CRISE DE LA GAUCHE AU SENEGAL : Proposition pour la reconstruction d’une gauche ouvrière, populaire, anti-impérialiste et panafricaniste !
La crise de la gauche historique anti-impérialiste au Sénégal rentre dans sa phase terminale. La tumeur maligne de la bipolarisation politique du système semi-colonial, qui a succédé à la répression et les divisions de la gauche, a miné la gauche marxiste en la soumettant à l’hégémonie de la droite libérale, puis, à la fois, à la social démocratie libérale PS et aux libéraux PDS au pouvoir.
And Jëff/Pads implose du fait de la servilité de ses dirigeants à la Monarchie libérale Wadiste, la LD/mpt et le Pit restent amarrés aux sociaux libéraux du PS et de l’Afp.
Les militants de gauche, progressistes issus des démembrements du PAI originel ouvrent de plus en plus la bouche, prennent la plume pour dénoncer les trahisons, les abandons de la « lutte des classes » remplacée par la « lutte des places » devenue ainsi le soi disant « moteur de l’anthropologie de l’histoire politique » en Afrique et au Sénégal en particulier.
« Halte à la capitulation », pour citer les 10 camarades de And Jëff/Pads, est aujourd’hui le cri de ralliement des militants éparpillés, plus ou moins organisés, à la recherche d’une alternative populaire, patriotique et panafricaniste au cancer réformiste et opportuniste qui a conduit à l’agonie la gauche révolutionnaire historique du Sénégal.
Célébrer l’actualité du Manifeste du PAI, 50 ans après, est l’occasion pour que les différentes générations de militants de gauche anti-impérialistes revisitent ensemble nos égarements, nos erreurs, nos divisions.
C’est dans ce cadre que Ferñent, qui se félicite de ce réveil plein d’espoir, intervient pour livrer son analyse et ses propositions pour frayer la voie à la reconstruction de l’unité de la gauche ouvrière, populaire, anti-impérialiste et panafricaniste.
L’alternance est une conquête démocratique du peuple dévoyée par la bipolarisation semi-coloniale
L’alternance résulte, à la fois, de la détermination, de la mobilisation du peuple et de l’adaptation de l’impérialisme dominant à cette situation.
Les impérialistes français ont élaboré plusieurs plans, dont l’alternance. C’est ce qu’indique dès le 27 décembre 1999 le journal français Libération, très proche de la social-démocratie impérialiste à l’époque au pouvoir en France, en analysant le coup d’état du Général Gueï en Côte d’Ivoire : « Dans d’autres Etats où l’alternance semble inaccessible par la voie électorale, des hommes en uniforme pourraient se découvrir une vocation de bâtisseurs de « démocratie réelle ». Et non seulement dans des pays comme le Centrafrique, le Cameroun, le Togo, la Guinée ou le Gabon, mais aussi, par exemple, au Sénégal, si la présidentielle de février n’y efface pas la fâcheuse impression que tous les scrutins sont courus d’avance ».
Wade et M. Niasse formèrent, dès les résultats du premier tour, un ticket-alternant bien rassurant pour les intérêts impérialistes. Entre les deux tours et tout de suite après les élections, ils se sont évertués à rassurer les différents milieux impérialistes. A. Wade déclarait à propos de M. Niasse: « En France, par exemple, il est bien introduit chez les socialistes, moi chez les libéraux. On est donc complémentaires. J’ai bien entendu consulté mes tout premiers partenaires, Landing Savané, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho et les autres, avant de lui proposer le poste de Premier Ministre. Ils ont répondu que c’était un excellent choix, d’autant que le prochain gouvernement sera soutenu par des socialistes, des libéraux et des personnalités de la société civile » (Jeune Afrique du 28 mars au 3 avril 2000).
Rassurer les impérialistes, en particulier français, a caractérisé toutes les attitudes des libéraux du PDS et de A. Wade lui même, y compris sur la nature politique véritable de ses alliés du « Pôle de gauche » (AJ, PIT, LD) dont le passé communiste, révolutionnaire et anti-impérialiste pouvait inquiéter quelque peu les bailleurs de fonds impérialistes. A. Wade les rassurait dans la confidence suivante qu’il fait dès 1995, mais publiée seulement en juillet 2000: « Pour moi, c’était des gens qui jouaient un jeu, l’histoire avait fait qu’ils avaient basculé dans un camp qui les soutenait. Ceux qui recevaient des subsides de Moscou, il fallait qu’ils jouent les communistes, comme ceux qui recevaient des armes aussi » (Chronique d’une Alternance-Malick Diagne-p.64-édition Xamal-juillet 2000).
Pour montrer que les impérialistes n’avaient rien à craindre, A. Wade précisait ainsi la nature des relations qu’il entretiennait avec le « Pôle de gauche »: « Je me suis toujours dit que c’était des gens à récupérer. Cette philosophie de la récupération a toujours été la mienne... c’est-à-dire qu’il y avait des Sénégalais qui sont tombés dans le piège soviétique, mais qui fondamentalement, ne sont pas marxistes » (idem-p.64 et 65).
Wade s’est toujours situé dans le cadredu club des chefs d’Etat africains du pré-carré français. Parlant du plus grand assassin de togolais, Eyadéma, après les colons allemands et français et de l’agent de la société pétrolière française Elf Aquitaine, Sassou Nguesso du Congo, A. Wade confiait son allégeance françafricaine : «Denis Sassou Nguesso, que j’ai aidé dans un passé récent et qui me doit beaucoup... j’étais membre du gouvernement (Diouf). C’est moi qui ai donc fait toutes les démarches qui ont conduit à la reprise de l’aide européenne au Congo... ma plaidoirie a été tellement convaincante..., le Président Eyadéma pourra vous le confirmer, d’autant plus que j’ai également servi, en toute discrétion, de médiateur dans la brouille récente entre son pays et Amnesty Internationale» (idem).
Ces aveux, d’une clarté indiscutable, indiquent que la bipolarisation politique PS/PDS, configurée dès l’époque du « multipartisme limité » sous Senghor, puis formatée par le « multipartisme intégral » sous A. Diouf, était un piège politique pour éliminer d’abord le RND de feu Cheikh Anta Diop et ensuite soumettre les partis divisés de la gauche révolutionnaire marxiste léniniste. Les uns après les autres ces partis se sont inféodés à l’hégémonie du PDS dans l’opposition dont le point culminant a été la mise en place de la CA 2000 autour du candidat « unique » libéral A. Wade.
La ligne de l’alliance électorale stratégique derrière le PDS et A. Wade s’est concrétisée d’abord dans l’opposition, puis au gouvernement, comme l’ont fait successivement le PIT, la LD et AJ.
La faillite d’aujourd’hui est au fond celle des choix stratégiques opportunistes fait depuis 1985 par les partis historique de gauche marxiste léniniste, qui ont fini par abandonner toutes références ouvrière et anti-impérialiste pour s’adapter aux exigences de la servilité politique aux sociaux démocrates libéraux PS et aux libéraux PDS dans l’opposition et puis au gouvernement.
La signification de classe de l’alternance
Des évolutions internes économiques et sociales au Sénégal nées de la crise et des politiques libérales dictées par l’impérialisme ont constitué les fondements de l’avènement de l’alternance.
Ainsi, de 1960 au départ de Léopold Sédar Senghor, l’accumulation du capital par la bourgeoisie s’opérait pour l’essentiel au sein de l’appareil d’Etat semi-colonial. Une couche de grands propriétaires fonciers parasitaires (marabouts notamment) était associée au pouvoir de la bourgeoisie compradore d’Etat. Ce mécanisme d’enrichissement des couches bureaucratiques bourgeoises au Sénégal, fondé sur l’accaparement de l’appareil d’Etat avait pour soubassement près de 180 entreprises publiques et parapubliques, et permettait le contrôle par l’Etat de toute l’activité économique centralisée à la Présidence même.
La crise du régime PS trouve ses racines dans la crainte déjà formulée par A. Diouf lui même quand il a déclaré à la veille des élections de 1983 parlant des PAS: « je ne veux pas scier les branches sur lesquelles je suis assis ». Mais une fois élu, le PS s’est engagé à fond dans l’application des diktats du FMI et de la Banque Mondiale. Cette politique libérale matérialise au Sénégal une véritable re-colonisation économique. Comme nous le montrions dans notre brochure de Ferñent nouvelle série N°3 d’août 95, intitulé « L’Impérialisme et la Faillite du système post-colonial: le cas du Sénégal »: « ...les chefs d’entreprise qui ont fait faillite, les licenciés de la NPI, les soit disant « départs volontaires », les diplômés-chômeurs et les émigrés expulsés ou de retour étaient tous appelés à se reconvertir en « traitants » quand ils opèrent en milieu rural ou en gérants dans le milieu urbain. Ce retour à la tradition coloniale des « nègres traitants », intermédiaires entre le producteur paysan ou le consommateur et les multinationales impérialistes, devait être marqué par des cascades de faillites en un temps record. Mais elle initia une mode orchestrée de toute pièce qui prend des proportions gigantesques au point que, jamais les étudiants sénégalais notamment, n’ont autant prisé les études liées à la gestion.».
Ce processus a engendré l’explosion littérale du secteur informel: « Dans un rapport sur le secteur privé au Sénégal pour le compte de la Banque Mondiale, disions nous Ferñent dans N°3, Robert DHONTE signale que « le secteur privé est l’acteur prédominant de l’économie sénégalaise, contribuant pour 85 % à la formation du PNB et pour 92,5 % à l’emploi » (Anderson Inc, Private Sector Description of Sénégal, USAID, 1990 - janvier 1991). « Dans les grandes entreprises appartenant en quasi-totalité aux étrangers ou aux secteurs publics, (…) en tout quelques 50 % des emplois ont disparu en 6 ans. Une partie de ces victimes s’est retrouvée dans le secteur informel dont le poids dans l’économie nationale s’est accru fortement ces dernières années, passant de 49,6 % du PNB en 1984 à 59,6 % en 1987. Ce capitalisme semi-colonial réalise sous la houlette du FMI et de la BM, non seulement un recul dangereux du rôle de l’Etat dans le développement national, dont la part dans le PNB est en 1987 à 10 %, celle du para-Etatique de 5 % ou de 7,5 % selon les sources laissant ainsi la part du lion au privé avec 85%. Mais plus grave, c’est la consécration de la prépondérance du secteur informel (59 % du PNB) sur le secteur moderne (41 % du PNB). La conséquence première est le quasi rejet dans le secteur du « Goorgorlu » de 90,5 % des emplois du pays dont 62 % dans l’agriculture, 13 % dans le secondaire et 18 % dans le tertiaire. Le secteur moderne a 2 % des emplois et le public 7 % dont 6 % dans la fonction publique et 1 % dans le parapublic. Selon l’étude de Robert DHONTE, la répartition est comme suit : le secteur privé constitue 87 % du secteur industriel du pays et produit 24,5 % du PNB dont 35 % relèvent du secteur informel et 65 % du formel. L’industrie occupe 14 % de l’emploi actuel, soit 340.000 salariés dont 84 % dans l’informel et 16 % dans le formel. Les services sont à 78 % dans le privé qui constitue 17,5 % du PNB et occupent 18 % de l’emploi actuel, soit 440.000 salariés dont 95 % dans l’informel et 5 % seulement dans le formel » (idem).
Cette évolution économique dramatique du point de vue de l’intérêt national a miné les fondements économiques et sociaux du régime clientéliste du PS, elle a du même coup favorisé l’éclosion d’un affairisme marchand et commercial dont le tournant a été 1986 avec la liquidation de la protection tarifaire de l’industrie Sénégalaise: « A partir de 1960, avec la crise de l’arachide et l’accélération générale de l’exode rural, le mouridisme s’est implanté dans les villes, à Dakar surtout. Mais cette fois, ce sont les talibés eux-mêmes qui ont développé des réseaux religieux et commerciaux, utilisant la confrérie et ses relations privilégiées avec le pouvoir politique...résultat des phénomènes de collusion, de corruption et de clientélisme qui prolifèrent sur fond de pouvoir affaibli...les talibés eux-mêmes ont organisé la solidarité confrérique dans les villes et créé les dahiras, associations autour d’un marabout ou au sein d’une même entreprise commerciale...les couches moyennnes et salariées des villes, dont le niveau de vie a été rudement touché par la dévaluation du franc cfa en janvier 1994, se sont engouffrées à leur tour dans le mouridisme, rejoignant les couches populaires. Ces réseaux entretiennent de multiples relations avec l’immigration. En 1986, lorsque la baisse des taxes sur l’importation recommandée par la Banque mondiale a conduit à l’inondation de produits d’électronique importés de Hongkong, de New York ou de Taïwan, des mourides installés à l’étranger ont servi d’intermédiaires pour établir des relations avec des grossistes étrangers, ou distribuer les marchandises à l’intérieur du pays » (Monde Diplomatique - novembre 1995 - Les mourides entre utopie et capitalisme).
Objectivement le monopole politique parasitaire et clientéliste PS de plus en plus fortement centralisé à la Présidence sous A. Diouf est devenu peu à peu une entrave pour l’affairisme marchand et commercial d’une partie du secteur informel et son utilisation comme appendice dans le cadre de la sous-traitance pour les impérialistes. Cette évolution socio-économique résulte des décennies de libéralisme dicté par le FMI et la BM, qui ont ruiné les fondements du pouvoir PS et favorisé la montée en puissance de A. Wade et du PDS. Il faut ajouter à cela l’opportunisme, le réformisme, l’électoralisme de la « gauche traditionnelle » qui a choisi de mettre son sort entre les mains de A. Wade.
A cette couche de la bourgeoisie marchande, il faut ajouter aussi les classes moyennes de plus en plus paupérisées, une partie de la bourgeoisie nationale considérant peu à peu que le clientélisme affairiste centralisé à la Présidence sous A. Diouf devenait une entrave à leurs activités économiques. Même les impérialistes, qui pourtant avaient différé la fin du régime Diouf et PS en 1988, puis en 1993 en le mettant sous perfusion économique, se sont décidés à le lâcher cette fois pour de bon.
Ainsi avec les plans d’ajustement structurel, la dévaluation et la privatisation, entre 1979 et 2000, s’est constituée une bourgeoisie affairiste privée, notamment du secteur informel, dont l’activité est entrée en contradiction avec cette centralisation économique étatique. Cette bourgeoisie privée se plaint de plus en plus des mécanismes de subordination et de contrôle mis en place par la bourgeoisie PS retranchée derrière l’appareil d’Etat. La multiplication des « syndicats » patronaux (CLES, SPIDS, UNACOIS, ...) résulte de ce processus engendré par les politiques libérales dictées par les bailleurs de fonds. Cette lutte interne à la bourgeoisie compradore d’état et privée a trouvé un débouché politique dans le soutien de plus en plus marqué qu’une fraction de la bourgeoisie privée avait apporté au PDS, le parti libéral, mais aussi à l’AFP (M. Niasse n’est-il pas un « converti » de l’Etat PS au secteur privé?).
Une fois l’alternance obtenue, la « transhumance politique » a révélé la terrible bataille ouverte et camouflée que se sont livrés les partis du gouvernement de l’alternance en vue de se positionner comme colonne vertébrale du pouvoir de l’alternance au sein de l’Etat. La « transhumance politique » a été un facteur objectif de continuité et non de rupture avec l’ancien régime PS. Les rats socialistes ont quitté précipitamment le navire PS en dérive pour aller se loger dans le PDS, l’AFP ou d’autres partis du gouvernement. Le danger n’était pas vraiment la catastrophe d’un retour du PS aux affaires, mais celui d’un clonage du PS à travers des partis comme le PDS et l’AFP. Les « transhumants » ne cherchaient pas seulement des parrains protecteurs contre les audits, mais ce phénomène participait de la guerre non déclarée pour savoir quelle est la force politique structurante de l’Etat semi-colonial qui sera consacrée par les législatives. C’est ce que confirmait Jeune Afrique du 7 au 13/11/2000: « A la recherche d’une majorité absolue, les amis du président hésitent encore entre plusieurs stratégies. les uns voudraient réduire l’influence des alliés pour disposer d’une plus grande liberté de manœuvre... D’autres, plus extrémistes souhaitent, au lendemain des législatives, de nouvelles alliances, avec la nomination d’un Premier Ministre « plus en phase » avec le président ». Le régime présidentiel qui est sorti du référendum a initié une étape décisive vers la monopolisation politique du pouvoir par a. Wade. Puis les législatives ont tranché la question du parti dominant dans le gouvernement permettant à A. Wade de théoriser l’affairisme libéral financier politique auquel son régime se livre dorénavant tout azimut : « Moins d’Etat socialiste, mais plus d’Etat interventionniste et plus de marché », slogan qui traduit « la nouvelle inspiration libérale de la politique préconisée par le FMI et la Banque Mondiale » (Walfadjri du 29/10/2000). A. Wade a même déclaré à Jeune Afrique après avoir été fait docteur honoris causa de l’université de Bordeaux IV: « Il faut en finir au plus vite avec toutes ces consultations. Ainsi, pendant cinq ans, il n’y aura plus de compétition électorale et nous pourrons mettre ce temps libre à profit pour entamer les réformes de fond ». Les résultats de « ces réformes de fond » sont le désastre calamiteux au plan économique, social, culturel et politique dans lequel le pays et le peuple se débattent aujourd’hui. Les dirigeants des partis marxistes léninistes historiques ont une très grande responsabilité dans la catastrophe actuelle.
Depuis l’alternance, les gouvernements qui se sont succédés sont en réalité les multiples formes évolutives de la superstructure correspondante au rapport des forces imposé par la marche vers le pouvoir autocratique personnel du président féodalo-bourgeois A. Wade. Toutes les tares du régime PS ont été adoptées, puis amplifiées par A. Wade et le PDS sur fond de lutte au sein même de sa propre formation politique pour « le dauphinat » et l’accaparement de l’argent publique.
Les dirigeants de la gauche historique au Sénégal ont troqué la lutte des classes contre la « politique du ventre ». Et la tragédie qui la frappe de plein fouet confirme aujourd’hui la pertinence d’une grande actualité au Sénégal du jugement clairvoyant d’Engels en 1894 sur la situation italienne d’alors: « Après la victoire commune, on pourrait nous offrir quelques sièges au nouveau gouvernement - mais toujours en minorité. Cela est le plus grand danger. Après février 1848, les démocrates socialistes français(...) ont commis la faute d’accepter des sièges pareils. Minorité au gouvernement des républicains purs, ils ont partagé volontairement la responsabilité de toutes les infamies votées et commises par la majorité, de toutes les trahisons de la classe ouvrière à l’intérieur. Et pendant que tout cela se passait, la classe ouvrière était paralysée par la présence au gouvernement de ces messieurs, qui prétendaient l’y représenter » (La révolution italienne à venir et le Parti Socialiste - P.486).
Perspective de reconstruction d'une gauche ouvrière et anti-impérialiste au Sénégal
A l’instar du mouvement ouvrier, communiste et populaire africain et international, la gauche révolutionnaire anti-impérialiste au Sénégal n’échappe donc pas à la crise. La faillite évidente de celle ci fait que, de façon implicite puis de plus en plus explicite, s’opèrent une différenciation, une démarcation et une recomposition, manifestation de la crise de la gauche.
A la base de ce processus de clarification il y a les facteurs objectifs suivants :
- les effets dévastateurs sur le plan social, politique, économique et culturel de la contre – révolution bourgeoise victorieuse temporairement du socialisme, de l’offensive libérale, de la re-mondialisation capitaliste et de la faillite politique du révisionnisme idéologique et de la social – démocratie.
Au Sénégal, conséquence des décennies de libéralisme marquées par les plans d’ajustement structurel et les privatisations dictées par les institutions de Brettons Woods (FMI, BM, OMC), l’alternance a fait succéder au pouvoir quadri-décennal de la social-démocratie libérale, le libéralisme s’inféodant les principaux dirigeants de la gauche révolutionnaire anti-impérialiste d’antan. Ceux qui ont été expulsés du pouvoir de l’alternance se sont arrimés à la social-démocratie libérale et ceux qui sont restés mendient servilement A. Wade comme le font les dirigeants de And Jêff des sinécures gouvernementales et autres pour retourner à la mangeoire du pouvoir.
- l’inversion de la force politique au pouvoir du système de la bipolarisation politique passant de la social – démocratie au libéralisme prolonge tout simplement l’hégémonie acceptée d’antan du « parti de contribution », ses entrées et sorties « des gouvernements d’union nationale » flanqués des ex-dirigeants marxistes léninistes de la gauche historique.
A peine sept ans après l’alternance, conquête démocratique du peuple soumis durant 40 ans au pouvoir socialiste libéral, les yeux s’ouvrent à la base des partis historiques de la gauche révolutionnaire et anti–impérialiste minés par l’opportunisme électoraliste et le carriérisme politique.
- le processus en cours « d’accumulation primitive du capital », pour reprendre une formule de K. Marx, de la nouvelle bourgeoisie compradore mafieuse PDS et alliés de la CAP21, concurrente de l’ancienne du PS, engendre un processus d’opposition au sein des partis de la gauche historique de la part de ceux qui partagent et défendent les convictions qui ont été historiquement à la fondation des partis de la gauche historique.
C’est dans ce cadre qu’il faut situer les différentes initiatives de ces dernières années : Séminaire international de Dakar 2004 organisé par des militants de And Jëff, du PIT, de la LD/MPT, du PAI et du RTA-S/COP, Mouvement des Assises de la Gauche (MAG), Pencu Askan Wi, Jubbanti, Appel pour le 50éme anniversaire du Manifeste du PAI, etc.
Ce besoin de se retrouver entre militants, plus ou moins organisés, qui, se sont souvent combattus dans le passé, et d’y associer les militants acteurs issus des luttes sociales et politiques plus récentes est une nécessité qu’il faut absolument encourager et développer.
- les questions et problématiques des luttes des travailleurs, des peuples et des nations dans le contexte de la re-mondialisation et les perspectives pour la gauche révolutionnaire anti–impérialiste qui agitent toutes ces initiatives reflètent aussi le besoin d’un débat et d’une unité d’action qui tiennent compte de la ré-émergence progressive des mouvements sociaux politiques, des luttes ouvrières, des combats nationaux et des minorités nationales contre l’offensive libérale et les effets de la crise du capitalisme mondial tant au centre de l’impérialisme qu’à sa périphérie.
- la crise du capitalisme mondial et la contre – révolution bourgeoise libérale et social – démocrate mettent en branle des résistances de plusieurs classes sociales (la classe ouvrière, la paysannerie, les travailleurs de l’informel, la jeunesse, les femmes, la petite bourgeoisie et même des sections de la bourgeoisie nationale dans les pays dominés).
C’est cela le contenu actuel de classe pour l’essentiel des mouvements alter – mondialistes et des résistances nationales à la re - colonisation impulsés par la re-mondialisation impérialiste. Les forums sociaux dominés par les ONG, les expériences en Amérique Latine du Brésil de Lula, du Venezuela de Chavez, du Zimbabwe de Mugabe, de Haïti d’Aristide, du Congo de kabila, des votes majoritaires répétés contre la construction du pôle impérialiste en construction de l’Union européenne au Danemark, en Irlande, les résistances militaires nationales yougoslave, irakienne, palestinienne, afghane, les luttes sociales telles novembre/décembre 1995 en France, les grèves ouvrières en Italie, les 11 ans de luttes des sans papiers en France et en Europe, les formidables résistances de Cuba et de la Corée du Nord socialistes; tous ces combats reflètent à des degrés divers la montée en puissance de l’opposition au capitalisme et au libéralisme triomphants et arrogants.
Toutes ces expériences montrent des alliances et/ou des fronts de classes nécessaires, mais qui ne doivent pas nous cacher les intérêts différents de chaque classe sociale participante. C’est à ce niveau qu’il faut placer la problématique de la reconstruction des forces organisées, des partis ouvriers révolutionnaires et anti – impérialistes.
Les tâches du moment dans un pays comme le Sénégal
Réunir les forces pour œuvrer à la fondation du parti des ouvriers, des paysans et des travailleurs de l’informel, en ce sens que ce sont les classes et couches sociales fondamentales d’un projet social, souverain et patriotique anti-impérialiste conséquent.
L’anti – impérialisme conséquent est le credo incontournable pour une véritable démarcation politique. Non seulement il s’agit d’élaborer un programme alternatif à la domination impérialiste, mais aussi il faut forger une force politique représentative du monde du travail capable de disputer l’hégémonie du mouvement national à la bourgeoisie nationale compradore. Il faut s’attaquer à la question agraire et paysanne fondement de l’alliance de classe ouvrière et paysanne sans laquelle la question du pouvoir de classe ne peut être réglée.
L’option panafricaine des travailleurs sur la base de l’étude des expériences passées notamment de l’union inter-coloniale (Lamine Arfan Senghor, Thièmokho Garang Kouyaté, des Groupes d’Etudes Communistes, du RDA, du PAI, etc. Le principe fondamental du panafricanisme doit être « l’union libre des peuples libres d’Afrique ».
L’internationalisme fondé sur la devise « prolétaires de tous pays, peuples et nations opprimés, unissez vous ».
L’étude des expériences révolutionnaires du mouvement ouvrier international et des peuples opprimés, notamment l’étude des expériences en cours en Amérique du Sud.
Définir des stratégies et tactiques d’alliances, de fronts dans le contexte du rapport actuel des forces favorable pour l’instant à l’impérialisme et la bourgeoisie compradore apatride.
Mettre en pratique des tactiques qui allient luttes sociales, démocratiques, politiques, et électorales. Il n’y a pas et ne peut y avoir de « muraille de chine » entre les différentes formes et méthodes de luttes. C’est la combinaison de l’ensemble des luttes idéologique, politique, économique et culturelle qui constitue le processus d’émancipation sociale et nationale.
La «crise de la gauche» résulte de l’électoralisme, le carriérisme et la soumission viscérale au libéraux et/ou à la social – démocratie. Le premier objectif est de travailler par l’unité d’action pour en finir avec le sectarisme des chapelles d’antan. La gauche révolutionnaire anti-impérialiste a été handicapée par cette « maladie infantile » qui a conduit à préférer la soumission aux libéraux et à la social – démocratie à l’indispensable unité d’action des partis de la gauche historique pour briser la bipolarisation de la vie politique.
Ce n’est là en réalité que le transfert littéral sur le terrain du leadership électoral, pour ainsi dire, des « querelles de chapelles idéologiques » d’hier fondées plus sur le mimétisme des « grands frères » soviétiques, chinois, albanais, etc. C’est aussi le reflet conscient ou inconscient de la concurrence au sein de la petite bourgeoisie intellectuelle, produite pour une large part de la paysannerie, qui selon la juste expression de Lénine « engendre chaque jour le capitalisme », mais se soumet aussi au grand capital, tout comme le font les dirigeants petits bourgeois de la gauche historique vis à vis des libéraux et des sociaux – démocrates.
Un potentiel de gauche révolutionnaire et anti – impérialiste existe, mais reste disséminé. Le réflexe de chapelle a été longtemps de considérer les expériences des uns et des autres comme totalement négatif et insignifiant. C’est pour le moins une ignorance certaine du matérialisme dialectique et du matérialisme historique. Chaque expérience est en réalité une étape reflétant le niveau de conscience politique du moment du prolétariat et des masses laborieuses.
Chaque expérience doit faire l’objet d’une critique scientifique sur la base de l’analyse concrète d’une réalité concrète et non des anathèmes dogmatiques et stéréotypés qui conduisent un bourgeois compradore libéral démagogue et populiste comme le président A. Wade, parlant de ses alliés du PAI, du PIT, de la LD/MPT et de And Jëff, à déclarer : : « Pour moi, c’était des gens qui jouaient un jeu, l’histoire avait fait qu’ils avaient basculé dans un camp qui les soutenait. Ceux qui recevaient des subsides de Moscou, il fallait qu’ils jouent les communistes, comme ceux qui recevaient des armes aussi » (Chronique d’une Alternance - Malick Diagne - p.64-édition Xamal-juillet 2000).
Le défi à relever par les militants pour une gauche ouvrière, révolutionnaire, panafricaniste et anti – impérialiste sont :
- D’élaborer un cadre d’unité d’action visant à développer les luttes sociales et à conquérir l’avant-garde de la classe ouvrière,
- D’enclencher un travail en profondeur visant à débattre scientifiquement de nos héritages divers et des contradictions qui ont secoué le mouvement communiste international, le mouvement panafricaniste, le mouvement révolutionnaire de la gauche historique en Afrique et au Sénégal ;
- De mettre en place des sessions de formation politique sur la base du matérialisme dialectique et du matérialisme historique, susceptibles de forger les cadres politiques et en particulier les cadres ouvriers ;
- De renforcer le plus possible les liens entre les organisations des différents pays africains ;
- De soutenir par tous les moyens possibles l’ensemble des luttes anti-impérialiste conformément à la tradition de l’internationalisme prolétarien.
Ferñent propose la mise en place ensemble d’un cadre d’unité d’action pour :
- Prendre en charge le débat idéologique et politique co-organisé dans le but de jeter les bases d’un programme d’unification ;
- Développer l’activité commune organisée en direction du mouvement ouvrier et populaire ;
- Former des dirigeants ouvriers, paysans, jeunes, femmes des luttes de classes, des luttes démocratiques et nationales;
- S’engager ensemble dans les luttes électorales, notamment les municipales et locales prochaines ;
- Constituer ainsi à terme une alternative crédible à l’opportunisme, au carriérisme et au diktat hégémonique des partis libéraux et sociaux – libéraux sur l’opposition et alternativement sur le pouvoir ;
Fait à Dakar le 1er janvier 2008
Le Comité Editorial
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