nos camarades.
Par exemple, j’avais souvent fait ce travail avec les camarades Babacar SY et Moctar FOFANA NIANG. Le premier avec une voiture du parti, une 504 BREAK que nous appelions «la vieille demoiselle», le second avec sa FIAT 124 rouge.
Le camarade Moctar Fofana NIANG, alors représentant de «gillette» au Sénégal, se rendait disponible à partir de dix-huit (18) heures et nous entamions notre périple de Dakar, Thiès, Khombol, Bambey, Diourbel, Mbacké, Kaffrine, Kaolack, Fatick, Mbour et étions disponibles et présents à huit (8) heures à nos postes de travail à Dakar. Il en était de même avec Babacar SY.
A Bambey, un jour, au passage à niveau des rails, le tuyau d’échappement de la FIAT 124 fut arraché complètement et nous dûmes continuer notre périple malgré tout.
De même, nous devons à la vérité historique, de rendre un vibrant hommage à la détermination du Président DIA, à sa contribution politique, morale, financière et littéraire sans lesquelles l’entreprise n’aurait pas vu le jour pour durer, à fortiori jusqu’en 1982. Ses amis et camarades politiques ont été de tous les combats de «ANDE SOPI».
Il suffit de nommer Mody DIAGNE, cette figure emblématique du syndicalisme enseignant né au sortir de la seconde guerre mondiale, pour rendre leur dû à ces hommes et femmes, compagnons du Président DIA, qui furent nos camarades de combat dans l’entreprise «ANDE SOPI»
Aucune expérience d’union politique de sensibilités différentes depuis la fin de la grande guerre, n’a été présente et aussi porteuse que «ANDE SOPI».
Il faut signaler un élément important qui avait beaucoup contribué également au succès de «ANDE SOPI», c’était les billets de Samba Diouldé THIAM qui émerveillait énormément les lecteurs.
Dés l’achat, ceux-ci se pressaient de lire ces billets pour se livrer à des rires ou à des commentaires. Plus d’un lecteur se souviendra longtemps de ces billets. En voici quelques exemples de titres :
- les cadeaux du vieil âge ; aux ordres
- la cour des miracles ; un musée des prix
- la peur du peuple
La parution de «AND SOPI» prit fin un an après avec l’instauration des libertés démocratiques, en 1982 ceci, suite au départ du pouvoir de Senghor et à l’arrivée de Abdou DIOUF. Il ne saurait en être autrement, car ce qui faisait l’unité des groupes politiques autour de «AND SOPI», était leur sort commun, c’est-à-dire l’absence de libertés démocratiques avec la conséquence, pour chacun d’eux de l’impossibilité de mener des activités politiques publiques.
L’objectif commun pour eux était donc de mener et de gagner ensemble la bataille pour l’instauration des libertés démocratiques, la possibilité pour chacun d’eux de mener des activités politiques sans entrave. Une fois cette bataille gagnée, les intérêts des deux groupes devenaient divergents, préoccupé chacun par l’organisation de son propre parti et de sa propre presse.
C’en était fini avec «ANDE SOPI». Adieu donc «ANDE SOPI ! ».
Mais, sa marque reste et restera indélébile dans l’histoire de la lutte politique au Sénégal.
Parallèlement à cette agitation politique contre le pouvoir senghorien, la scène politique sénégalaise se caractérisait, depuis prés de dix ans déjà, par la léthargie de la vie politique légale, le désintéressement croissant d’une importante frange de citoyens, notamment de l’élite intellectuelle, non seulement de l’engagement partisan, mais de la vie politique tout court.
Cette situation se traduisait par le refus d’adhésion au parti unique qu’était l’U.P.S.– P.S ainsi que le développement inquiétant, aux yeux des autorités, de l’abstention aux élections. Ce qui était publiquement reconnu et dénoncé par le Ministre de l'intérieur de l’époque qui proposait le vote obligatoire.
Par exemple l’ancien président du Conseil de Gouvernement, Mamadou DIA, rapporte dans son livre intitulé «Mémoire d’un militant du tiers Monde», page 215, paragraphe 6, ce qui suit : «Les trucages électoraux des élections législatives et présidentielles de février 1978, posent encore une fois le problème de la légitimité du pouvoir : 750.000 sénégalais de plus de 21 ans, s’abstiennent de s’inscrire sur les liste électorales. Sur les 650.000 inscrits, 175.000 votent contre Senghor et l’U.P.S». Voilà quelques preuves patentes de la léthargie de la vie politique légale sous Senghor.
La VIIe session plénière du Comité Central décida, dans de nouvelles conditions, d’intensifier la campagne pour le retour du Parti à la vie publique et le droit à l’existence légale de tous les partis qui en feraient la demande. Elle plaça le 20ème anniversaire du parti sous le signe du retour à la vie publique et donna mandat au Bureau politique de charger le Camarade Amath DANSOKHO, revenu de d’exil, pour quelque temps, d’assumer les fonctions de porte-parole officiel du Parti sur les problèmes de son retour à la légalité. L’intense campagne de presse et d’affichage entreprise à l’occasion de cet anniversaire (voir figure ci contre) de même que le flot de télégrammes des partis frères en direction de la Présidence de la République demandant la levée de l’interdiction frappant le P.A.I obligea le pouvoir à opérer un recul appréciable tout en tendant un nouveau piège au Parti. En réponse à une lettre du camarade Maguette THIAM demandant le retour du parti à la vie publique, depuis 1976. il suggéra de porter le différend de légitimité opposant le parti à Majmout DIOP devant les tribunaux.
C’est alors que la IXème session plénière du comité Central décida de faire intervenir publiquement le Parti Africain de l’Indépendance à partir de la conférence Nationale du 19 février 1978. Cette conférence ouvrait une nouvelle période, de vie semi-publique au P.A.I.
Alors, à partir de février 1978, la parution publique de MOMSAREV reprenait avec sur la couverture les adresses suivantes :
- Directeur politique et directeur de publication : Amath DANSOKHO
- Rédaction-Administration : chez Babacar SOUMARE, quartier Kayes Finding – Rue Tolbiac X Lapérine. (voir fig. 15 ci- contre)
Alors, MOMSAREV se diffusa publiquement contre cent (100) francs par unité, ceci jusqu’en décembre 1979.
L’éditorial du premier numéro, intitulé «MOMSAREV» réapparaît légalement fut signé par le Camarade Samba Diouldé THIAM.
Après quoi, une conférence régionale du Cap-vert eut lieu au cours de laquelle Sadio CAMARA passa le flambeau de la direction du parti dans cette région au camarade Makhtar MBAYE. Ceci pour permettre au camarade Sadio, alors recherché et la tête mise à prix, d’observer encore une période de clandestinité.
Aux élections de février 1978, le parti déposa la liste de ses candidats aux élections législatives. Mais le pouvoir refusa d’enregistrer cette demande de participation aux élections.
De même, le parti proposa aux différentes forces politiques dans l’opposition d’examiner la possibilité d’intervenir ensemble dans ces élections, à travers les pourparlers avec le parti démocratique sénégalais (PDS). Le refus fut brutal et obstiné.
L’unité d’action de l’opposition ne se réalisa pas en raison des positions doctrinaires et l’étroitesse politique d’un grand nombre de ses composantes.
Après ces élections, le parti continua d’œuvrer à la cohésion des forces de l’opposition. C’est ainsi qu’il prit l’initiative de la création de la coordination de l’opposition sénégalaise unie (C.O.S.U.).
Mais le parti devait bientôt suspendre sa participation à ce regroupement du fait des manœuvres hostiles des groupuscules gauchistes qui s’opposèrent par ailleurs à tout rapprochement avec le P.D.S. La C.O.S.U finit par se transformer en un cercle clos de discussions inefficaces coupées des réalités.
Par ailleurs, le parti poursuivit une polémique ferme et positive avec le P.D.S sur des questions d’orientation politique et syndicale, tout en continuant la politique de main tendue à son égard.
Cette démarche eut un couronnement avec l’ouverture des premières discussions exploratoires avec Me Abdoulaye WADE le 25 décembre 1978.
Le 18 novembre 1979, le parti perdit brutalement un de ses meilleurs dirigeants en la personne de Mamadou DIOP professeur de physique et chimie exerçant à l’époque au lycée Kennedy. Il était membre du Comité Central du P.A.I- Sénégal. Sa maison servait de siège du parti et abritait toutes les manifestations nationales et celles de la région de Dakar durant la période semi-clandestine (1978-1980)
Lorsque Mamadou DIOP s’est éteint subitement juste au seuil de ses quarante ans, le parti fut littéralement bouleversé par sa disparition prématurée, car il lui consacra le meilleur de sa généreuse intelligence et de sa passion pour la justice.
Nous lui connaissons d’éminentes qualités pour avoir travaillé avec lui nuit et jour dans la clandestinité comme dans les lueurs de la semi-clandestinité.
Malgré sa jeunesse et ses interrogations que les crises internes du parti ne pouvaient pas manquer de provoquer chez les militants même expérimentés, le camarade Mamadou DIOP ne perdit jamais de vue l’essentiel et ne trébucha pas dans l’affrontement de classe. A ce propos, il est intéressant de rappeler qu’il fut parmi les premiers à lutter fermement pour défendre l’existence du parti, ses caractéristiques marxistes-léninistes, en un mot la nature de classe et la fonction révolutionnaire du Parti Africain de l’Indépendance (PAI-Sénégal). Il vint au parti très jeune, dés l’université de Dakar qu’il fréquentait.
Mamadou DIOP mena son action révolutionnaire avec fermeté, discipline, détermination, sans grands mots, avec modestie, dans les quartiers populaires, au contact des humbles, de la classe ouvrière. Dans le même temps, en tant qu’éducateur, il développa une action syndicale de grande envergure parmi ses collègues enseignants.
Au vrai sens du mot, Mamadou DIOP fut un intellectuel révolutionnaire, patriotique, communiste. Ses qualités de dirigeant qui s’affirmèrent au fil des ans à tous les niveaux où s’élaboraient, se décidaient les lignes d’interventions du parti, l’avaient conduit tout naturellement à la direction principale de notre parti qu’était le Comité Central.
Mamadou DIOP avait une prédisposition pour les questions sociales auxquelles il s’était toujours intéressé tant par son activité syndicale que politique. Ainsi, il contribua à donner une impulsion fondamentale à l’élaboration des orientations sociales de notre parti. MOMSAREV, notamment le «Daandoole Ndakaaru» lui devait beaucoup sur ce plan.
En outre, Mamadou DIOP s’était révélé être un journaliste, un chroniqueur de talent. A ce propos, nous aimerions préciser ici qu’il fut l’auteur de l’étude sur les modes de calcul des heures supplémentaires publiés dans «Daandoole Ndakaaru» de novembre 1976.
Ces modes de calcul d’heures supplémentaires furent et sont encore de nos jours le bréviaire de beaucoup de délégués de personnel. Ils impressionnèrent et troublèrent profondément le patronat étranger.
Le camarade Mamadou DIOP connaissait, dans ses moindres détails, le code du travail. Il en était de même des problèmes fonciers.
Ainsi, il était particulièrement habile à démontrer les grandes combines des corrompus et des spéculateurs fonciers qui font main basse non seulement sur les terres à bâtir, mais aussi détournent impunément à leur profit des sommes énormes extorquées au peuple travailleur et qui devaient être destinées à l’habitat populaire.
Voilà quelques facettes de ce grand camarade disparu, un camarade convaincu de la cause du P.A.I – Sénégal : l’indépendance nationale, le socialisme.
L’exemple du camarade Mamadou DIOP est instructif à plus d’un titre pour les générations montantes, pour l’intelligentsia populaire, pour les patriotes et révolutionnaires sénégalais.
Sa jeune femme Fatou DIOP, a soutenu et suivi son mari dans son action militante. Elle fut élue première responsable de l’Union Démocratique des Femmes sénégalaises (U D F S).
La XIIe session plénière du comité Central de 1979 prit d’importantes mesures pour renforcer les capacités directionnelles du parti à tous les niveaux et lança une vaste campagne de recrutement de nouveaux militants. La session porta une grande attention au travail de masse des militants. Cela a permis de mener une grande offensive contre le syndicalisme affairiste de la direction de la C.N.T.S, de renforcer le syndicalisme enseignant, de mener à bien la lutte contre les menées de désagrégation des groupuscules maoïstes et autres gauchistes à l’U.T.L.S, au S.U.D.E.S, dans les organisations de masse des quartiers.
Le Secrétaire Général adjoint du PAI - Sénégal A. Dansokho s'entretenant avec un groupe de camarades lors d'un séminaire d'éducation organisé à Dakar en 1980. On aperçoit également à droite de la photo, près de la table, le camarade Samba Diouldé Thiam, membre du Bureau politique du PAI - Sénégal.
La Conférence Nationale du parti tenue le 29 juillet 1979 a fait le bilan de la campagne de recrutement. La déclaration de cette conférence révélait et condamnait publiquement pour la première fois la tutelle du FMI et de la Banque mondiale sur le destin de la nation.
Le 5 août 1979 se tenait à Kaolack la première conférence de l’Union de la Jeunesse Démocratique Alboury NDIAYE (U.J.D.A.N.), organisation démocratique de jeunesse nouvellement créée et affiliée au parti. Le camarade Sémou Pathé GUEYE fut élu comme Secrétaire Général de l’UJDAN.
Le parti, devant l’aggravation des conditions de vie et- de travail des populations laborieuses du fait du plan de redressement économique et financier dicté par la Banque Mondiale et le F.M.I., organisa une vaste campagne parrainée par Mamadou DIOP en mars – avril 1980 qui eut un vaste écho dans le monde du travail et effraya le pouvoir. Il fit circuler la rumeur selon laquelle le parti préparait un coup d'Etat. La lutte contre la direction affairiste et corrompue de La C.N.T.S et contre la Loi 80.01 prit de l’ampleur.
Cela contribua puissamment à cristalliser le mouvement du Renouveau Syndical au sein de la C.N.T.S. D’un autre côté, les enseignants au sein du S.U.D.E.S s’engagèrent dans la lutte pour la défense de l’Ecole et de la fonction enseignante. Le parti prit la défense des habitants des quartiers populaires urbains contre la politique de destruction au profit des spéculateurs fonciers et immobiliers. Il commença à s’implanter dans le monde rural et à approfondir la réflexion autour de ses problèmes.
Sur le front idéologique et théorique, le parti se dotait d’une revue théorique marxiste, avec la première parution de GESTU en août 1980 ayant comme Directeur de publication le camarade Amath DANSOKHO et comme Rédacteur en chef le camarade Sémou Pathé GUEYE.
C’est dans ce contexte de luttes exacerbées contre la politique anti nationale et anti populaire de Senghor que l’impérialisme procéda au remplacement de Senghor par Abdou DIOUF par le biais de l’article 35 de la constitution, préalablement remaniée à cette fin.
L’impérialisme entendait ainsi frustrer le peuple sénégalais des fruits de sa lutte multiforme et recomposer la base sociale du néocolonialisme.
Le programme d'action de la XVIIe session plénière du CC du 29 Décembre 1980 publié à l’occasion du départ de Senghor visait à éclaircir la situation pour couper court aux illusions et à l’attentisme dans lequel s’installèrent certains secteurs de l’opposition et de l’opinion publique.
Le nouveau pouvoir entreprit rapidement des concessions aux plans de certaines revendications sociales des travailleurs et de la démocratie, mais dans l’optique d’en récupérer le crédit politique tout en maintenant intactes ses orientations socio-économiques au service des monopoles étrangers et de la minorité anti nationale corrompue. Les Etats Généraux de l’Education et de la formation furent convoqués dés janvier 1981. Le pluralisme intégral fut rétabli et une Loi réprimant l’enrichissement illicite votée, mais reste, à nos jours, lettre morte.
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