Rétrospective : Discours du Docteur Asagyesfo Kwame Nkrumah président de la république du Ghana au sommet de l’OUA le 24 mai 1963 (10ème partie)
«.. Du fait que nous n’avons pas de barrières douanières et monétaires pour avoir été soumis aux différents systèmes monétaires des puissances étrangères, la fissure qui nous sépare en Afrique s’est automatiquement élargie. Comment, par exemple, des communautés apparentées et des familles liées par des liens commerciaux peuvent-elles s’aider l’une l’autre avec succès si elles sont divisées par des frontières nationales et des restrictions monétaires ? Le seul moyen qui leur est offert dans ces conditions est d’employer des devises de contrebandes et d’enrichir des rackets et des escrocs internationaux qui prospèrent sur nos difficultés financières et économiques.
Aucun Etat africain indépendant n’a aujourd’hui par lui-même la possibilité de suivre une voie indépendante de développement économique, et plusieurs d’entre nous qui s’y sont efforcés ont été presque ruinés ou ont dû se laisser ramener au bercail de leurs anciens maîtres coloniaux. Cette situation ne changera pas tant que nous n’aurons pas une politique unifiée opérant sur le plan continental. Une première démarche vers une économie cohérente devrait consister en la création d’une zone monétaire unifiée, débutant par un accord sur la parité de nos monnaies. Pour faciliter cet arrangement, le Ghana accepterait d’adopter le système décimal. Lorsque nous constaterons que notre accord sur une parité fixe commune fonctionnera avec succès, il semble qu’il n’y aura aucune raison pour ne pas créer une monnaie commune et une seule banque d’émission. Lorsque nous disposerons d’une monnaie commune émise par une seule banque d’émission, nous devrions être capables de tenir par nos propres forces, car un tel arrangement serait pleinement appuyé par le produit national combiné des Etats qui composent notre union. Après tout, le pouvoir d’achat de la monnaie dépend de la productivité et de l’exploitation productive des ressources naturelles, humaines et physiques de la nation.
Tandis que nous assurerons notre stabilité par un système de défense commune et que notre économie sera orientée en dehors de toute domination étrangère au moyen d’une devise commune, d’une zone monétaire et d’une banque centrale d’émission, nous pourrons déterminer si nous possédons le plus vaste potentiel d’énergie hydro-électrique et si nous pouvons l’exploiter, ainsi que les autres sources d’énergie, au bénéfice de nos propres industries.
Nous pourrons commencer à dresser le plan de notre industrialisation à l’échelle du continent et à construire un marché commun pour près de trois cent millions d’êtres humains. Cette planification continentale commune, au service du développement agricole et industriel de l’Afrique, est une nécessité vitale. Tant de bénédictions doivent provenir de notre Unité, tant de désastres doivent découler du maintien de notre désunion, que si nous ne parvenons pas aujourd’hui à nous unir, cet échec ne sera pas imputé par la postérité uniquement à un défaut de raisonnement lié à un manque de courage, mais au fait que nous avons capitulé ayant les forces conjuguées du néo-colonialisme et de l’impérialisme. L’heure de l’histoire qui nous a amenés dans cette assemblée est une heure révolutionnaire.
C’est l’heure de la décision. Pour la première fois, l’impérialisme économique qui nous menace se voit lui-même jeter un défi par l’irrésistible volonté de notre peuple. Les masses des peuples d’Afrique crient vers l’Unité. Les peuples d’Afrique exigent que l’on abrite les frontières qui les divisent. Ils exigent entre des Etats africains frères, la cessation des litiges de frontières qui proviennent des barrières artificielles dressées par un colonialisme qui avait l’intention formelle de nous diviser. C’est sa volontéqui nous a laissé en proie à cet irrédentisme de frontière et qui a repoussé notre fusion ethnique et culturelle. »
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