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DISCOURS DE Joe SLOVO AU 65éme ANNIVERSAIRE DU PARTI COMMUNISTE SUD-AFRICAIN (S.A.C.P.)

Quand les communistes sud-africains se  réunirent  au Cap , il y a 65 ans, ils semèrent sur notre continent, l'Afrique, la première graine d'un parti de classe de la classe ouvrière guidé par le marxisme-léninisme. Le congrès de fondation de l'ANC avait eu lieu à Bloemfontein, neuf ans avant le nôtre. Il donna naissance au premier mouvement moderne de libération nationale en Afrique. Au fil des ans, les sentiments et la  pensée de ce représentant de la fraction nationale la plus opprimée et la plus misérable ont exercé une influence considérable sur les sentiments et la pensée de notre Parti.

 

Ainsi, l'exploitation de classe et l'oppression nationale - les deux  réalités les plus saillantes et interdépendantes de la structure socio-économique de l'Afrique-du-Sud - donnaient source aux deux courants complémentaires de la prise de conscience et de l'organisation révolutionnaires. Dans  nos conditions, ces courants constituent les affluents principaux qui ont alimenté le fleuve de la lutte, accélérant son flot jusqu'à  une victoire significative.

 

Notre  anniversaire a lieu en cette année qui est ponctuée par d'importantes commémorations qui, combinées, forment  la mosaïque d'une large tranche de l'histoire du peuple d' Afrique-du-Sud.

 

Le 200ème anniversaire de la  de la naissance du roi Mashoeshoe en 1786 et le 80ème anniversaire de la révolte de Bambatha en 1906 ont mis à l'honneur deux patriotes qui font partie du panthéon des héros de la lutte du peuple autochtone contre la conquête étrangère.

 

Le 40ème anniversaire de la campagne de résistance passive de 1946 et le 25ème anniversaire d'Umkhoto we Sizwe créée en 1961 ont eux symbolisé la fois la différence et la continuité entre la phrase de lutte militante de masse non armée et l'inévitable évolution vers une stratégie dans laquelle la violence révolutionnaire organisée devient un élément essentiel de la lutte politique.

 

Le 10ème anniversaire du soulèvement de Soweto en 1976 nou rappelle l'émergence  de la jeunesse organisée - les jeunes lions- comme une des forces principales dans la lignée révolutionnaire.

 

Le 30ème anniversaire de la célèbre marche des femmes sur Pretoria en 1956 a mis en relief de rôle indispensable de celles qui subissent une triple exploitation comme travailleurs, comme travailleurs noirs, comme femmes travailleuses noires.

 

La  grève des mineurs noirs 1946 dont le 40ème anniversaire a été commémoré cette année, a décrite par Toussaint comme un coup de tonnerre avertissant l'Afrique-du-Sud  que des orages d'un  genre nouveau allaient éclater. Elle signalait un nouveau début de la marche au pouvoir des travailleurs noirs organisés qui se sont affirmés comme étant la partie offensive du peuple.

Et le 65ème anniversaire de notre parti souligne le lien  fondamental entre le syndicalisme révolutionnaire de masse et les aspirations politiques à long terme de la population laborieuse qui aspire à une société libérée de l'exploitation.

 

Ainsi, ces anniversaires de 1986 montrent les traditions de la résistance des débuts, les stratégies différentes de notre lutte et les  principales forces sociales du camp révolutionnaire : les travailleurs, les jeunes , et les femmes organisés. Quand notre parti est né la résistance tribale armée  séculaire contre la conquête étrangère venait juste d'être écrasée. Les nouvelles forces du changement - en particulier la classe ouvrière noire - n'avaient pas encore atteint leur plein développement. Aujourd'hui, 65 ans  après, les années de croissance et de lutte ont fait de la classe  ouvrière le noyau central des forces sociales qui avancent  inexorablement vers l'écrasement de la tyrannie.

 

Les anniversaires sont reconnus pour être des occasions pour faire de l'auto-satisfaction. Ils tendent à encourager des appréciations non-critiques du rôle jouer durant la période célébrée. Je ne veux pas présenter l'histoire de notre parti comme une chronique ininterrompue d'interventions politiques infaillibles. Nous sommes le produit de l'histoire et , les erreurs mises part, les différentes phases de notre développement reflètent aussi les limites imposées par les différentes phases du développement socio-économique de l'Afrique-du-Sud. Cela nous a  pris du temps de nous débarrasser de l'héritage de nos origines dans le mouvement travailleur blanc avec lequel nous avons commencé notre parcours en 1921. Comme de nombreux partis communistes nous avons connu  des moments durant lesquels la mainmise de l'élitisme bureaucratique et l'application imparfaite des principes léninistes nous ont amenés à de très sérieux manquements aux normes de la démocratie interne. Il a fallu  plusieurs années pour synthétiser les implications stratégiques des relations entre la lutte de classe et la lutte nationale. Cela fut achevé, nous  pensons, au 5ème Congrès clandestin Johannesburg en 1962.

 

Un examen franc et constructif de certaines phases de notre développement (analysé dans les livres de Simons, Bunting et Hamel) mettrait sans doute à jour des analyses auto-critiques supplémentaires. Mais à cette occasion, permettez-moi de ne pas  exagérer les mea-culpa. Car il est tout fait clair que l'augmentation de notre  rôle et de notre contribution au cours de ces 65 ans a donné à notre parti une position honorable, non seulement parce qu'il représente avec indépendance les aspirations de classe du peuple travailleur mais aussi parce qu'il est une composante indispensable du large front de libération.

 

Il n'est pas hors de propos en une  telle occasion  de rappeler que certaines positions qui sont maintenant  considérer comme des lieux communs dans la classe  ouvrière et dans le mouvement national ont été avancées en premier et défendues par notre Parti. Pendant plusieurs décennies après notre fondation nous avons été le seul parti politique non-racial comprenant tous les secteurs de notre  peuple. Le concept même de ''gouvernement de la majorité'' a été propagé d'abord par notre Parti.  C'était en 1929, sous  le slogan de ''République noire''; à l'époque les autorités considéraient la moindre référence au droit de vote pour les noirs comme la pire des trahisons et le mouvement national, quand lui , n'avait pas encore avancé ses objectifs.

 

Du milieu des années 20 jusqu'à la fin  des  années 60, les communistes étaient en fait  les seuls s'efforcer de construire un mouvement syndical qui soit un instrument de lutte économique et un secteur-clé de l'alliance révolutionnaire de masse. Et, dans un pays ou le nationalisme brut est une réponse naturelle aux interminables actes de barbarie racistes, c'est notre Parti qui, le premier, a ouvert des perspectives internationalistes qui lient la lutte démocratique de masse à des mouvements qui, à travers le monde, travaillent pour la démocratie et pour l'émancipation nationale et sociale. Et nous pouvons revendiquer l'honneur - si l'on peut dire - d'avoir été la première organisation politique à devenir clandestine en 1950 deux ans après l'arrivée au pouvoir du régime actuel.

 

Mais peut-être que l'un des résultats les plus significatifs de nos 65 ans d'existence a été l'élaboration  réellement indigène de la théorie de la révolution sud-africaine. Cette théorie a développé de plus en plus la compréhension révolutionnaire dans la plus grande partie de la classe ouvrière et du mouvement national. Elle a ainsi aidé à affûter la pratique révolutionnaire. Traditionnellement, l'enseignement impérialiste situe l'Afrique en dehors de l'Histoire jusqu'au  moment où elle a été ''découverte'' par les étrangers. En ce sens, nous, en Afrique-du-Sud, n'avons sûrement pas été découverts. Nous avions à nous découvrir nous-mêmes. Nous avions à trouver une voie sud-africaine.

 

La recherche d'une voie qui conduit à la conscience révolutionnaire n'aboutit pas à une vision  religieuse étincelante de vérités éternelles. C'est un processus qui ne s'achève jamais parce que notre point de départ, la théorie marxiste-léniniste est un outil et non une formule mathématique. Elle n'appartient à aucun peuple. Elle est aussi bien originaire d'Afrique que de n'importe quel autre continent. Et pour que cet outil accomplisse sa tâche correctement, il doit être moulé et façonné selon les conditions objectives de la lutte qui, elles, sont en perpétuel changement.     Lénine, dans son discours célèbre aux jeunes communistes de l'Université des peuples de l'Orient disait : ''Il n' y a pas de livre communiste dans lequel vous trouverez toutes les réponses à vos problèmes''. Il ne voulait pas dire par là que le marxisme était sans  schémas universel. Il insistait sur le fait que son application chaque cas doit être élaboré continuellement par des révolutionnaires qui combinent  la compréhension de son essence  avec l'étude  approfondie de leur  situation concrète et de leurs expériences militantes.

 

Si aujourd'hui le SACP peut regarder avec fierté sa contribution passée à la lutte, c'est précisément parce que son histoire, avec ses hauts et ses bas, est l'illustration de ce processus. C'est un processus qui ne se déroule pas dans le vide, et surtout, il ne peut pas être séparé de l'apparition et du développement de l'ANC et des relations qui se sont accrues entre les mouvements communistes et national.

 

Qu'est-ce qui explique que Botha et ses  amis attaquent avec  une telle  intensité et une telle férocité les relations entre  nos deux organisations ? En partie parce que même les plus  bêtes de nos adversaires réalisent enfin qu'ils devrons compter tôt ou tard avec l'ANC qui, pour la majorité de la population noire, a pas ou peu de concurrence comme alternative au pouvoir dans notre pays.

 

Comme il n'y a pas moyen de l'écarter, la seule solution possible, c'est de diviser l'ANC, de le changer de l'intérieur et d'émousser le tranchant de son  nationalisme révolutionnaire. Le  moyen utilisé est très vieux : un feuilleton grossier de  ''rouges contrôler par l'étranger'' (dont quelques colonels du KGB, bien sûr!) manipulant de prétendus nationalistes. Et, dans ce feuilleton, évidemment, un ''bon'' nationaliste, c'est celui qui même face à un fusil n'abandonne jamais son attitude de mendiant; il est  toujours prêt à fournir une face  noire docile , barrage  pour le maintien  des valeurs et des intérêts occidentaux qui ravagent depuis  si longtemps notre continent.

 

Puisque notre Parti , et notamment  ses relations  avec  l'ANC, est devenu le spectre qui hante de plus en plus  notre classe  dirigeante et ses alliés étrangers, il  faut dire quelques mots de ces relations. L'alliance  entre  le Parti communiste et l'ANC n'a pas de clauses secrètes. Seuls, ceux qui ont d'autres intérêts à servir ou qui sont victimes de l'image stéréotypée des communistes et des Partis communistes, voient dans cette relation un sinistre travail de sape. Parce que, en fait, elle a toujours été fondée sur un respect total de l'indépendance et de l'intégrité du fonctionnement démocratique interne des deux organisations, cette alliance a continué à s'épanouir en dépit des attaques incessantes lancées contre elle par certains cercles.

 

Un jeu de spéculation se déroule actuellement dont  l'objectif est de mettre en lumière les communistes dan le  Comité exécutif national  de l'ANC. Il est  instructif de noter qu'à l'intérieur du pays le régime joue exactement le même jeu mais cette fois il s'agit des organisations de masses telles l'UDF et le COSATU qui seraient utilisés comme façade par l'ANC. Ceci est clairement dirigé contre ces organisations de masse; et de la  même façon, le spectre du communisme est exploité pour affaiblir la force principale de notre alliance de libération : l'ANC. Des déductions odieuses  sont imaginées à cause de notre refus de nous associer à ce jeu dont le vieux sénateur Joe Mc Carthy fut un partisan convaincu.

 

Ceux qui connaissent un peu notre histoire savent aussi que cette coopération entre l'ANC et le SACP a commencé bien avant que ces deux organisations ne deviennent clandestines. Pendant la période  de légalité, pas plus les communistes qui actifs dans dans l'ANC que les membres de l'ANC qui étaient actifs dans le Parti communiste, n'avaient de raison de cacher leur identité politique. Les nécessités de la clandestinité ont clos à l'intérieur du pays ce chapitre sur l'appartenance ouverte au Parti ou à l'ANC. Approche qui pour des raisons évidentes a été adoptée par tous les mouvements clandestins, communistes ou autres. 

 

Contrairement à l'ANC, notre Parti n'a pas de représentation diplomatique à l'extérieur nécessitant la divulgation d'un collectif de direction. Dans notre cas, il deviendrait sans aucun doute  la cible principale pour  le bras étendu  et meurtrier de l'ennemi. En vérité, ce n'est pas notre anonymat qu'ils redoutent mais nos prises de positions publiques sur le contenu principal de notre lutte, sur l'unité nécessaire des forces pour mener cette lutte à son terme et sur l'éclairage que nous mettons sur les points de repères pour une Afrique-du-Sud libérée au vrai sens du terme. C'est pour eux un véritable cauchemar que les banderoles utilisées par les travailleurs et les  jeunes qui déploient par défi le drapeau rouge du Parti à côté de celui  de l' l'ANC dans la plupart des luttes; ils expriment ainsi leur  approbation de l'alliance et des politiques qui  la sous-tendent.

 

En général, l'exploitation  capitalistes et la  domination  raciale ne sont pas  en étroite symbiose. Mais la relation  historique développée entre l'exploitation capitaliste et la domination raciale en Afrique-du-Sud crée un lien naturel entre la libération nationale  et l'émancipation sociale. Un lien qu'il est pratiquement impossible de dénouer. La conscience croissante de ce lien par des travailleurs de plus en plus  nombreux se manifeste par la popularité croissante de notre  Parti. Un sondage  récent l'a fortement souligné ( publié par le ''Financial Mail'' du 20/9/85) disant que 77% des noirs urbains sont favorables au socialisme.

 

Dans le contexte sud-africain, pas besoin d’être un marxiste-léniniste doctrinaire pour savoir que ce ne serait pas du tout une libération, la libération qui s'en tiendrait à une simple réforme électorale et qui ne toucherait pas le monopole racial des blancs sur 99% de nos ressources productives principales. Mais il faut être un honnête noir nationaliste pour comprendre que la domination politique a été le moyen  de préserver la domination et les privilèges économiques. C'est sans doute, ce qui  explique qu'il  y a eu une étape si brève du nationalisme noir  ou communisme chez quelques unes des plus grandes figures de notre mouvement national comme les grands révolutionnaires Nzula, Nkosi, Marks, Kofane, Mabhida et Dadoo.

 

La victoire que nous devons chercher par les luttes à venir, nous le pensons, doit fournir  une rampe de lancement  pour créer les conditions d'un avenir socialiste. Mais, trop souvent , ce processus est ultra simplifié par la rhétorique flamboyante d'un certain nombre de nos critiques d'extrême-gauche; ils veulent nous ramener l'époque où les mots d'ordre simplistes '' classe contre classe'' de notre Parti le maintenaient dans un superbe isolement par rapport au mouvement national et la classe ouvrière noire. Dans leur  poussée et leur contenu, les luttes actuelles s'appuient toujours sur la ''Charte de la Libération'' : elle est une plate-forme minimum d'union de toutes les classes et tous les groupes pour réaliser une Afrique-du-Sud unie,  démocratique et non-raciale, fondée sur le gouvernement de la majorité.

 

Lors d'une telle victoire démocratique, il y a  évidemment besoin de commencer immédiatement à diriger l'économie dans l'intérêt du peuple tout entier. Cela implique donc des mesures étatiques immédiates sur la  question de la terre et contre les complexes monopolistes géants qui dominent les secteurs minier, bancaire et industriel. A ce propos, il faut souligner la position surprenante de quatre compagnies ( Anglo- American, Sanlam, SA Mutual et Rembrandt) qui à elles seules contrôlent 80%  des compagnies cotées à la Bourse de Johannesburg. Des mesures partielles de redistribution des richesses - que même le magnat de l'Anglo-Americain,  Gavin Relly, juge nécessaires, mais dans une forme tronquée ne mènent pas par elles-mêmes vers le socialisme.

 

En soutenant la '' Charte de la liberté'', notre Programme de 1962 précise qu'il ne s'agit pas  d'un programme pour le socialisme mais plutôt d'un '' programme commun  pour une Afrique-du-Sud libre  et démocratique , accepté par des socialistes et des non-socialistes''. En même temps, le Programme insiste : la  ''Charte de la Liberté'' doit aussi fournir la base d'une avancée vers l'avenir  socialiste. En pratique, la question concernant la route que l'Afrique-du-Sud prendra le lendemain du jour où le drapeau de la libération flottera sur l'Union Building, le siège du gouvernement, sera décidé par le rapport des forces entre les classes qui arriveront alors au pouvoir.

 

Mais nous n'en sommes pas encore là, et la tâche la plus importante qui nous attend tous - communistes et non communistes - c'est d'achever cette partie du  trajet. Aujourd'hui, la  route paraît certainement plus courte. Mais, pour cette raison, les difficultés se multiplient. Un regard rapide sur  quelques unes montrera qu'au moins en apparence il existe des éléments qui sont en contradiction entre eux.

 

Il faut impérativement créer le front de lutte le plus large possible contre l'autocratie raciste. Et un front, par définition comprend des forces différentes. L'alliance pour la libération dirigées par l'ANC, représentant les principales forces révolutionnaires, est  le secteur-clé de ce front. Mais,  surtout dans la période récente, la crise a enfanté divers autres mouvements ( y compris les récents transfuges du camp blanc) qui prônent une mise l'écart importante de l'apartheid mais qui ne  partagent pas forcément les objectifs les plus  radicaux de l'ANC. Bien qu'elles ne fassent pas partie des forces révolutionnaires, ces forces de changement contribuent de façon évidente à l'affaiblissement de l'ennemi principal. Certaines de ces forces font partie clairement du front de l'opposition. En même, temps aucune ambiguïté ne doit subsister sur la place primordiale de l'ANC dans ce front et, parlons clair, l'avenir immédiat ne peut être déterminé positivement que sous sa  houlette.         C'est pourquoi nous rejetons les sempiternels refrains de Botha et de ses alliés occidentaux qui affirment que, parmi ceux qui représentent les aspirations noires, l'ANC serait  simplement un élément parmi d'autres. C'est un moyen pour affaiblir la principale locomotive des transformations venir et pour assurer un partage du pouvoir sous une forme telle qu'elle n’amènerait pas la perte réelle du contrôle par ceux qui l'exercent maintenant. Même dans les limites étroites de ce qui pourrait être décrit comme la force révolutionnaire principale, nous ne devons  pas négliger  le fait que l'ANC représente une alliance de classes et de couches ( noires d'une manière écrasante) différentes qui souffrent à des degrés divers de l'oppression nationale et de l'exploitation économique.

 

Et bien que tous puissent souscrire au mot d'ordre de '' Pouvoir du Peuple'', on ne peut  attendre d'eux qu'ils partagent exactement la même vision sur son contenu et sur l'avenir. Le mot  d'ordre de ''Pouvoir du Peuple'' doit donc s'accompagner de la conscience que nous ne sommes pas face des masses noires indifférenciées. Le garant  le plus  conséquent d'une  libération véritable, c'est la classe ouvrière noire; elle a le moins d'intérêt au maintien du statut-quo et la motivation la plus  faible pour remplacer les blancs par des  noirs dans le rôle d'exploiteurs. C'est pour cette  raison  que l'ANC et le Parti soulignent le rôle dominant  de la classe ouvrière dans la coalition des forces sociales qui constituent le front de libération.

 

Mais contrairement l'ANC qui ne peut et ne doit pas répondre aux aspirations d'une seule classe, notre Parti ne doit être fidèle qu'à la classe ouvrière. C'est notre  fonction première, que ce soit  en tant que parti  indépendant ou en  tant que  membre de l'alliance, d'assurer et de sauvegarder jalousement  le rôle dominant de cette classe dont nous représentons les aspirations. Dans notre esprit, cela  n'implique pas que le Parti  lui-même  cherche occuper la position dominante dans l'alliance pour la libération. Au contraire, si une direction correcte de la révolution  démocratique exige que le mouvement national devienne la force de masse majeure et qu'il dirige l'organisation, c'est précisément dans ces conditions qu'un parti exerce son rôle d'avant-garde dans la réalité et non dans le sens vulgaire du terme.

 

Il faut aussi souligner que le moyen d'assurer le rôle des travailleurs réside dans la participation des travailleurs ( qu'ils soient communistes ou non ) au  mouvement national lui-même et dans le rôle d'un  mouvement syndical indépendant et radical comme le COSATU. Mais nous rejetons la déformation ouvriériste de ceux qui voient l'atelier comme le seul terrain de la lutte de classe et qui mettent  en concurrence le Parti et le mouvement syndical dans la course pour prendre la direction politique de la classe ouvrière.

 

Écoutons à ce propos Jay Naidoo, Secrétaire général du COSATU : ''Les travailleurs organisés (dans le mouvement syndical) ne sont  pas  les représentants de la classe ouvrière dans son ensemble, mais, ils sont son arme la plus puissante''( South African Labour Bulletin, avril 1986,p.39). Le représentant de la classe ouvrière dans son ensemble, c'est l'avant-garde politique que nous affirmons être; titre que nous avons gagné sur le terrain par l'envergure de la direction et non par une quelconque proclamation.

 

Liée à tout cela, il y' a  la question persistante de la ''théorie des deux étapes'' de la révolution sud-africaine. Nos  détracteurs prétendent que nous avons abandonné nos objectifs socialistes parce que nous nous préoccupons d'objectifs nationaux, démocratiques et de la lutte antiraciste immédiate. Nous croirions, d'après eux, que dans l'intérêt de l'alliance populaire, la classe ouvrière ne devrait pas faire valoir sa suprématie et devrait tout oublier de ses perspectives socialistes jusqu'à l'écrasement de l'apartheid; scénario qui laisserait la voie ouverte au détournement de la  révolution par les exploiteurs à visages noirs: ils s'assureront qu'elle est stoppée dans son cheminement.

 

Il semble que ce soit le triste destin d'un parti comme le nôtre ( je  suppose que nous y sommes maintenant habitués) d'être la fois accusés par les partisans de Botha de dominer l'ANC de façon à l'orienter vers le communisme et d'être accusé par d'autres critiques d'être dominés par l'ANC qui nous oriente vers le nationalisme.

 

La révolution est un processus continu. Il faut inévitablement passer par des phases stratégiques et tactiques; mais il n'y a pas de muraille de Chine entre ces différentes phases; les éléments de la dernière phase doivent avoir mûri au sein de la précédente. C'est notre approche de la relation entre les objectifs national démocratique et socialiste de notre  révolution. J'ai  déjà abordé le rôle dominant des ouvriers dans l'actuelle alliance des forces de classes et notre dévouement continu à la diffusion des perspectives socialistes, et plus  particulièrement la compréhension du lien définitif entre la libération  nationale et l'émancipation sociale.

 

Mais cela n'implique pas que le moteur de la lutte actuelle puisse être alimenté effectivement par le mot d'ordre de ''République socialiste''. L'accent mis sur la lutte pour une transformation démocratique selon  les propositions de la Charte de la liberté est profondément enraciné dans la réalité présente.

 

La rapidité des événements actuels rend plus urgent d'aborder un certain nombre de questions liées à la transformation démocratique qui ont  soulevé une discussion  publique. Je veux aborder brièvement quelques-unes de ces questions.  Le sort des minorités ( et par là on entend en fait la minorité blanche) apparaît plus que jamais dans les déclarations de ceux qui depuis  longtemps se sont  moqués du sort de la majorité. Notre politique et, plus encore, notre pratique sont contenues dans les mots qui commencent la Charte de  la Liberté : ''L'Afrique-du-Sud appartient à tous ceux qui y vivent : noirs et blancs''. Nous pensons que cela ne peut être, mis en pratique que dans une Afrique-du-Sud unie, fondée sur la volonté de la majorité. C'est notre point de départ irréversible. L'égalité doit exister entre les individus ( si besoin est garantie par un  mécanisme constitutionnel) et non pas entre les races ou les groupes ethniques en tant que tels. La parité ethnique est un moyen de domination ethnique. Le concept de groupes dont  l'identité est fondée sur la race (qui apparaît sous des appellations variées telles que ''fédéralisme'', ''association'', etc.) est une formule d'apartheid pour perpétuer l'exclusion raciale ou ethnique.

 

La mise en avant d'une source unique de souveraineté fondée sur la volonté de la majorité exprimée démocratiquement, n'est pas en conflit avec la délégation de certains pouvoirs aux autorités régionales. Cela se passe ainsi dans tout Etat unitaire. Le fait d'insister sur une Afrique-du-Sud unie et démocratique n'est certainement pas une menace pour les héritages culturels et linguistiques développés, au cours de l'histoire, par les différents groupes qui constituent la nation sud-africaine en formation.

 

L'unité n'exclut pas la diversité. Le régime a utilisé un ethnisme tribal et même les différences Afrikaner-anglais pour faire une hiérarchie de domination sur le peuple divisé. En 1912, les pères fondateurs de l'ANC déclaraient que la première tâche devait être la création d'une conscience africaine commune. Ce  processus, qui a déjà accompli une longue route, ne  pourra être  complet que dans une Afrique-du-Sud unie et démocratique. Une telle Afrique-du-Sud sera enrichie par tout ce qu'il y a de vivant dans l'héritage culturel et linguistique des différents groupes, y compris la part de l'héritage des Afrkaners non enracinés dans le racisme. Parmi les projections  des sphères économiques actuellement débattues, il y a la relation entre la propriété privée et la propriété sociale dans la phase suivant immédiatement le gouvernement de la majorité.

 

Comment allons-nous concilier ces deux impératifs : nécessité de commencer des changements dans  relations de production en vue d'un  égalitarisme économique et nécessité de satisfaire les besoins et les  espérances économiques du peuple ? Nous pensons que, long terme , ces deux impératifs sont  en harmonie. En fait,  l'un  est la condition nécessaire la  réalisation du second. Mais suffisamment d'expériences concernant de désastreux grands bonds en avant nous ont appris nous  méfier  de fournir des mots d'ordre plutôt que du pain durant  la période de transition.

 

Permettez-moi de m'expliquer. Pendant  quelque  temps, après la chute de l'apartheid, il y aura  indubitablement une économie mixte, impliquant un rôle pour  des secteurs représentés par  des entreprises  privées non monopoliste : non seulement par le petit secteur d'activité économique noir racialement opprimé mais  aussi par des entrepreneurs et des hommes d'affaire de bonne volonté qui ont  rejeté le racisme ou sont près à le faire. Seul un représentant local de la  désastreuse philosophie de Pol Pot pourrait projeter un saut dans le socialisme et le communisme le jour  suivant le renversement du pouvoir blanc.

 

Si le règne politique de l'ancienne classe dirigeante s'achève et si le nouvel appareil d'état est construit selon le schéma proposé par la ''Charte de la Liberté'', alors, l'existence d'une  économie mixte ''réglementée'', selon les termes de la Charte, ''pour contribuer au bien-être du peuple'', facilitera plus qu'elle gênera la marche continue vers  l'avenir socialiste; une marche qui, dans  un cadre vraiment démocratique, devra se mettre en place dans les débats plutôt que dans les rues.

 

En attendant, la lutte  politique de masse couplée à  une intensification de la violence  révolutionnaire demeure un impératif. Nous n'avons jamais trouvé de plaisir dans la voie de la violence. Mais tout observateur honnête peut voir que toutes les autres voies pouvant amener un changement significatif ont été hermétiquement bouchées. Et le retrait de Howe avec  les mains vides le démontre bien.

 

Et permettez-moi de souligner ceci : si une  possibilité réelle d'avancer vers une abolition complète de l'apartheid apparaît sans qu'une escalade de la violence soit nécessaire, aucun secteur de notre alliance de libération ne rejettera une telle solution; aucun ne refusera de parler des moyens pour y parvenir. Dans les circonstances actuelles, attendre de l'alliance de libération dirigée par l'ANC qu'elle renonce  unilatéralement à la violence, c'est lui  demander  d'abandonner les aspirations du peuple. L'absence de la violence dépend  de la  présence de la démocratie. En tous cas,  il est difficile de  trouver dans l'histoire, l'exemple d'un mouvement qui soit allé  à la table des négociations en ayant abandonné la tactique même qu'il avait utilisé pour  obliger l'ennemi à s'asseoir la table de négociations. L'ANC et ses alliés ont foi, eux, dans le processus démocratique, pas Botha.

 

C'est  nous qui voulons un cadre politique dans lequel la volonté de la majorité puisse s'exprimer, elle-même, selon les processus démocratiques normaux. C'est Botha qui interdit l'opposition politique, qui met en prison les dirigeants populaires, qui annonce des massacres plus grands et des mesures d'urgence afin d'empêcher la réalisation de la démocratie qui équivaut clairement pour lui à une forme de suicide  national. Et  ce sont  les alliés occidentaux de l'apartheid qui augmentent les possibilités d'une effusion de sang massive en empêchant une intervention effective de la communauté internationale.

 

On avance l'argument qu'une économie malade serait un obstacle à une réforme pacifique du système; processus qu'on prétend plus sûr  dans des conditions de stabilité économique et de croissance. Mais notre expérience des vingt dernières années démontre exactement le contraire. La période la plus extraordinaire de progrès économique en Afrique-du-Sud entre 1967 et 1976 a été aussi la période où s'est accentuée - plus qu'à aucune autre période de notre histoire - la mise en place des pires caractéristiques de l'apartheid. Ce fut aussi la période au cours de la qu'elle la répression galopante a atteint son sommet  lors du soulèvement de Soweto en 1976.

 

A l'inverse, ce  fut durant les dix dernières années de la récession économique la plus dure et la plus longue de l'histoire de l'Afrique du Sud, que le régime a été contraint de modifier l'apartheid en bordure. Le catalyseur de ce phénomène a été, sans doute, le développement de l'action  intérieure et l'accroissement de l'isolement externe; cela n'a rien à voir avec les arguments économiques avancés.

 

En fait, ces arguments économiques vont vraiment dans une drôle de direction; les mêmes cercles politiques, qui prophétisaient que des sanctions punitives conduiraient un état de chaos qui ferait  ralentir les réformes, disent maintenant qu'il faut s'opposer à ces sanctions parce qu'elles conduiraient Pretoria à l'autosuffisance économique. D'une autre façon, ceux qui ont  un engagement constructif aux côtés du régime nous disent qu'ils s'opposent à des  sanctions effectives pour éviter d'infliger des souffrances à ces mêmes noirs qu'ils désirent aider.

 

Comme nous le savons, ceux qui font l'objet de leur intérêt supposé sont dans leur majorité en faveur des sanctions et,  de toute façon, ils en ont assez de s'entendre dire encore ce qui  est bon pour eux par ceux qui sont incapables de se défaire de la mentalité impériale. Peut-il y avoir encore le moindre doute que ceux  que Reagan et Thatcher veulent réellement aider, sont les partisans de Botha ? Leur position n'a  absolument rien voir avec l'équilibre de la souffrance, mais tout voir avec l'équilibre des profits. Ils se proclament donc champions des ''droits de l'homme''. Ils ne cessent jamais de gémir à propos de l'influence soviétique dans notre lutte.

 

Permettez-moi de souligner (même si ça leur reste en travers de la gorge) que nous, en Afrique-du-Sud, nous partageons l'expérience de presque tous les autres mouvement de libération du monde et nous profitons du généreux soutien de l'Union Soviétique et des autres nations socialistes. Aujourd'hui, notre  cause est devenue la mode et nous avons de plus en plus d'amis reconnaissants. Mais, pas plus nous que notre peuple, nous n'oublierons ou nous  permettons d'être séparés de ceux qui ont  été continuellement avec nous depuis le début. Ceci inclut nos frères africains qui ont fait tant de sacrifice pour soutenir notre lutte. Et parmi ceux qui se sont aussi toujours placés l'avant -garde de la ligne de front pour soutenir notre cause, il y a les camarades des Partis Communistes et ouvriers du monde entier et plus spécialement ceux qui  partagent aujourd'hui notre plate-forme.

 

La poussée ininterrompue qui peut être datée d'août 84, n'est pas un phénomène passager. Elle contient indubitablement la promesse d'une réelle transformation fondamentale. Les crises économique et politique intimement liées, de la classe dirigeante sud-africaine ne sont pas en voie de diminution; dans d'importants secteurs, elles deviennent de jour en jour plus aiguës. Et les facteurs nécessaires pour une avancée de la révolution commencent à se combiner.

 

Premièrement la classe dirigeante a virtuellement avoué qu'elle ne pouvait plus longtemps gouverner selon les anciens schémas. Les divisions au sein du pouvoir s'approfondissent parce que les politiciens racistes et les hommes d'affaires blancs se débattent dans la recherche désespérée d'un moyen de partager le pouvoir sans le perdre.             Deuxièmement, il est  clair  que le  peuple n'est pas disposé à être gouverné selon l'ancien système. Par ses actions, il a déjà rendu ingouvernable la plupart des secteurs administratifs urbains, remplacé par des embryons de pouvoir  populaire. Le ''miracle des neuf jours'' de Botha, le parlement tricaméral, a sombré dans l'oubli.

 

Et ce qui est encore plus important : nos travailleurs et nos jeunes se montrent  de plus en plus nombreux près sacrifier   jusqu'à leur vie dans la lutte pour mettre fin la tyrannie raciste. Troisièmement, l'ANC et le front de la libération qu'il dirige, sont  considérés par leurs amis et leurs adversaires comme l'avant-garde à qui est fidèle l'immense majorité des opprimés.

 

De plus,  la désapprobation internationale contre la tyrannie hitlérienne de Botha atteint un de ses sommets. Elle prend racine dans l'héroïsme et dans  l'intensité croissante de la résistance de notre peuple. En ces temps, il n'y a pas de lutte séparable du contexte international; mais dans le cas de l'Afrique du sud, le facteur international joue un rôle unique car le spectre de l'apartheid accuse les divisions idéologiques mondiales comme aucun autre problème. L'isolement international de l'Afrique-du-Sud peut ainsi fournir une contribution particulière à un dénouement moins pénible et plus rapide.

 

Nous n'oublierons pas la mentalité virtuellement irréductible de l'ennemi : Botha l'a, une fois de plus, exposé dans sa réponse au EPG, et récemment aux efforts inutiles de Howe. Nous ne sous-estimerons pas non plus les ressources internes et externes que le régime peut toujours rassembler dans une tentative pour empêcher la majorité de s'ouvrir les portes du pouvoir politique. Mais en même temps, la possibilité pour le peuple de se frayer un passage, devient de plus en plus grande chaque jour. C'est  pourquoi, tout en continuant à nous occuper d'un conflit qui se prolonge, nous  devons aussi nous préparer et être prêts à une transformation plus rapide incluant des éléments insurrectionnels.

 

Camarade Président,

 

En jetant un regard, sur nos 65 ans d'activités, nous pouvons être fiers de l'impact de notre Parti. Mais cet impact n'a pas été seulement un stimulant pour l'élaboration de perspectives théoriques pour la Révolution sud-africaine. Notre Parti et les communistes - en tant qu'individus - ont gagné leur place politique dans l'arène de la lutte actuelle parce qu'ils se sont consacrés et sacrifiés pour la cause révolutionnaire. Il n'est pas de phase dans notre lutte qui n'ait connu ses héros et ses martyrs communistes révolutionnaires qui ont arrosé l'arbre de la liberté avec leur propre sang.

 

Aujourd'hui, à l'occasion de notre 65éme anniversaire, nous inclinons notre drapeau rouge sur ces communistes et les autres révolutionnaires qui se sont donnés tout entier à la cause de la liberté, la cause socialisme.

 

Aujourd'hui, à l'occasion du 65éme anniversaire de notre Parti, décrit par Olivier Tambo, comme un des grands piliers de notre lutte, les masses sud-africaines sont  en mouvement plus qu'elles l'ont jamais été au cours de notre histoire. Nous nous engageons et faisons le vœu d'aider à l'accomplissement de cette tâche.

 

 



29/07/2017
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