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L’IMPERIALISME ET LA FAILLITE DU SYSTEME POST-COLONIAL : Le cas du Sénégal. (Etude des Plans d’Ajustement structurel et leurs conséquences)

 

            1998/1999 a été caractérisé par la lutte de classe patriotique du mouvement ouvrier syndical contre la privatisation des entreprises stratégiques du secteur public par le pouvoir semi colonial d’Abdou Diouf. C’est la plus grande bataille contre les privatisations sur le continent africain. Le SUTELEC soutenu par l’UNSAS, la CSA et des syndicats de base de la CNTS, dans un contexte international, continental et national défavorable, a freiné au possible, le projet initial de privatisation totale de la SENELEC. Rappelons que la quasi totalité des députés apatrides de l’Assemblée Nationale a voté la privatisation exigée par les prédateurs du FMI et de la BM. Le combat contre la recolonisation des pays africains est à l’ordre du jour.

 

Après 1945, les grandes grèves des cheminots, de la classe ouvrière furent décisives pour obtenir les indépendances. Le retour au devant de la scène du mouvement ouvrier, comme l’avant garde du patriotisme, de la souveraineté et de l’indépendance nationale, annonce son futur rôle politique. Seule la conquête du pouvoir politique par la classe ouvrière et ses alliés peut mettre fin à l’hypothèque qui plane sur l’avenir des sénégalais d’aujourd’hui et de demain. C’est l’enjeu que pose la politique d’abandon des intérêts nationaux du régime semi colonial PS d’Abdou Diouf et de tous ceux qui considèrent dans le sillage des libéraux que « le FMI et la BM sont incontournables ». C’est cette politique apatride et ses conséquences socialement désastreuses que nous décrivons dans ce texte analytique des Plans d’Ajustement Structurel entre 1979 et 1994,  date de la dévaluation de la monnaie coloniale le CFA en vue des privatisations-bradage.

 

Aujourd’hui après deux alternances libérales, les politiques du PS, du PDS et de l’APR et des différentes coalitions dans lesquelles les partis de la gauche historique se sont englués ont fabriqué une élite de milliardaires voleurs de l’argent public, un clientélisme politique affairiste, un délitement des valeurs morales, de l’éthique sociale et une aggravation de la dépendance à l’impérialisme symbolisé par la signature des APE et les « waxeet » présidentiels. Cette situation édifie les travailleurs et le peuple sur la nécessité d’une alternative que seule la reconstitution de notre famille politique, la Gauche antilibérale, panafricaine, anti-impérialiste, internationaliste et communiste sans et contre l’opportunisme et le réformisme peut et doit prendre en charge.  

 

Le 16 août 1993, le premier ministre du Sénégal, Habib THIAM, dans sa déclaration télévisée, annonçait qu’ « il est dans la vie d’une nation des moments où se joue son destin (...), la satisfaction des besoins primaires de l’Etat... absorbe l’essentiel du capital interne de créativité et d’imagination. L’empire tyrannique de la gestion à court terme éclipse alors l’éclairage des perspectives du moyen et du long terme. Le développement est ainsi ajourné par la force des choses : l’horizon économique, alors obstrué, affecte l’image d’un Etat aux finances disloquées focalisant paradoxalement une forte attente sociale »(Soleil du 17/08/1993). Ce diagnostic explosif du désastre dans lequel le pouvoir semi-colonial du PS-PIT-LD-PDS/R aura conduit le Sénégal est dressé dans le but de susciter « un réel effort de mobilisation de toutes les potentialités nationales, notamment au plan financier » parce que « l’accès aux ressources financières extérieures, indispensables tant les besoins sont importants, est étroitement lié à la qualité des politiques de développement, aux capacités internes de gestion, au respect des engagements souscrits, mais également à la crédibilité des programmes financiers...» (idem). C’est en ces termes éloquents qu’était justifiée la soumission au diktat libéral des institutions de Bretton Woods.

 

C’est en 1979 qu’est inaugurée l’intervention du FMI et de la BM dans notre pays et du même coup sur le continent africain. Sur le plan international, c’était à l’aube d’une sérieuse crise de l’endettement dont la manifestation fracassante fut la menace du Mexique de ne plus s’acquitter du paiement de sa dette et des intérêts de celle-ci. C’est aussi l’époque du « second choc » pétrolier après le premier de 1973. Au Sénégal, les élections de 1978 annonçaient le début de la fin du pouvoir néocolonial de L.S. Senghor en perte de vitesse.

 

Les Etats africains avaient bénéficié dans le cadre des indépendances formelles des largesses sous forme de prêts intéressés de leurs maîtres impérialistes qui s’appuyaient sur des économies capitalistes dites de « consommations » relativement prospères que la crise générale du système capitaliste commençait à remettre en cause après les coups de semonces annonciateurs de mai 1968. L’économie paysanne de rente était la « vache laitière » des Etats nouvellement indépendants. Mais la crise de surproduction de l’économie du monde capitaliste devait entraîner la « détérioration des termes de l’échange » et bientôt débuta une crise de l’endettement prétexte aux interventions du FMI et de la BM.

 

Au Sénégal, « jusqu’en 1986, les taux de croissance respectifs sont de 2,5 % pour le PIB et de 3,95 % pour la consommation (2,6 % pour la consommation privée, 3,9 % pour la consommation publique) » (Maktar Diouf, politique africaine, N°45 - 1993). La part de la consommation dans le PIB est allée croissante, passant de 87% en 1977 à 99% en 1979 avant de dépasser pour la première fois, depuis les indépendances, en 1980/81 le PIB. Or dans cette période « la croissance du PIB a été négative 7 années sur 16, la croissance de la consommation privée 6 fois et celle de la consommation publique 2 fois » (idem).

 

C’est une telle situation qui est utilisée par les institutions de Bretton Woods pour calomnier notre peuple en disant que « les sénégalais consomment ce qu’ils ne produisent pas ». C’est une telle situation qui est instrumentalisée pour justifier les quatre plans d’ajustement successifs que notre pays a subi depuis 1979. Officiellement, il s’agissait en 1979 d’un « plan de stabilisation à court terme » par des mesures budgétaires (PAS), puis de 1980 à 1985 de « l’assainissement des finances publiques » (PREF), de 1985 à 1992 des « réformes structurelles de rétablissement des équilibres macro-économiques » (PAMLT) et enfin depuis 1993 du « plan d’urgence pour rétablir les finances publiques ».

 

Faire payer par le peuple les dettes des PAS

 

Le FMI et la BM dictaient à Senghor, dans le cadre de l’année budgétaire juillet 79/juin 80, des mesures cherchant à améliorer le rendement des recettes de l’Etat par des dispositions fiscales par un élargissement de la TVA(impôt que pauvres et riches payent), la hausse des taux douaniers et la baisse des dépenses de fonctionnement de l’Etat. Ainsi le premier prêt d’ajustement en Afrique fut accordé à l’occasion de l’entrée en vigueur du PREF. Ce prêt coïncidait avec le sixième plan marqué par la mise en exécution du diktat du FMI et de la BM concernant la réduction des subventions Etatiques aux denrées vitales de consommation que sont le riz, l’huile et le sucre. Ce diktat allait se traduire par de fortes hausses de prix en 1980 et 1983, en plus de la fermeture des internats des lycées jetant ainsi à la rue les enfants des paysans et des pauvres. Le PREF introduisait aussi une subvention à l’exportation de 10%, ce qui fait dire à Maktar Diouf, professeur d’économie à Dakar, que « ces mesures sont censées correspondre à une dévaluation de 15 % ».

 

Les contrats plans sont un autre volet du PREF, qui, copiés sur la gestion social-démocrate libérale de Mitterrand en France, consacraient le désengagement de l’Etat du secteur parapublic. La conséquence la plus visible fut la dissolution de l’ONCAD qui avait 5000 employés. Senghor ne répétait-il pas comme un perroquet suite à sa reconversion au libéralisme en 1976, que « les entreprises publiques à caractère industriel et commercial ainsi que les sociétés d’économie mixte qui persisteront à faire des déficits seront supprimées ou privatisées » (Afrique Industrie). Les mesures très médiatisées telles la prétendue fermeture de 23 ambassades, la réduction du parc auto et des dépenses en essence de l’Etat de 40 % ou du nombre de coopérants de 150 unités, ne furent que de la poudre aux yeux cachant des licenciements massifs, notamment à l’ONCAD qui laissa par ailleurs une ardoise de 94 milliards de francs CFA de dettes à l’Etat. Les ambassades furent toutes ré-ouvertes dès 1989.

 

En 1985, lorsque démarre le PAML, le Sénégal comptait 180 entreprises publiques et parapubliques. Le « moins d’Etat, mieux d’Etat » fut le slogan d’A. DIOUF en écho à ses maîtres impérialistes du FMI et de la BM et en écho à la reconversion au libéralisme de Senghor dont il fut 10 ans durant le premier ministre. Le désengagement de l’Etat par la suppression de 50% des subventions au secteur public et la privatisation connut un tournant nouveau par la création du poste de délégué à la restructuration du secteur parapublic avec rang de secrétaire d’Etat. Il est ainsi décidé le gel des salaires dans le but de ramener la part de la masse salariale dans le budget de fonctionnement de 52 % à 49 % et l’arrêt du recrutement dans la fonction publique, prélude à la politique dite de « départs volontaires ». Ainsi par tous les moyens le pouvoir semi-colonial cherche à accroître ses recettes aux dépens des masses laborieuses. Dans ce but, sont instituées l’augmentation du timbre du passeport contre laquelle se sont dressés les émigrés (UTSF/AR) et les étudiants, la taxe d’aéroport de 4000 Francs CFA qui n’existe que dans les pays sans devises convertibles, et les charges fiscales sur les immatriculations des voitures. En plus, le pouvoir a imaginé de toute pièce des taxes et cotisations spéciales que sont l’IRPP, extension de la TVA, le timbre douanier à 3%, la contribution des fonctionnaires au fond national de retraite (IPRES) qui lui ont rapporté 43 milliards de francs de recettes.

Selon les chiffres officiels du gouvernement lui-même le déficit budgétaire de l’Etat a été ainsi ramené de moins 74,5 milliards CFA à moins 28,1 milliards CFA entre 1980/81 et 1985/86, soit une baisse du déficit de 62 %. Ce résultat a été obtenu en réalité parce que « le prix à l’importation du riz ayant baissé de 30%, le prix de vente au consommateur (sénégalais) a été relevé de 63% dans la période 1981/86 ; de même pour les produits pétroliers, le prix à l’importation du brut ayant baissé de 44 %, les prix de vente à la pompe aux consommateurs (sénégalais) ont été relevés de 50% dans la même période » (Maktar Diouf). Ainsi la fiscalité indirecte a fait baisser la consommation des ménages dans le PIB de 80,2 % à 77,5 % alors que celle de l’Etat est restée au même niveau, à 19,9 % du PIB dans la même période 1980/85. Pendant ce même laps de temps, les charges d’intérêt sur la dette extérieure du pays ont augmenté de 300%. Il apparaît dès lors que le trou sans fond de l’économie et des finances publiques sénégalaises est creusé par les deux prédateurs voraces que sont les créanciers impérialistes et le gouvernement débiteur d’Abdou DIOUF, lequel exécute docilement le diktat du FMI et de la BM.

 

On peut illustrer le maintien à niveau des dépenses de l’Etat par le fait qu’en « 8 ans, 56 ministres et secrétaires d’Etat ont quitté le gouvernement... un ministre qui quitte le gouvernement continue pendant 6 mois à bénéficier de son salaire et de son logement de fonction ; le nombre de ministres a augmenté … avec des duplications et des chevauchements... En 1983, le nombre de députés est passé de 60 à 120, et le bureau de l’Assemblée Nationale a augmenté de 33%, en 1986, l’indemnité journalière de mission des grands corps de l’Etat (ministres, secrétaires généraux...) est augmenté de 33% ‘ du fait du coût de la vie particulièrement élevé dans certaines régions’ » (journal officiel, 11/12/86); dans le budget 1988/89, il est prévu une nouvelle mesure de dépenses une somme de 1 milliard 250 millions de CFA pour « relever le taux de chancellerie de nos ambassades (journal officiel, 30/07/88) » (Maktar Diouf, idem). Il faut ajouter les postes de sinécures dans les entreprises publiques et parapubliques spécialement conçus pour les dignitaires de la caste gouvernementale élargie d’abord au PDS et au PIT puis ensuite à la LD/MPT.

 

Parallèlement, les travailleurs et le peuple vont subir un véritable racket des carnassiers rongeurs que sont l’Etat semi-colonial et ses créanciers-usuriers impérialistes par le creusement incessant d’un gouffre entre les prix à la consommation et les salaires. Dès 1979, avec les plans d’ajustement «l’indice des prix à la consommation en milieu africain augmente de 7,2 % compte tenu des hausses survenues sur les prix de l’huile (22 %) et du sucre (15%) »  note Maktar Diouf alors que le salaire horaire n’augmente que de 4,5%. Dans la période 1980/89, couvrant le PREF et une partie du PAMLT, « le prix du ticket d’autobus augmente de 126%, le tarif de l’eau de 72,5%, le tarif du courant de 69,6% » (Maktar Diouf citant un rapport de la BERG de 1990). Cette accélération de la hausse des prix induit une « baisse du salaire réel de 18% pour les travailleurs payés au SMIG, de 40% dans la fonction publique pour les cadres, y compris les enseignants » (idem).

 

Cette tuerie sociale s’appuie sur l’idée saugrenue, maintes fois reprise en refrain par les promoteurs impérialistes des PAS, selon laquelle « les salaires sont trop élevés au Sénégal compte tenu de la productivité du travail très faible ». Ils sont allés jusqu’à dire avec le cynisme qui les caractérise que « le salaire de base au Sénégal est égal à celui du Portugal, où la productivité est plus élevée ». Ces messieurs bien repus du FMI et de la BM, les yeux braqués sur les maigres salaires des travailleurs de notre pays, et à partir des bureaux feutrés de Washington, Londres, Tokyo, Bonn et Paris, imposent aux valets serviles du pouvoir PS de Dakar que la « masse salariale en théorie de 125 milliards CFA, mais en réalité de 133 milliards CFA, doit être réduite de 25% en 4 ans » (document de la Caisse Centrale de Coopération Française-CCCF- de 1992). Ces grands seigneurs régisseurs autoproclamés des affaires du monde menacent de couper les vivres à l’Etat semi-colonial PS et de lui refuser tout rééchelonnement de sa dette. En effet le pouvoir semi-colonial avait déjà obtenu 9 rééchelonnements de sa dette, ce qui a réduit la part des arriérés de la dette inférieure et extérieure dans les recettes fiscales de l’Etat sénégalais de 50% à 35%. Les gouvernements de collaboration sous la présidence d’A. DIOUF sont complètement esclaves des bailleurs de fonds du fait même de la politique irresponsable d’endettement qui fait qu’aujourd’hui le budget national dépend à 50% des financements extérieurs.

 

On peut s’étonner que même les entreprises privées ne sont pas épargnées par cette recherche effrénée de recettes fiscales. Le syndicat professionnel patronal des industries du Sénégal (SPIDS) note qu’en 1991 « l’impôt sur les sociétés a connu une hausse de 78%... et sur les 78 entreprises qui la composent, sa contribution fiscale et financière annuelle est de 117 milliards CFA » (Wal Fadjiri du 18/08/93) sur un budget total de l’Etat de 260 milliards CFA en 1991.

 

Cette pression fiscale de l’Etat sur les entreprises, surtout à partir de 1989/91, résulte de l’impasse dans laquelle s’est peu à peu trouvée cette hystérie pour les recettes fiscales directes et indirectes sur le dos du peuple et du pays. La CCCFrançaise dans son document de 92, signale la baisse de la part des recettes fiscales dans le PIB de 21 % en 1981 à 14 % en 1989. Les recettes fiscales qui forment 80% des recettes totales de l’Etat s’effondrent en pourcentage du PIB de 16,8 % en 84/85 à 13,7 % en 89/90. En juin 1991, sur un objectif de 323 milliards CFA de recettes prévues seulement 260 milliards CFA furent réunis. Sur le premier trimestre de l’exercice budgétaire 1990/91, il est enregistré une moins value de 3,4 % et le cumul des moins values atteint au long de l’exercice 11,8 milliards CFA.

 

Le dépouillement complet des masses laborieuses du pays par une politique libérale qui les a pressurées au point que l’Etat ne pouvait plus rien en tirer par la fiscalité est aussi doublée par la fraude fiscale organisée par les hommes du pouvoir eux-mêmes. Ainsi « 20 à 30% seulement des produits importés payaient l’intégralité des droits » écrit Maktar Diouf. Ce que confirme la CCCFrançaise qui estime la fraude fiscale au tiers des recettes douanières. L’Etat semi-colonial n’a pas hésité à renflouer sa caisse sans fond en prélevant des contributions non fiscales. C’est le cas de la Société de raffinage (SAR) qui a été forcée de lui verser 12,5 milliards CFA. L’Etat a encaissé en plus les recettes des privatisations principalement au profit des firmes impérialistes et de l’accord de pêche avec la CEE pour qu’elle continue de piller nos richesses halieutiques. Au bout du compte, malgré ces « trucs » de l’Etat, cet exercice budgétaire se termine avec 15 milliards CFA d’arriérés intérieurs, 58 milliards d’arriérés extérieurs et un solde négatif de 19,5 milliards CFA, loin du solde négatif de 5,6 milliards CFA fixé par le Club de Paris lors du rééchelonnement accordé au gouvernement sénégalais. L’on se souvient qu’en 1988, le pouvoir libéral PS annonçait un taux de croissance annuel du PIB de 4% pour 1987/88. Ce qui lui valut d’être auréolé du label de « bon élève de l’ajustement » par les institutions de Bretton Woods. Mais cette fraude fut démasquée par une mission de la BERG qui révisa cette prétention fanfaronne à la baisse. La triste réalité est qu’en 1990, le taux de croissance du Sénégal semi-colonial était de 1,9 % au lieu des 3,2 % annoncés, avant d’avoisiner depuis lors zéro.

 

LE SENEGAL, UN MARCHE DE TRAITANTS,

DE COMMERCANTS ET DE GERANTS !

 

Les PAS, au lieu de l’équilibre et de la relance économique tant chantés, détruisent les différents secteurs des économies africaines et notamment sénégalaise. Sur le plan du secteur primaire, la Nouvelle Politique Agricole (NPA) dictée par les institutions financières internationales dont l’essence est le « désengagement de l’Etat » se caractérise par la suppression du programme de dotation en machines agricoles des 4472 sections villageoises créées à ce jour. L’Etat a sacrifié ainsi les sociétés d’encadrement dans le monde rural qui avaient foisonné un moment après la liquidation de l’ONCAD. C’est ainsi que la Société Nationale d’Assistance au Monde Rural (SONAR) et la Société de Terres Neuves (STN) furent dissoutes en 1985 et en 1987. La Société de Développement et de Vulgarisation (SODEVA) devait licencier 75% de son personnel en 5 ans. La Société de Mise en Valeur de la Casamance (SOMIVAC) et la Société de Développement Agricole et Industrielle (SODAGRI) devaient fusionner et se restructurer en jetant à la rue des pères de famille. La gestion et la vente des engrais et des semences sont passés directement entre les mains des huileries avec l’arrêt des subventions étatiques aux facteurs de production, ce qui multiplie par quatre la charge des paysans.

 

Déjà, avant même la suppression des subventions, seules 10% des terres cultivées étaient à l’engrais. La propagande gouvernementale selon laquelle « l’agriculture est la priorité des priorités » se révèle être un mensonge grossier. La privatisation de l’accès aux intrants dans un pays où, le secteur agricole occupe les 2/3 de la population, soit 61% de l’emploi (1.438.000 emplois), qui produit 22% du PIB (ou encore 23% PNB dont la pêche 2%, forêt 1%) et fournit 40% des recettes d’exportation est une grave aberration contre l’intérêt national.

 

Les conséquences sont une baisse de 25% des semences sélectionnées, baisse de la couverture des besoins céréaliers de 15% et la hausse des importations de céréales dont le riz qui passe de 252.000 tonnes en 87 à 317.000 tonnes en 89. En 1989/90, la SONACOS opte pour l’exportation de l’huile brute au détriment de l’huile raffinée dont la production destinée à la consommation locale est réduite de 40%, ce qui renchérit le prix pour le peuple. La campagne agricole 1990/91 a vu baisser la production d’arachide de 16,8% pour les huileries et de 3,1% pour l’arachide de bouche. Le marché de l’arachide a subi un déficit de 7 milliards CFA en 1992. La production de coton s’est accrue de 36.000 tonnes, donc une hausse de 22,9% en 1990/91 par rapport à 1989/90. Il y a eu accroissement des surfaces cultivées du coton aux dépens de l’arachide dont le prix est bas, mais le rendement moyen du coton a baissé et le marché cotonnier a perdu 7 milliards cfa en 1992. La production locale du riz destinée à la consommation des pays impérialistes a perdu 3 milliards cfa en 1992. La production vivrière a chuté de 10,8% avec pour le fonio une baisse de 29% et pour le mil une baisse de 11%. Au total la Caisse Centrale de la Coopération Française (CCCFrançaise), dans son rapport de 1992, note un déficit céréalier au Sénégal de 90.000 tonnes en 1991. Autant dire que le pays s’achemine tout droit vers la famine et connaît déjà la disette. La campagne est dorénavant mise sous la coupe de la banque agricole (CNCA) qui pratique des taux d’intérêt usuriers de 15%.

 

Ce désastre criminel résulte de la NPA dont le but est, selon la CCCFrançaise « le rééquilibrage général du secteur agricole pour dégager des excédents au profit de l’Etat ». Pour réaliser ces « excédents au profit de l’Etat », les bailleurs de fonds (France, BM, FMI, CEE, USAID) ont imposé au gouvernement PS-PDS-PIT de 1992, l’adoption d’une « déclaration de politique de développement agricole » (DPDA) qui conditionne un prêt d’ajustement sectoriel agricole (PASA) qui se fixe comme objectif « la privatisation de la filière arachidière et l’augmentation du prix du riz à la consommation » (idem CCCF, 1992).

 

La Nouvelle Politique Industrielle (NPI) et la situation de l’emploi sont un autre aspect catastrophique des PAS. Le démantèlement à partir de 1986 des protections tarifaires devait entraîner la faillite de pans entiers de la fragile industrie sénégalaise, notamment dans le textile, les cuirs et les peaux avec une perte de plus de 5000 emplois. C’est la logique libérale du FMI et de la BM du désarmement tarifaire, de la déréglementation, la concurrence et le désengagement de l’Etat qui débouche ensuite sur la privatisation des participations de l’Etat dans les entreprises publiques et parapubliques et à la liquidation du code du travail.

 

Au milieu des années 80, le nombre de chômeurs était estimé à 20% de la population active alors que le marché de l’emploi s’accroît chaque année de 70.000 à 100.000 nouveaux candidats par suite de leur exclusion du système scolaire. Le secteur industriel contribue pour 20% du PIB, alors que le salariat ne concerne au Sénégal que 5,22 % de la population active. Selon la Banque Mondiale, le nombre de chômeurs diplômés varie entre 3.000 et 5.000 par an. Déjà entre 1971 et 1981, période antérieure à la NPI, 1.787 emplois permanents et 50% des effectifs saisonniers avaient été perdus.

 

Le recrutement dans la fonction publique dont l’effectif augmentait de 5% par an, était le recours pour atténuer ce fléau mortel qu’est le chômage. Mais avec les PAS, de janvier 1981 à janvier 1989, près de 20.000 emplois furent sacrifiés sur l’autel des exigences libérales du FMI et de la BM, soit 14% de la population salariée. Il est prévu de mettre au chômage le tiers des effectifs de la fonction publique. Il y a plus d’une centaine de médecins au chômage. Pourtant, seuls 12 ont été recrutés pour remplacer 22 partants (décès, retraite, « départs volontaires »). Alors que la norme fixée par l’OMS est d’un médecin pour 3.000 habitants, le Sénégal ne compte qu’un médecin pour 50.000 habitants. Le budget de la santé depuis les indépendances n’a jamais dépassé 6% du budget total. De 1980 à 1988 « pour 10.000 habitants, le nombre de lits d’hôpitaux est passé de 7,7 à 6,6 ; le nombre de médecins de 4,9 à 3,5. Le nombre d’infirmiers publics de 3,2 à 1,7 » (Ministère de la santé publique, 1988, cité par Maktar DIOUF). Le nombre de médecins a chuté de 7,1 pour 1000 en 1970 à 5,2 pour 1000 en 1990, alors que les dépenses par habitant pour la santé en moyenne de 815 CFA en 1970, s’effondrent à 384 CFA en 1990.

 

L’éducation et la formation n’échappent pas non plus au naufrage en cours : « De 1981 à 1990, la part de l’éducation dans le budget est restée à peu près constante (23% au maximum). Dans le même temps le taux de scolarité des enfants de 7 à 12 ans progresse de 12 points » indique Maktar DIOUF. Paradoxalement le taux horaire hebdomadaire par élève est tombé en moyenne de 28 heures à 20 heures. Cette chute est due à l’introduction des « classes à double flux » et des « classes multigrades » imposées par la BM dans le but de réduire le coût unitaire de la dépense d’éducation. Ainsi selon Maktar DIOUF, citant des spécialistes de l’enseignement élémentaire, « l’école élémentaire au Sénégal remplit actuellement davantage une fonction de simple alphabétisation, qu’une fonction d’instruction ». Cet avis est partagé par de nombreux spécialistes.

 

En fait, l’école reflète le creusement d’un gouffre entre les riches et les pauvres du Sénégal. L’école publique est désormais réservée aux pauvres. Les riches envoient leurs enfants au privé si ce n’est carrément en Europe ou aux Etats-Unis. Cette polarisation de classes n’est pas le fait du hasard. Examinons de près l’Université de Dakar. Signalons tout d’abord que seuls 2% d’une classe d’âge accèdent au Sénégal à l’enseignement supérieur. La capacité d’accueil de l’Université de Dakar est de 3.500 étudiants ; aujourd’hui elle compte 25.000 inscrits. Le journal Le Monde du 7 janvier 1993 nous apprend que le taux d’échec en première année est de 87%. Le département d’économie compte 6.000 étudiants. Le manuel de base en économie à la bibliothèque universitaire date de 1979. Le nombre d’exemplaires est de 27 pour l’ensemble des étudiants du département. Alors que la norme internationale de la part du budget des universités pour l’achat de livres est de 5%, celle-ci est de 0,6% à Dakar. Pour ce qui est du département de géographie, le budget de fonctionnement (hors salaires) est de 1,5 millions de Francs CFA. Cela représente le financement d’une classe de neige (durée moyenne de 8 jours) d’un collège français. Par ailleurs le rapport de la Berg indique que « les dépenses publiques réelles par habitants pour l’éducation et la santé ont stagné dans la période de 1980 à 1985, avant de baisser de 25% dans la période de 1985 à 1989 » (cf. Maktar DIOUF cité plus haut)). Une des conséquences graves est que « le nombre de publications des chercheurs sénégalais est resté inchangé entre 1975 et 1985, alors que les chercheurs sont deux fois plus nombreux » (in Le Monde du 07/01/93).

 

Le massacre va se poursuivre par l’intermédiaire du programme de la BM appelé « programme de développement des ressources humaines » (PDRH 1 et 2). L’idée de base est définie comme suit : « l’Etat (sénégalais) doit disposer de ressources extérieures moindres, une partie sensible du financement des programmes incombera aux populations bénéficiaires, qu’il s’agisse de la santé (réduction de la liste des médicaments essentiels, participations populaires au fonctionnement des formations sanitaires) ou de l’enseignement » (cf. CCCFrançaise, document 92). Et « la nouvelle loi de décentralisation qui transfert aux communautés rurales d’importants pouvoirs auparavant détenus par l’appareil exécutif offre un cadre intellectuel et institutionnel à ces programmes largement imprégnés de l’idée de régionalisation » (idem). En clair cela signifie que dans un avenir proche, l’Etat sénégalais est invité à se débarrasser partiellement voire totalement de l’enseignement et de la santé. Les dépenses afférentes à ces postes seront dès lors à la charge des régions et des populations. Ce processus est l’essence même de la « régionalisation » tant vantée par Abdou DIOUF lors de la dernière campagne électorale. Belle manière, en effet d’alléger le budget de l’Etat pour l’orienter vers le paiement de l’exigence mafieuse qu’est la dette des financiers impérialistes.

 

Le « moins d’Etat, mieux d’Etat », lancé par Abdou DIOUF dans les années 80 a été aussi une politique de débauchage systématique visant l’effectif salarié de l’Etat qui est le plus gros employeur du pays avec 70.000 agents dans l’administration et 22.000 dans le parapublic. Les licenciements les plus massifs venaient de là. La Caisse Centrale de Coopération Française notait 65.000 salariés dans les deux secteurs au 30 juin 1990. C’est-à-dire que 20 à 30.000 « départs volontaires » indemnisés à concurrence de 4 milliards 250 millions de francs CFA étaient mis à la porte. Et pourtant au même moment, 2.000 agents étaient recrutés et émargeaient au budget de l’Etat. Faut-il rappeler qu’une constante politique au Sénégal est l’attribution d’un emploi sur la base du clientélisme politique et familial. Aussi pendant que certains étaient virés, d’autres étaient embauchés par le PS.

 

Toutefois, les chefs d’entreprises qui ont fait faillite, les licenciés de la NPI, les soi disant « départs volontaires », les diplômés chômeurs et les émigrés expulsés ou de retour étaient appelés à se reconvertir en « traitants » quand ils opèrent dans le milieu rural ou en gérants dans le milieu urbain. C’est ainsi que se multiplièrent les structures telles la Société Nationale de Garantie (SONAGA), le Groupe Opérationnel Permanent d’Etudes et de la Concertation (GOPEC) et l’Agence d’Exécution pour les Travaux d’Intérêts Publics contre le sous-emploi (AGETIP), orientés vers la création d’emplois non salariés avec des financements de la BM, du FMI et du fonds national de l’emploi créé avec des cotisations prélevées sur les salariés du pays. Avec des prêts individuels ou collectifs (en moyenne de 30 millions de francs CFA dans le cas du GOPEC), un apport personnel (5% en moyenne pour le GOPEC) et à un taux d’intérêts de 9% en moyenne (toujours pour le GOPEC), les sénégalais victimes de la politique économique libérale désastreuse de l’Etat PS et alliés soi-disant « communistes » sont ainsi appelés à se transformer en petits boutiquiers grossistes ou semi-grossistes. Ce retour à la tradition coloniale des « nègres traitants », intermédiaires entre le producteur paysan ou le consommateur et les multinationales impérialistes, devait être marqué par des cascades de faillites en un temps record. Mais il initia une mode libérale orchestrée de toute pièce qui prend des proportions gigantesques au point que, jamais les étudiants sénégalais notamment, n’ont autant prisé les études liées à la gestion, au marketing. On est ainsi passé du mythe colonial du « commis lettrés » de l’administration colonial au mythe du « gestionnaire managérial » des opérateurs économiques privés. C’est à terme une condamnation de l’Afrique et des Africains à ne rien produire, mais à vendre et à consommer les produits des autres. Quel triste destin !

 

On peut vérifier cela dans l’explosion littérale du secteur dit informel ces dernières années au Sénégal. Dans un rapport sur le secteur privé au Sénégal pour le compte de la BM, Robert DHONTE signale que « le secteur privé est l’acteur prédominant de l’économie sénégalaise, constituant pour 85% à la formation du PNB et pour 92,5% à l’emploi » (Anderson Inc, Private Sector Description of Sénégal, USAID, 1990 - janvier 1991). Dans les grandes entreprises appartenant en quasi-totalité aux étrangers ou aux secteurs publics et parapublics en voie de privatisation, l’emploi y est passé, dans l’industrie et les services, de 133.000 en 1984 à 83.000 en 1987, avec probablement quelques 15.000 nouvelles suppressions d’emplois entre 1988 et 1990, soit en tout quelques 50% des emplois ont disparu en 6 ans. Une partie de ces victimes s’est retrouvée dans le secteur informel dont le poids dans l’économie nationale s’est accru fortement ces dernières années passant de 49,6% en 1984 à 59,6% en 1987 du PNB.

 

Ce capitalisme semi-colonial réalise sous la houlette du FMI et de la BM, non seulement un recul dangereux du rôle de l’Etat dans le développement national en réduisant sa part dans le PNB en 1987 à 10%, celle du parapublic de 5% ou 7,5%, selon les sources, laissant ainsi la part du lion au privé avec 85%. Mais plus grave, c’est la consécration de la prépondérance du secteur informel (59% du PNB) sur le secteur moderne (41% du PNB).

 

La conséquence première est le quasi rejet dans le secteur du « Goorgorlu » de 90,5% des emplois du pays dont 62% dans l’agriculture, 13% dans le secondaire et 18% dans le tertiaire. Le secteur moderne concerne 2% des emplois et le public 7% dont 6% dans la fonction publique et 1% dans le parapublic. Selon l’étude de Robert DHONTE, la répartition est comme suit : le secteur privé constitue 87% du secteur industriel du pays et produit 24,5% du PNB dont 35% relèvent du secteur informel et 65% du formel. L’industrie occupe 14% de l’emploi actuel, soit 340.000 salariés dont 84% dans l’informel et 16% dans le formel. Les services sont à 78% dans le privé, lesquels constituent 17,5% du PNB et occupent 18% de l’emploi actuel, soit 440.000 salariés dont 95% dans l’informel et 5% seulement dans le formel. Ce n’est pas une économie que nous avons au Sénégal mais une «sous-traitance» appendice de la division impérialiste du travail. L’économie de survie est devenue la règle « normale ». Dans ces conditions continuer de parler de « relance » ou de « développement » est absurde.

 

Ce système que nous nommons économie semi-coloniale, est un dérivé, un sous-produit déformé prolongement du capitalisme extérieur produit de l’oppression impérialiste. Les PAS libéraux successifs que dictent le FMI et la BM ne font qu’aggraver cette dépendance néocoloniale.

 

LE PLAN D’URGENCE ET LA DEVALUATION : NOUVELLE ETAPE DE LA RECOLONISATION

 

En 1990, l’encours de la dette était de 771,7 milliards de francs CFA, c’est à dire 48,7% du PIB contre 809,5 milliards de francs CFA en 1989. Le peuple sénégalais pressuré à mort par l’Etat semi-colonial, aura versé ainsi 37,8 milliards de francs CFA dans la cagnotte des officines impérialistes. Mais globalement la dette connaît un taux de croissance de 8,1% entre 1983 et 1988, tandis que le service de la dette augmentait de 21% par an, c’est à dire passait de 37,1 milliards de francs CFA, après rééchelonnement pourtant en 1983, à 96,4 milliards de francs CFA en 1988. L’encours était de 268 milliards de CFA en capital et de 80,1 milliards CFA en intérêts.

 

L’Etat devait ainsi en milliards de francs CFA : à la France 255,5, à la RFA 70, au Canada 5,8, à la Belgique 0,8, et aux USA 0,2 (Marchés Tropicaux du 19 avril 1991). Au 30 juin 1990, l’Etat du Sénégal avait des arriérés intérieurs de 24,4 milliards de francs CFA et des arriérés extérieurs de 5,6 milliards de francs CFA. Mais trois ans plus tard, en 1993, les arriérés intérieurs atteignaient 200 milliards de francs CFA et les arriérés extérieurs 50 milliards, ce qui porte selon Habib THIAM, « le besoin de financements non couverts à plus de 115 milliards de francs CFA à la fin de décembre 1993 » (Soleil du 17 août 1993).

 

Le premier ministre parle d’une « accumulation d’arriérés intérieurs et extérieurs de quelques 10 milliards de francs CFA qui viennent s’ajouter au stock d’arriérés de 72,5 milliards de francs CFA constitués à la fin décembre » (idem). Or, le ministre du plan et des finances, Pape Ousmane SAKHO, reconnaissait sans vergogne devant les députés une fuite de 72 milliards de francs CFA hors du Sénégal et placés dans les banques européennes. Le journal français Partisan, dans son N°78 de mars 1993 citait des sources disant que le dépôt dans les banques européennes montait à la somme de 1.000 milliards de francs CFA avant la dévaluation. Et comme le montre dans son N°19 de novembre 1993, le journal ouvrier et populaire XAL WI, les privilèges cumulés des hommes du pouvoir coûtent au pays plus de 58 milliards 230 millions 450 mille 131 francs CFA , soit plus de 43% de ce que coûte au pays la fonction publique dans sa totalité. C’est tout simplement inouïe ! Les calculs étant approximatifs, ils ne peuvent pas tout à fait rendre compte des privilèges de la caste bureaucratique corrompue et apatride qui s’accroche mordicus, telle une sangsue, à la peau du peuple travailleur.

 

Tel un vase communicant, les fruits de leur travail durement acquis par les masses laborieuses sont détournés au profit des impérialistes qui en retour sucrent avec des miettes les contremaîtres esclavagistes que sont les gouvernants de nos Etats. Le pillage des richesses de notre terre, de notre sous-sol et nos côtes se double ici de la surexploitation de notre peuple. C’est cela l’oppression semi-coloniale que subissent les peuples et le continent africain tout entier.

 

Mais, six mois après l’adoption du « plan Sakho-Loum » qui réduit directement les salaires des travailleurs du pays, l’habit mal porté de la « souveraineté » dont ne cessent de se targuer A. DIOUF et ses larbins du PIT et de la LD/MPT, est mis à mal par la brutale dévaluation du franc CFA qui, du coup, multiplie par deux la dette et divise par deux le coût de la force de travail dans les pays de la zone coloniale française d’Afrique (CFA).

 

Dans le contexte décrit ci-dessus de banqueroute orchestrée de l’économie semi-colonale, la dévaluation, au contraire de la légende propagée par les impérialistes et reprise en écho par les bourgeoisies africaines, est une véritable mise sous coupe réglée des pays de la zone CFA. Au lieu de rendre « compétitives » l’agriculture et les productions minières et industrielles, c’est plutôt à un massacre économique et social renforcé que conduisent ces diktats des institutions de Bretton Woods, diktats que nos gouvernements exécutent avec la docilité coutumière qu’on leur connaît.

 

Il est faux que les recettes d’exportation puissent combler le déficit créé par les importations de denrées, de machines-outils, de pièces détachées et de produits énergétiques. La dévaluation amplifie au contraire la « détérioration des termes de l’échange » : ainsi le Sénégal paye deux fois plus cher les 300.000 tonnes de riz importées pour l’alimentation de la population, alors que dans le même temps ses exportations coûtent deux fois moins. Les seuls véritables gagnants dans ce vol qui ne dit pas son nom, ce sont les filiales des monopoles impérialistes, principalement français, qui ont pu rapatrier leurs avoirs financiers auprès des maisons-mères pour ensuite, par le simple jeu de la dévaluation, doubler leur mise en les réinvestissant dans nos pays. Ce sont ces filiales qui vont profiter des véritables « mesures d’accompagnement » que sont la révision du code du travail - ce qui constitue une attaque contre la protection des travailleurs sénégalais - et de la nouvelle loi sur la privatisation des entreprises publiques et parapubliques votée par l’Assemblée Nationale. La majeure partie des entreprises rentables du pays va pouvoir changer de propriétaires par la simple transformation d’une partie de la dette en acquisitions industrielles, commerciales et bancaires. La dévaluation divise par deux le prix des actions des privatisations des entreprises stratégiques des pays de la zone CFA.

 

La privatisation, c’est aussi le moyen pour les pilleurs locaux qui ont dilapidé les biens nationaux de blanchir leur argent sale en acquérant des entreprises délaissées par les impérialistes ou en s’associant à eux dans des « joint-ventures » pour devenir leurs « nègres sous-traitants ». Ce sont aussi les filiales impérialistes qui bénéficient de la division par deux du coût de la main d’œuvre. Enfin, ce sont ces filiales qui, grâce à la multiplication par deux de la dette du pays, vont pouvoir engranger deux fois plus d’argent.

 

L’IMPERIALISME ET L’OPPRESSION DES PEUPLES

 

Quel est le sens profond du processus récent décrit ci-dessus ? Pour le comprendre, il faut le replacer dans son cadre historique qui est qu’« à mesure que le capitalisme englobe de plus en plus l’immense domaine colonial dans la sphère de son économie mondiale basée sur l’exploitation et la chasse au profit, l’histoire économique et politique des pays coloniaux et semi-coloniaux reflète, comme dans un miroir, tous les traits caractéristiques de la soi disant « mission civilisatrice et culturelle » du mode de production capitaliste et de l’ordre social bourgeois » (6ème congrès de l’International Communiste - 1928, édition Correspondance Internationale, P.226).

 

Les thèses du VIème congrès de la Troisième Internationale Communiste sur le mouvement révolutionnaire dans les colonies et les semi-colonies en 1926 sont à bien des égards d’une actualité certaine dans la nouvelle phase de la recolonisation que nous connaissons aujourd’hui en Afrique. La nouvelle politique de la canonnière de l’impérialisme, l’accentuation de la domination impérialiste à travers le diktat du FMI et de la BM, l’accroissement et le renforcement de l’impérialisme culturel, monétaire, financier, économique et politique nous font re-subir avec une franchise implacable, les méthodes et la pratique de « l’accumulation primitive du capital », qui, hier, avait caractérisé la conquête coloniale à proprement parler. Toutefois, malgré les formes variées que prend l’oppression impérialiste, l’essence du système colonial et semi-colonial dans lequel l’Afrique a été maintenue comme appendice à la périphérie du capitalisme mondial « au fond... consiste en un monopole, basé non seulement sur la pression économique mais aussi sur la contrainte non économique de la bourgeoisie du pays impérialiste dans le pays dépendant, monopole, qui a deux fonctions principales : d’un côté, l’exploitation impitoyable des colonies..., d’autre part, le monopole impérialiste sert à conserver et à développer les conditions de sa propre existence, c’est-à-dire l’assujettissement des masses coloniales ; dans sa fonction d’exploiteur colonial, l’impérialisme est, par rapport au pays colonial, avant tout un parasite qui suce le sang de son organisme économique. Le fait que ce parasite représente envers sa victime une haute culture, en fait un exploiteur d’autant plus puissant et dangereux, mais du point de vue du pays colonial ne modifie en rien le caractère parasitaire de ses fonctions » (VIè congrès de l’IC - p.226). On constate ainsi que si historiquement « l’exploitation capitaliste de chaque pays impérialiste a suivi la voie de développement des forces productives, Les formes spécifiquement coloniales d’exploitation capitaliste, employées par la bourgeoisie (impérialiste), freinent, par contre, en fin de compte, le développement des forces productives de leurs colonies » (idem p.226). Il n’y a pas et ne peut donc pas avoir de développement possible dans la dépendance à l’impérialisme.

 

En fait les illusions entretenues par la petite bourgeoisie intellectuelle sur « l’impossibilité de contourner le FMI et la BM pour se développer », sur « la coopération internationale et l’aide au développement », sur « les investissements des Firmes Internationales qui aident à développer nos pays », sur « la liberté d’entreprise est le seul moyen de se développer » ne tiennent absolument pas compte de la réalité objective des conséquences réelles et de l’objectif réel du diktat impérialiste. Il s’agit ici de la structure prédatrice même du système colonial qui impose le développement relatif des rapports capitalistes, mais sans développement au fond des facteurs et forces de production décisifs.

 

Ainsi, dans la campagne, il a été instauré « une agriculture obligée, de travailler en grande partie pour l’exportation, mais sans être nullement libérée par là des entraves des formes économiques précapitalistes. En règle générale, elle se transforme en économie marchande libre grâce à la subordination des formes de production précapitalistes aux besoins du capital financier, à l’intensification des méthodes précapitalistes d’exploitation, à l’assujettissement de l’économie paysanne au joug du capital marchand et usuraire, qui se développent rapidement, au renforcement des charges fiscales, etc., etc.. L’exploitation des paysans se renforce, mais leurs méthodes de production ne sont pas renouvelées » sans parler des instruments de production.

 

Il en est de même de l’industrie dont « le développement de la production dans les colonies grandit relativement, là seulement où la fabrication est une opération extrêmement simple (industrie du tabac, du sucre, etc..) et où les frais de transport des matières premières peuvent être sensiblement réduits par leur transformation sur place. En tout cas les entreprises capitalistes, créées dans les colonies par les impérialistes (à l’exception de certaines entreprises créées pour des buts de guerre) portent essentiellement ou exclusivement un caractère capitaliste agraire caractérisé par une faible composition organique du capital » (VIè congrès de l’IC, p.227).

 

Les caractéristiques du système semi-colonial que nous avons décrit ci-dessus confirment que « la véritable industrialisation des pays coloniaux, en particulier la création d’une industrie viable de construction mécanique capable de favoriser le développement indépendant des forces productrices du pays, loin d’être encouragée, est au contraire entravée par la métropole. C’est en cela, au fond que consiste sa fonction d’oppression coloniale : le pays coloniale est contraint de sacrifier les intérêts de son développement indépendant et de jouer le rôle d’appendice économique (agriculture, matières premières) du capitalisme étranger, afin de renforcer au détriment des classes laborieuses du pays colonial le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie  du pays impérialiste, de perpétuer son monopole colonial et de renforcer son expansion dans le reste du monde » (idem pp.227-228).

 

L’exportation des capitaux dans les pays dominés, qui est une des particularités fondamentales de «

 



09/08/2017
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